FYI.

This story is over 5 years old.

Drogue

Quand je suis né, j'étais saoul

La mère de Mario (21 ans) a tellement bu pendant sa grossesse qu'il est né avec le syndrome d'alcoolisme fœtal (SAF).
syndrome d'alcoolisme fœtal (SAF)

Ne ratez plus jamais rien : inscrivez-vous à notre newsletter hebdomadaire et suivez VICE Belgique sur Instagram.

« Je suis né alcoolique. Lorsque ma mère était enceinte de moi, elle a bu énormément pendant trois jours. Certains bébés ne survivent pas à ce genre de choses. Moi bien. À cause de l'alcool, mon cerveau est moins développé. Les adultes possèdent des enzymes qui décomposent l'alcool. Les bébés n'ont pas encore ces enzymes. Vous pouvez comparer mon cerveau à une noix ratatinée. Si vous possédez une belle noix, vous verrez toutes les lignes qui sont connectées les unes aux autres. Mais avec la mienne, toutes les connexions sont entrecroisées. Ça signifie que je possède à peine un peu de mémoire. Si à 7 heures du matin, vous me dites de prendre une douche, puis que vous m'envoyez un SMS un peu plus tard pour me le rappeler, je vais quand même oublier. Cuisiner est un désastre : avoir trois casseroles sur le feu me stressent. Je ne me souviens pas des codes PIN, je suis une merde avec les noms.

Publicité

« Je souffre aussi d'une dyslexie très grave, de TDAH et d'autisme. Ça ne veut pas dire que je ne suis pas social - je suis une personne très humaine. »

À l'école, je me suis toujours senti mal. Je ne pouvais jamais suivre. On avait deux semaines pour apprendre la matière d'un test, mais rien ne restait ma tête. Après six ans d'anglais, je ne pouvais toujours pas le comprendre. J'ai étudié dur pour au final, n'obtenir aucun résultat. Frustrant. J'ai terminé avec douleur et beaucoup d'efforts le niveau 1 de MBO en soin animalier (enseignement secondaire professionnel, ndlr).

Mon cerveau est techniquement trois ans plus jeune que je ne le suis réellement. Je souffre aussi d'une dyslexie très grave, de TDAH et d'autisme. Ça ne veut pas dire que je ne suis pas social - je suis une personne très humaine - mais j'ai des traits compulsifs. Il fallait que je fasse tout deux fois. Éteindre la lumière deux fois. Ouvrir et fermer la porte deux fois. Monter et descendre les escaliers deux fois. Tout le monde autour de moi est devenu fou. Maintenant, je me craque souvent la nuque. Avec le SAF, votre cerveau est tellement complexe que des médicaments comme le Ritalin ne fonctionnent pas. Pire encore : ils deviennent contre-productif. Je me souviens avoir pris du Ritalin dans mon enfance et soudainement avoir vu les voitures du papier peint de ma chambre bouger. C'était fou.

J'ai grandi dans une famille d'accueil. Je suis arrivé chez mes parents d'accueil quand j'avais trois semaines. Ils avaient déjà deux fils, j'étais leur enfant inattendu. Ce sont des gens en or. Ils étaient là pour moi dans les bons moments, mais aussi dans les mauvais. Ces moments où j'ai fait tout ce que Dieu interdit. J'ai beaucoup volé. Les personnes atteintes du SAF ont souvent une conscience sous-développée et ne peuvent pas comprendre les conséquences des choses. Je peux détruire quelqu'un avec des insultes. Dès que j'entrais dans un magasin avec 5 euros, si je voyais quelque chose de plus cher, je devais automatiquement le voler. Ce n'est que par la suite que je me rendais compte que ce n'était pas bien, mais à ce moment-là, je ne pouvais pas m'en empêcher. J'étais souvent agressif. À l'école, je me perdais dans mon propre monde sans limite. J'ai tripoté un camarade de classe qui m'a grondé - j'étais un non-conformiste - puis tout d'un coup je l'ai étranglé jusqu'à ce qu'il devienne rouge, violet, bleu … Vraiment. Les autres ont dû intervenir tellement de fois. Je pense que c'est la raison pour laquelle je n'ai jamais vraiment eu d'amis.

