Le premier gourou sportif du sommeil nous parle de l'art du repos

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L'art de pioncer

Le premier gourou sportif du sommeil nous parle de l'art du repos

Le siestes sont-elles si importantes que ça pour les sportifs ? On a parlé a Nick Littlehales au sujet de la corrélation entre un bon repos et le succès sportif.

La sieste. Pas nécessairement l'activité la plus sportive ou la plus sexy qu'on pourrait imaginer. Le roupillon diurne nous rappelle plus des sénateurs qui s'ennuient ou encore des petits vieux plutôt que des jeunes athlètes agiles et ambitieux. Mais ce serait mal connaître ces derniers.

La sieste est en fait un super chargeur naturel, un remède de champions, comme le sont plusieurs autres comportements qui, a priori, ressemblent plus aux symptômes d'une dépression, à savoir : fixer le vide, être couché en position fœtale, ou être assis sur les toilettes avec une serviette sur la tête. Ah et l'alcool et le sexe sont bons aussi. Dans une certaine mesure.

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Notre guide et expert des phénomènes nocturnes – et autres – est Nick Littlehales, l'homme qui a presque inventé le « sleep coaching » à lui tout seul, avec l'aide de Sir Alex Ferguson. Il se peut que vous ignoriez parfaitement l'existence du sleep coaching – et beaucoup d'entraîneurs de football ne sont pas encore dans le coup – mais Littlehales travaille avec des institutions sportives assez importantes, comme Manchester City par exemple…

« L'équipe britannique de cyclisme, la Team Sky, même des équipes de tir à l'arc, d'aviron, le BMX, la NFL, la NBA, jusqu'aux ligues féminines de football et de rugby, tous s'y mettent », explique le coach, qui a fait une place à VICE Sports dans le planning chargé de son après-midi. Et la gestion du temps fait partie de son business. « Mais il s'agit avant tout d'individus, poursuit-il. Ce sont juste des êtres humains, donc il s'agit vraiment de trouver un moyen de récupérer mentalement et physiquement à n'importe quel moment, mais pas de la manière communément répandue. Du genre dormir huit heures par nuit, d'où est ce que ça sort ça ? »

Sleep, le nouveau livre de Littlehales, a pour sous-titre « Le mythe des huit heures », et c'est l'idée qui va probablement le plus secouer notre petit monde – ou du moins changer nos modes de vie, un peu. D'après ce qu'il explique, cette histoire de dormir toute la nuit n'est tout simplement pas naturelle, et prévaut seulement depuis que l'ampoule électrique a été inventée. Jusqu'alors, nous avions toujours dormi moins longtemps, plus souvent.

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Le problème avec les « huit heures d'un coup », explique-t-il, c'est qu'on y a rarement le droit, et c'est d'autant plus vrai pour les sportifs, qui sont là, allongés à stresser pour un match, ou des Jeux olympiques qu'ils préparent depuis quatre ans, ou encore pour les tests décisifs du lendemain. Les jeunes footballeurs sont particulièrement exposés à ces troubles du sommeil à cause de l'usage excessif d'écrans – smartphones, tablettes, jeux vidéo – qui stimulent la sérotonine au mauvais moment. « C'est une culture qui exige notre attention 24h/24 et 7j/7, et il y a moins d'opportunités de récupérer naturellement, explique-t-il. On observe une utilisation accrue de somnifères non prescrits. »

Nick Littlehales.Photo N.L.

