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Crime

Nouvelle journée d'attaques en Turquie, au lendemain de la prise d’otage meurtrière d’un procureur

Ce mercredi, une tentative d'attentat suicide a échoué devant un commissariat de police, et un homme armé a pris d'assaut les bureaux de l'AKP, le parti du gouvernement.
Photo par Emrah Gurel/AP

La violence a éclaté à plusieurs endroits en Turquie, ce mercredi, au lendemain de la prise d'otage d'un procureur par un groupe d'extrême gauche. Le magistrat est mort de ses blessures.

Mercredi après-midi, deux assaillants, dont on pense qu'ils préparaient un attentat suicide, ont été interceptés devant les quartiers généraux de la police d'Istanbul. Des coups de feu ont retenti.

Vasif Sahin, le procureur d'Istanbul a déclaré qu'une femme, qui faisait partie des assaillants, a été abattue par des policiers sur les lieux de l'attaque. On a retrouvé des explosifs sur elle. Le deuxième assaillant a réussi à prendre la fuite mais il a été arrêté par la police plus tard dans la soirée.

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L'agence de presse Dogan News a déclaré que deux policiers avaient été blessés.

 Une vidéo publiée par l'agence de presse Dogan News montre les suites de l'attaque sur l'avenue Vatan. La rue a été fermée à la circulation après l'attaque.

Two gunmen attacked police headquarters in — Spirit of Gezi (@SpiritOfGezi)April 1, 2015

Plus tôt dans la journée de mercredi, au moins un homme armé a été arrêté par la police d'Istanbul après qu'il s'est introduit dans le bureau de l'AKP, le parti du gouvernement.

Pendant ce temps, des centaines de personnes suspectées de préparer un coup d'État ont été acquittées. Un avion de Turkish Airlines a dû changer de plan de vol une fois en l'air, pour des raisons qui restent inconnues. On rapporte également que vingt étudiants ont été arrêtés à dans une université d'Istanbul.

Des photos de l'attaque de l'AKP montrent un homme à la fenêtre d'un bâtiment du quartier de Kartal, une banlieue de la rive asiatique de la ville. Sur le drapeau étendu sous lui, on peut voir le drapeau de la Turquie, sur lequel une épée blanche a été ajoutée.

L'homme s'est adressé aux gens qui se sont rassemblés dans la rue, mais son discours était inaudible.

— Abdullah Ayasun (@abyasun)April 1, 2015

Sword on flag has a symbolic meaning. It looks like a Zulfiqar, the sword of Fourth Caliph Ali, regarded as the sacred imam by Shiites.

— Abdullah Ayasun (@abyasun)April 1, 2015

Ces événements ont eu lieu le lendemain de la prise d'otage d'un procureur par le groupe d'extrême gauche DHKP-C (Front révolutionnaire de libération du peuple). La prise d'otage a duré plus de six heures.

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Mehmet Selim Kiraz était en charge de l'enquête sur la mort de l'adolescent Berkin Elvan, décédé des blessures causées par une grenade lacrymogène qu'il a reçu sur la tête pendant les manifestations de la place Taksim en 2013. Les trois preneurs d'otage ont aussi été tués au cours du raid des forces de l'ordre.

À lire : Mort du procureur pris en otage à Istanbul

DHKP/C, leftist terrorist group, takes prosecutor of — Abdullah Ayasun (@abyasun)March 31, 2015

Kiraz a été touché trois fois à la tête et a reçu deux balles dans le corps, selon le président Recep Tayyip Erdogan. Le journaliste turc Abdullah Bozkurt affirme que l'hôpital conteste cette version des faits.

Une foule importante s'est rendue à l'enterrement de Kiraz ce mercredi. Des restrictions ont été imposées aux médias.

Entire personnel pay final respects to slain Prosecutor Kiraz at ?stanbul Courthouse. Photo via — Abdullah Ayasun (@abyasun)April 1, 2015

Dans sa prise de parole à l'enterrement, le ministre de la justice turc, Kenan Ipek a déclaré que l'attaque sur Kiraz était une attaque portée à « l'ensemble du système judiciaire ».