Publicité

« Vous penseriez qu'une personne atteinte du SAF ne boit pas, mais c'est ce que j'ai fait. Et beaucoup. »

Pendant ma puberté, je traînais beaucoup avec les bandes de jeunes. Je suis même allé au-delà de mes limites. Vous penseriez qu'une personne atteinte du SAF ne boit pas, mais c'est ce que j'ai fait. Et beaucoup. Vodka, bière, tout. Afin d'oublier mes problèmes et ne pas avoir à ressentir mes émotions. Les personnes atteintes du SAF n'apprennent bien souvent ce diagnostic que plus tard. C'est une addition de troubles et de problèmes. Mes parents d'accueil et moi l'avons découvert à l'âge de treize ans. Par hasard. J'étais à l'hôpital pour un bilan de santé; J'avais une tumeur maligne à la mâchoire. Ça ne s'invente pas, hein ? Double poisse. Mais ça n'avait rien à voir avec mon passé. Quoi qu'il en soit, je suis tombé sur un pédiatre spécialisé dans le traitement d'enfants d'alcooliques. Il a examiné mon dossier. Et voilà, la dernière pièce du puzzle est arrivée. D'un côté, vous êtes heureux. Vous savez enfin ce que vous avez. Mais depuis, il m'est arrivé d'utiliser mon état de santé comme une excuse. Si quelqu'un me dit « agis comme un adulte », je lui réponds «bonjour, je n'ai que 17 ans ». Mais de l'autre côté, heureux est aussi un bien grand mot. La liste des troubles était correcte. Et ça voulait dire que ma mère avait vraiment été irresponsable quand j'étais dans son ventre. Ce n'est pas chouette à entendre.

Publicité

Quand j'ai eu 17 ans, j'en ai parlé avec elle. Je me sentais prêt. Nous avions eu des contacts pendant toute ma jeunesse mais elle travaillait dans la prostitution, consommait de la drogue et n'avait souvent pas de lieu de résidence permanent. C'était difficile de savoir où elle traînait. Ma mère m'a dit qu'elle n'avait pas bu cet alcool de son plein gré. Elle avait certes beaucoup bu avant et après sa grossesse - j'ai cinq frères et sœurs - mais jamais pendant. Elle m'a dit que mon père ne voulait pas qu'elle me garde. Il l'a attachée à une chaise et lui a mis un entonnoir dans la bouche. Puis l'a rempli. Comme ça, elle ferait une fausse couche. Je la crois. Je ne peux pas demander à mon père; il est mort. Mais je ne veux pas vivre dans la colère. Je ne peux pas juger non plus. Ça s'est passé avant moi, quand je n'étais qu'un embryon.

« Ma mère adoptive m'a dit au revoir et m'a murmuré : 'Je n'aurais jamais cru que tu t'en irais de manière aussi calme.' C'est beau ça, non ? »

Peu à peu, j'ai appris à mieux gérer mes émotions. Enfant, j’ai vu douze psychiatres et trois psychologues. J'étais toujours mineur, donc je devais le faire. À 18 ans, j'ai pensé : j'étouffe. Mais un an et demi plus tard, j'ai remarqué que j'avais des problèmes. Pas seulement à cause de mes troubles, mais aussi par rapport à mon passé. Je n'ai pas rendu la tâche facile à mes parents d'accueil.

Maintenant, je vais bien. Je pense que je suis heureux. Je vis à Leeuwarden dans une ferme de soins et je reçois des conseils intensifs. Je suis quelqu'un qui a besoin de structures, mais qui ne peut pas se les créer. À la ferme, je m'occupe des animaux. Nous avons des cochons, des chats - l'un d'eux a seulement trois pattes - des poulets, des lapins. Un poney, aussi, et il porte un bébé. Je me demande quand le poulain va arriver.

Publicité

Je me suis fait des amis au sein du groupe. J'en suis content. Je me souviens que lorsque je suis arrivé dans ce groupe, ma mère adoptive m'a dit au revoir et m'a murmuré : « Je n'aurais jamais cru que tu t'en irais de manière aussi calme. » C'est beau ça, non ?

Je ne fais plus de mal. Je suis plus âgé. Plus calme. Je ne bois plus une goutte. Je peux exprimer mes sentiments dans des chansons auto-écrites; J'aime faire du rap. Je vais aussi à l'église tous les dimanches avec mon voisin. En plus de mon travail à la ferme, je tiens des réunions d'informations dans les écoles. Les gens ne savent pas ce qu'est le SAF. Ce n'est pas une chouette matière à apprendre, mais c'est utile. Les gens ne savent pas comment se comporter avec nous. Nous avons besoin d'un peu plus d'espace pour être nous-mêmes. C'est pour ça que je raconte mon histoire. On ne peut rien y changer. Seules nos mères auraient pu faire quelque chose à ce sujet. Mais c'est trop tard pour ça maintenant.

Parfois, je m'inquiète de mon avenir. Je voudrais trouver un emploi permanent, une relation. Mais est-ce réaliste? Je n'ai pas de petite amie pour le moment. J'aimerais bien, mais c'est compliqué. Il m'arrive d'avoir encore des problèmes avec moi-même. Mais si je continue à recevoir des conseils, les choses vont continuer à bien se dérouler. Et j'espère aussi que Dieu a quelque chose de beau pour moi en réserve. »

Cet article a été initialement publié sur TONIC Nederland.