Voir un coach du sommeil est bon pour la santé. Passez donc 45 minutes à discuter avec Littlehales et toute votre vision changera, même s'il suggérera probablement de réduire la discussion à 25 minutes et de profiter des 20 autres pour piquer un roupillon. Idéalement, nous devrions tous être conscients des « rythmes circadiens ». Le nom peut faire penser à celui d'un mauvais groupe de musique qui aurait été la tête d'affiche du Global Gathering, mais il s'agit en fait du cycle qui régit notre prédisposition à nous endormir. Il y a en fait trois périodes naturelles pour dormir. Nick explique : « Entre 13 heures et 15 heures ; entre 17 heures et 19 heures ; et puis entre 23 heures et 6 h 30. C'est trop que de demander à une vaste majorité de la population aujourd'hui de se forcer à ne dormir que la nuit. »

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La culture de la sieste n'a en tout cas pas fait de mal à l'équipe nationale espagnole de football post-millenium. Mais que faire si votre vie sportive se résume à un foot à cinq après une journée de huit heures ? Quand caler une sieste ? Eh bien, pas besoin de dormir. Décrocher – fixer un mur blanc – peut aider, au même titre que la technique de la serviette sur la tête assis dans les toilettes mentionnée plus haut. « Maintenant j'arrive à faire la sieste assis à mon bureau, je mets mes écouteurs et je décroche, dit-il. Une sieste de 20 ou 30 minutes au bon moment de la journée peut booster mon attention et ma vigilance d'environ 40 %. »

Littlehales a d'ailleurs commencé en tant que sportif, il a été golfeur professionnel et a joué aux côtés de Nick Faldo et Ian Woosnam. Il a troqué ses putters contres des oreillers, est devenu un expert du sommeil reconnu dans une grosse entreprise de literie, puis s'est intéressé aux applications plus larges de sa discipline. C'est alors qu'il a écrit une lettre à Manchester United

« Si ç'avait été n'importe quel autre club, ils n'auraient probablement jamais répondu à la lettre, parce qu'il n'y en avait aucune raison, admet-il. Mais l'ouverture d'esprit d'Alex Ferguson à l'époque a joué en ma faveur, il m'a dit : Pour le moment on ne fait rien [dans ce domaine], mais je suis intrigué, donc parlez-en au kiné. »

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Cette équipe dominatrice de la fin des années 90 n'avait pas vraiment l'air à moitié endormie, à part Phil Neville, mais ils ont quand même été « encouragés à venir discuter avec moi après un entraînement. Le seul joueur à être venu me voir a été Ryan Giggs. Il était encore jeune à l'époque, mais il avait déjà un état d'esprit différent sur la manière d'être joueur et athlète. Quelques personnes ont par la suite adopté une attitude légèrement différente et peuvent aujourd'hui jouer jusqu'à la quarantaine. »

Les autres ont fini par s'intéresser aussi, à tel point que Littlehales s'est retrouvé dans la chambre de Gary Pallister. Le défenseur dégingandé souffrait de problèmes de dos, ce qui demandait pas mal de réadaptation et de soins. Le problème c'est qu'il se réveillait le lendemain, le dos encore bloqué. Personne n'avait vérifié son lit.

« Lui et sa conjointe étaient allés dans un magasin acheter quelque chose qui était censé être orthopédique, chiropactique, mais c'était en fait juste dur comme de la pierre. J'ai juste changé sa literie, il s'est mis a dormir en position fœtale, presque sans oreiller, dans une bonne posture, ronronne le coach. Il y a eu de vraies améliorations : il a pu s'entraîner un peu, il passaient moins de temps sur la table du kiné, il avait le sourire aux lèvres. »

Gary Pallister, au centre, a été métamorphosé après sa rencontre avec Littlehales // PA Images.

Littlehales a ensuite aidé l'Angleterre à se préparer pour un des rares tournois qui n'a pas été un échec : l'Euro 2004. « Avec Sven Goran Eriksson et Leif Schwartz, le docteur, on a littéralement choisi toutes les chambres pour chaque joueur. On s'est un peu moqué de nous pour être honnête. Mais je fais exactement la même chose aujourd'hui avec Team Sky et l'équipe britannique de cyclisme. On a envoyé 30 sommiers et matelas à Rio. »