Il a ajouté : « Notre État est suffisamment puissant pour retrouver ceux qui sont derrière ces voyous… Le fait que ces assassins soient morts doit inquiéter ces forces sombres. »

Ahmet Davutoglu, le Premier ministre turc a déclaré que le pays ne tolèrerait pas, ne serait-ce que pour « une seule minute » que des citoyens menacent la sécurité du pays, « peu importe qui ils sont ou ce qu'ils veulent. »

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Sur son site internet, le DHKP-C a revendiqué l'attaque disant que c'était pour venger Berkin Elvan.

En mai 2014, Erdogan s'est étonné de l'émotion provoquée par la mort de l'adolescent. « Qu'est-ce que c'est ? Ils veulent organiser une cérémonie en hommage à Berkin Elvan. Est-ce qu'on va célébrer chaque mort ? Il est mort, c'est terminé, » avait déclaré le président. Il s'est également dit surpris de la « patience » des forces de sécurité turque.

On ne sait pas encore qui est derrière l'assaut du QG de la police d'Istanbul, mais le DHKP-C a déjà mené plusieurs attaques contre des commissariats par le passé.

La tension entre le peuple et son gouvernement était déjà forte après le vote d'une loi controversée vendredi de la semaine dernière. Cette nouvelle loi autorisera la police a utiliser des armes à feu contre les manifestants, leur donnant plus de pouvoir en termes d'arrestation et de fouille. Le fait de cacher son visage pendant une manifestation est désormais vu comme un délit.

La liberté d'expression a été réprimée à plusieurs reprises, et d'après le Financial Times, plus de 70 personnes ont été poursuivies depuis le mois d'août pour avoir « insulté » le président.

Abdullah Bozkurt, le chef de bureau d'Ankara du journal turc Today's Zaman, a expliqué à VICE News ce mercredi que les tensions gonflaient en Turquie, et qu'il avait peur qu'elles soient exacerbées par « l'approche d'exclusion » du gouvernement qui a interdit les médias indépendants et « les discours de haine et de critiques stigmatisantes ».

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« Pire encore, le gouvernement a perdu la confiance des citoyens, avec des événements comme le massacre du procureur hier, et le raid sur les bureaux de l'AKP aujourd'hui. La version du gouvernement est de plus en plus remise en question, » ajoute Bozkurt.

Le journaliste a ajouté que la censure partielle des médias était devenue « une habitude et pas une exception. »

« Le gouvernement a imposé des ordres de silence concernant les récents scandales de corruption qui mettaient en cause de hauts responsables du gouvernement, ainsi que sur l'enquête sur les transferts d'armes supposés à des groupes syriens. Les soupçons de tricherie, les tentatives de dissimulations nourrissent les doutes des citoyens, même dans les cas où le gouvernement n'a rien à se reprocher. »

Ce mardi, 236 suspects ont été acquittés après un procès qui concernait leur possible participation à un projet de coup d'État militaire baptisé « opération Sledgehammer » qui remonte à 2003. Des militaires de haut rang participaient alors à un « séminaire de simulation de guerre ». On les a accusés de préparer des attentats, dont une attaque à la bombe sur deux mosquées d'Istanbul et une tentative de prise de pouvoir contre l'AKP et Erdogan qui était alors Premier ministre.

D'après l'agence de presse Dogan News, le procès s'est vidé de sons sens après que le procureur Ramazan Oksüz a décrit les preuves comme étant « fausses » et qu'il a dit qu'il « n'était pas possible d'établir de relation entre les suspects et les données en question. »

On rapporte aussi que 20 étudiants ont été arrêtés par la police turque sur le campus de Beyazit à Istanbul ce mercredi. 36 personnes sont en garde à vue.

Un avion de la Turkish Airlines qui reliait Istanbul à Lisbonne au Portugal a changé de plan de vol ce mercredi alors qu'il était en l'air, pour des raisons qui ne sont pas encore connues. D'après Reuters, c'est le troisième vol de la compagnie qui a été forcé de changer de cap en trois jours. Ce dimanche, c'était un avion en direction du Japon. Le lendemain, un avion pour le Brésil a été forcé d'atterrir au Maroc, après qu'on a trouvé des messages suspects, l'un d'eux mentionnait le terme « bombe ».

Suivez Sally Hayden sur Twitter: @sallyhayd