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ZAD

« L’évacuation de Notre-Dame-des-Landes est illégale »

Avocate d’une vingtaine de zadistes, Aïnoha Pascual va, dès aujourd'hui, poursuivre l’État pour non respect du cadre légal des procédures d’expulsion. Interview.
Photo : Loïc Venance/ AFP

Hier, lundi 9 avril, le gouvernement a procédé à l’évacuation musclée de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Une action que maître Aïnoha Pascual estime hors-la-loi, car non conforme aux procédures légales. Interview d’une jeune avocate « outrée » de voir le gouvernement « bafouer l’état de droit ».

Vice : en tant qu’avocate de certains zadistes, quel regard portez-vous sur l’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ?
Aïhnoa Pascual : elle est tout simplement illégale. En France, pour expulser quelqu’un, il faut qu’il y ait eu une décision de justice rendue dans le respect des règles de l’équité et du contradictoire. C’est ce que dit la loi, et plus précisément l’article L.411-1 du code des procédures civiles d’exécution. Or, aucun habitant n’a reçu d’ordre d’expulsion en bonne et due forme. L’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes est donc, techniquement, hors la loi.

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Le gouvernement affirme que le respect des procédures est rendu impossible par le fait que les habitants ne sont pas identifiables. Que répondez-vous à cela ?
Que c’est totalement faux. Beaucoup de gens se sont fait connaître, ont donné leur identité et ainsi que le numéro de parcelle sur lequel ils vivaient, afin de se mettre en conformité avec la loi. Ils attendaient un ordre d’expulsion… qui n’était pas arrivé quand les bulldozers ont commencé à raser leurs habitations.

Quelles suites comptez-vous donner à cette évacuation ?
Et bien nous allons attaquer. Nous avons déposé des référés pour dénoncer ces expulsions parfaitement illégales. Et demander réparations, quand cela sera légitime, en fonction des destructions d’habitations, du préjudice moral et éventuellement physique. Parce qu’elle se situe hors des procédures légales, cette évacuation constitue un délit : l’article 226-4-2 du Code pénal sanctionne d’une peine de trois ans de prison et de 30 000 euros d’amendes le fait de forcer un tiers à quitter le lieu qu’il habite sans avoir respecté les procédures.

N’y a-t-il pas une dimension cocasse au fait de se réclamer du droit alors que les zadistes se sont installés à Notre-Dame-des-Landes en toute illégalité ?
Mais c’est le principe même de l’état de droit ! Le droit ne cesse pas de s’appliquer parce que vous l’avez enfreint. Même si vous avez commis un crime atroce, vous continuez de bénéficier des principes généraux du droit. Et heureusement ! Je suis déçue et outrée que le gouvernement ait choisi de bafouer l’état de droit.

Que répondez-vous à ceux qui estiment que la ZAD présentait un trouble à l’ordre public et que de ce fait, elle peut légalement être détruite ?

D’abord, la notion de trouble à l’ordre public ne permet en aucun cas de raser des habitations. Ensuite, puisque le gouvernement a choisi de respecter la trêve hivernale, c’est bien qu’il n’existait pas de trouble à l’ordre public. Pourquoi la présence de la ZAD constituerai un trouble à l’ordre en avril, alors que ça n’était pas le cas pendant l’hiver ?

Enfin, le site de Notre-Dame-des-Landes ne relève pas du domaine public : elle appartient au patrimoine privé de l’état. Elle n’est donc pas soumise à cette notion. Pour permettre l’expulsion, il faudrait qu’il y ait une atteinte à la tranquillité, la salubrité ou la sécurité. Or, ce que je constate, c’est que c’est l’état qui a décidé de militariser la zone – et de porter atteinte à la sécurité des habitants.