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La plupart des hôtels sont plutôt mauvais en termes de literie, et beaucoup d'athlètes « séjournent dans des hôtels où ils n'ont pas le choix des produits, ni celui de l'environnement. » Aujourd'hui, les organisations avisées envoient un expert pour vérifier également la luminosité, le bruit, pour « s'assurer qu'il s'agit de chambre d'athlète d'élite et non pas une chambre pour l'enterrement de vie de jeune fille qui a eu lieu la veille. »

Le coach du sommeil est passionné par la spécialité qu'il a globalement inventée, et ça semble normal. Les équipes de sport sont tellement tatillonnes avec la récupération post-effort qu'il semblerait un peu négligent de laisser les athlètes rentrer chez eux dormir dans un lit à baldaquin ridicule avec une télé intégrée et une Xbox. Un repos sain peut faire la différence, en termes d'énergie. « Vous avez Sir Chris Hoy ou Jason Kenny qui prennent ce dernier virage, un rien les sépare de l'or, dit-il. Et combien de matches de football se jouent dans les quatre ou cinq dernières minutes ? »

Mais malgré cela, il laisse entendre que beaucoup d'entraîneurs de football ne veulent tout simplement pas comprendre. « Pour une grande partie d'entre eux, il y a toujours l'approche à la Brian Clough, les principes de base, soupire-t-il. Vous arrivez et vous dites on va commencer à les localiser via GPS [pour collecter des données de forme physique] et ils vous disent dégage ! Je crois que même Mourinho a dit qu'il n'aimait pas le concept du GPS lorsque les joueurs s'entraînent, parce qu'il connaît ses joueurs mieux que tout. »

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Bon, il a une meilleure vue que la plupart des entraîneurs – depuis la tribune. Et il est juste de dire que José n'a pas toujours été sur la même longueur d'onde que les kinés de son clubs ces dernières années.

« Au sein de tous les clubs, les préparateurs physiques veulent instaurer [ces techniques] parce qu'ils valorisent la récupération ; les kinés aussi et les directeurs sportifs se rendent compte que leurs emplois du temps deviennent tellement exigeants qu'ils doivent réagir. Mais les entraîneurs disent non, il n'y avait pas ça quand il étaient joueurs. »

C'est d'ailleurs un moment intéressant pour parler de cette problématique de récupération, puisque nous sommes quelques jours après la sortie d'articles qui ont fait la une à propos des frasques nocturnes de certains joueurs anglais. L'expert pense-t-il qu'ils auraient dû s'installer confortablement avec un chocolat chaud ? Nan. Si vous aimez une bière fraîche pour décompresser alors « ça fait partie du processus de récupération. » Une cuite à l'occasion ? Eh bien, si vous avez du temps libre de prévu et que vous le méritez, ça peut également être bénéfique, sinon les joueurs « risquent de rester prisonniers de leur bulle, » dit-il.

Vous avez le droit de célébrer une victoire avec une bière de temps en temps les gars, mais là c'est juste du gâchis // PA Images

Cette montée de stress semble être un problème lors des tournois, et Littlehales « a collaboré avec beaucoup d'organisations qui avaient interdit la visite des compagnes aux événements. » Mais le vieux cliché selon lequel le sexe affecterait le niveau d'énergie est apparemment une bêtise. « Pour certains, l'orgasme fait l'effet d'un shoot d'adrénaline et ils se mettent à courir partout, dit-il. Mais il s'agit d'évaluer la valeur de ce processus. Certaines personnes sont très affectées lorsque leur conjoint les déçoit lorsqu'ils font l'amour. »

Quelle autre problématique nocturne a-t-il rencontré dans le monde du sport ? « Toujours les mêmes choses : les gens qui pètent au lit, qui parlent, voire chantent dans leur sommeil, dit-il. Le cas le plus intriguant est quelqu'un qu'il a suivi qui ne peut s'endormir qu'en « allumant des aspirateurs, à cause de choses qui se sont passées pendant son éducation. »

Peut-être que ça aide à booster son énergie, mais bonjour les factures d'électricité. Le cauchemar.