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La Corée du Sud interdit les châtiments corporels sur les enfants

Et ce n’est pas du goût des parents.
Shamani Joshi
Mumbai, IN
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
châtiments corporels sur les enfants Corée du Sud
Photo : Hung Chung Chih/Shutterstock 

Quand j’étais enfant, chaque fois que j’avais un comportement que mes parents jugeaient inacceptable, ils m’envoyaient au coin pour me forcer à regarder le mur et réfléchir à mes actes. Quand j’ai grandi, je me suis rendu compte que je faisais partie des chanceux. Tant de mes amis asiatiques ont été giflés, pincés et, dans certains cas, frappés avec une ceinture ou une règle en bois. Qui aime bien châtie bien, comme on dit.

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Mais des études montrent que le recours à la force physique peut traumatiser mentalement un enfant et entraîner chez lui une dépression ou une déficience intellectuelle. Et bien que cette forme de punition ait été considérée comme juste par les parents en Corée du Sud, tout cela est sur le point de changer.

Alors que la Corée du Sud s'apprête à abroger la loi qui permet aux parents de punir physiquement leurs enfants, de nombreux parents du pays tentent de s'y opposer, ce qui suscite une vive controverse. Selon les estimations de l'AFP, le nombre de cas de maltraitance d'enfants signalés dans le pays, qui comprend la négligence et la violence psychologique ainsi que les agressions physiques ou sexuelles, s'est multiplié entre 2001 et 2017, pour atteindre 22 386 cas. Dans 77 % des cas, la violence est infligée par les parents des victimes.

« Je continuerai à battre mes enfants, même s’il faut pour cela leur faire signer un contrat. Je refuserai de leur donner à manger et de payer leurs frais de scolarité s'ils ne m'écoutent pas » – Lee Kyung-ja, chef d'un groupe de parents conservateurs

Il est donc tout à fait logique de supprimer le droit permettant aux parents de punir physiquement leurs enfants, qui fait partie du Code civil du pays depuis 1960.

« Dans notre société, nous sommes plus nombreux à reconnaître que la maltraitance des enfants est un grave problème social », déclare Park Neung-hoo, ministre de la Protection sociale.

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Bien que les châtiments corporels à l'école soient interdits depuis 2010, une récente enquête gouvernementale a montré qu'au moins 76,8 % des adultes sud-coréens estiment qu’ils sont essentiels pour discipliner leurs enfants.

« Je continuerai à battre mes enfants, même s’il faut pour cela leur faire signer un contrat », a déclaré Lee Kyung-ja, chef d'un groupe de parents conservateurs, à l'AFP. « Je refuserai de leur donner à manger et de payer leurs frais de scolarité s'ils ne m'écoutent pas », a-t-elle poursuivi, illustrant ainsi les sentiments de nombreux Sud-Coréens.

En Corée du Sud, le système éducatif repose sur la pression et la structure sociale hiérarchique privilégie les valeurs traditionnelles d'obéissance et de respect envers toutes sortes de figures d'autorité. Il n'est donc pas étonnant que le groupe des pays développés de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ait cité à plusieurs reprises les enfants sud-coréens comme étant les moins heureux. Et selon l'activiste des droits des jeunes Kang Min-jin, de nombreux parents qui font face à des poursuites pour sévices voient leurs accusations abandonnées car il n'y a personne d'autre pour s'occuper de leurs enfants.

Cette réécriture de la loi survient après qu'une fillette de 12 ans, qui était maltraitée par son père biologique et son beau-père, a été assassinée par ce dernier après l’avoir signalé à la police.

Cette crise des châtiments corporels est un problème culturel en Asie, où beaucoup de parents pensent qu'il est tout à fait normal de battre leurs enfants pour leur faire comprendre qu'ils ont fait quelque chose de mal. En particulier dans des pays comme la Chine, les mesures disciplinaires sévères sont considérées comme un moyen de rendre l'enfant obéissant. Par ailleurs, le Népal et la Mongolie sont les seuls pays d'Asie à avoir complètement interdit les châtiments corporels sous toutes leurs formes, et les Philippines s'apprêtent, elles aussi, à en faire une chose du passé. Il existe également de nouvelles études qui montrent que la douleur persiste longtemps après qu'elle a été infligée. Bien qu'il faille plus de temps et d'efforts pour y parvenir, au moins le pays se rend compte que la punition physique ne peut pas être le remède aux mauvais comportements.

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