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Food

KoЯn se lance dans le café artisanal

La rencontre tant attendue entre la torréfaction et la crème du nü metal du début des années 2000.
Photos avec l'aimable autorisation de Jeremy Gursey.

Je ne sais pas trop ce qui définirait le mieux Korn (un enchevêtrement de dreads, les comics de Todd McFarlane, des énormes chaînes accrochées à des futes Dickies coupés en short et qui tombent jusqu’aux chevilles ?). Par contre, je crois parler au nom de tout le monde quand je dis que le café n’est pas le premier truc qui viendrait à l’esprit.

Pourtant, et il va falloir s'y faire, le Korn Koffee existe. Il a été dévoilé il y a deux semaines par le biais d'une campagne promo Twitter à couper le souffle dans laquelle on voit notamment Munky, Fieldy et Head remuer des grains de café dans des cuves énormes – et mettre la main à la pâte pour, j’imagine, évaluer la couleur du mélange ou un truc dans le genre. 2018 est une année assez chelou pour pas mal de raisons (violentes et tragiques). Je dirais que le fait que Korn se lance dans ce genre d’artisanat est un de ses rares points positifs.

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Les observateurs assidus de Korn auront remarqué que le Korn Koffee n’est que le dernier né d'une série de partenariats plus qu'improbables. Les « Beatles du nü metal » avaient, quelques semaines avant de se mettre à la caféine, annoncé la sortie d’un Korn Burger en collaboration avec Umami Burger – chaîne présente dans tous les quartiers gentrifiés des Etats-Unis. (Aucune info n'a circulé sur le goût du bœuf ou sa cuisson ; on sait simplement que le bun est frappé d’un logo Korn.) Quelques jours plus tard, c’est Urban Outfitters qui commercialisait une série de t-shirts à l'effigie du groupe, ce qui pourrait très bien marquer le début de la fin du royaume des hipsters tel qu’on le connaît.

Perso, je n'ai aucun problème avec tout ça. Korn est un groupe qui charbonne depuis très longtemps et, quels que soient mes goûts musicaux, ils ont absolument le droit de s’aventurer dans l'alimentaire. Après, je ne m'attendais clairement pas à ce que la fille sur la pochette de Follow The Leader devienne une consommatrice de café guatémaltèque raffiné ou de burgers à 14 balles en édition limitée. Il fallait donc que je comprenne pourquoi ce groupe – plutôt qu'un autre – avait basculé dans un secteur aussi incongru.

Les raisons sont beaucoup moins cyniques que prévues. Jeremy Gursey, propriétaire de J. Gursey Coffee et maître-torréfacteur à l'origine le Korn Koffee, m’a convaincu au téléphone la semaine dernière. Il s'avère que le café était dans les tuyaux depuis plus d'un an. Gursey m’a expliqué qu’il avait échangé à plusieurs reprises avec le groupe afin de définir un profil de saveur approuvé par tout les membres. Il a ajouté que la collaboration avait abouti à 18 mélanges de prototypes différents avant de se rabattre sur une torréfaction moyenne – ni trop amère, ni trop sucrée – avec un compromis qui ressemble beaucoup à un assemblage de thrash metal et de hip-hop. « C'était un processus, assure-t-il. Pas le simple geste de foutre le nom sur un produit. »

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Gursey est conscient que le café ne fait pas naturellement partie de l’imagerie nü metal. Il concède que Korn est effectivement en train de construire une « marque lifestyle » (ce sont les mots qu'il emploie). Le groupe lui-même est composé de buveurs de café occasionnels, à l'exception du batteur Ray Luzier, qui est un véritable connaisseur. (Jeremy et lui sont maintenant amis.)

Gursey précise aussi que l’âcreté caractéristique des grains n’est pas un hommage direct à la musique de Korn, et qu'il est bien difficile de donner un goût de noisette avec des lignes de basse spongieuses ou une longueur en bouche grâce au bruit d'animal que Jonathan Davis fait au milieu de Freak on a Leash.

Luzier, qui a eu la gentillesse de répondre à certaines de mes questions avant de partir en tournée, répète qu'il savait depuis le début que Gursey apporterait une « touche artistique » au projet. « On ne le fait pas pour gagner de l'argent. On le fait parce que c'est un projet qu'on apprécie », insiste-t-il, tout en ajoutant qu'il espère que le Korn Koffee aidera le groupe à « se diversifier ».

De toute évidence, ça fonctionne. Le café s'est vendu presque instantanément sur le site Internet du groupe. Le détail des acquéreurs – entre les gens qui l’achètent parce qu'ils aiment le café, ceux qui aiment Korn ou ceux qui aiment l'idée d'avoir un café estampillé Korn chez eux - restera un mystère. On sait par contre qu'ils sont déjà en train de préparer un réapprovisionnement.

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Jusqu'à présent, on peut considérer que Korn est resté pur et a évité tout ce qui pourrait mettre à mal l'abstinence de Jonathan Davis ou la dévotion chrétienne de Head

C'est une excellente nouvelle pour Gursey, qui m'a dit qu'il travaillait simultanément avec un autre musicien sur une sorte de café. Je suppose qu'on peut considérer que Korn est à nouveau pionnier dans son domaine - une première depuis le milieu des années 1990. Gursey pense que ça pourrait être la partie visible de l'iceberg tant que les groupes en question restent authentiques.

« Il n'y aura pas de pâtes Korn », rigole-t-il. « S'ils aiment le pop-corn, on peut imaginer un jour la sortie d'un PopKorn, mais ça doit rester quelque chose qu'ils apprécient. »

En y repensant, on a quand même l'impression que Korn prend les choses par le bon bout. Il y a une joie étrange à observer la génération rap-rock hériter d'une omniprésence marketing qui appartenait auparavant à des icônes de baby-boomer comme Aerosmith, les Rolling Stones ou AC/DC. Jusqu'à présent, on peut considérer que Korn est resté pur et a évité tout ce qui pourrait mettre à mal l'abstinence de Jonathan Davis ou la dévotion chrétienne de Head. (Le jour où vous voyez un logo Korn sur une bouteille de vodka, vous pouvez être certain qu'il y a une couille dans le potage.)

« On ne fera rien qui puisse être en contradiction avec nous-mêmes parce qu'on sera toujours honnête. On est à un moment de notre carrière où on est surtout très concentré et déterminé à faire de la bonne musique et ce qu'on aime, conclut Luzier. On ne va pas perdre de temps sur quelque chose qui n'est pas de qualité. »

Et c’est bien le genre d’attitude qu’on ne peut que respecter.


Cet article a été publié préalablement sur MUNCHIES US

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