Au printemps dernier, en pleine période de blocage des facs, l’extrême droite violente - et ses battes de base-ball - a de nouveau fait parler d’elle. À Tolbiac, à l’université de Montpellier ou au Lycée Autogéré de Paris, les crânes rasés ont débarqué, bastonnant tout ce qui bougeait et coursant les étudiants dans les couloirs aux cris de « courez, bande de gauchistes, sinon on vous butte ! ». Dans la foulée, les membres d’un groupuscule baptisé AFO (Action des forces opérationnelles) ont été arrêtés, car soupçonnés de vouloir empoisonner de la nourriture halal.
Publicité
Ça n’était pas, loin de là, la première fois que l’ultra droite française passait à l’action. La violence est même une constante au sein du mouvement.Dans son dernier ouvrage, Les plastiqueurs (La Découverte), Frédéric Charpier, spécialiste du renseignement et de l’ultra droite, revient sur l’histoire secrète de cette extrême droite brutale – et parfois même sanguinaire – qui semble aujourd’hui en plein revival.Dans les années 1950, pas mal de monde passe au 9, rue de Hanovre à Paris, où se retrouve la fine fleur de l’ultra-droite de l’époque, chapeautée par le Front d’Action Nationale. On y retrouve notamment le Comité pour la défense des persécutés (une organisation anticommuniste) ou le Front des combattants pour la défense de l’Union française (pro Algérie française).Parmi les visiteurs récurrents, Françoise Dior, nièce du célèbre couturier et « hitlérienne de toujours ». Dior, qui porte une croix gammée autour du cou, ne manque pas d’idées pour faire perdurer l’idéologie nauséabonde du Führer. Elle pense notamment à créer des « sections d’assaut » visant à se défendre contre les « juifs et les communistes ».En 1962, la dame va plus loin et créé la section française de la World Union of National-Socialists (WUNS). Après avoir confié pendant deux ans la WUNS France à un certain Yves Jeanne, Françoise Dior fait appel à un autre néonazi coiffé d’un célèbre patronyme : Jean-Claude Monet, petit-neveu du peintre. Lui aussi habitué de la rue de Hanovre, Monet en tient une sacrée couche, persuadé d’être la réincarnation d’Hitler, et son fils putatif – le Führer ayant couché avec une Lorraine.
Vice a sélectionné cinq anecdotes particulièrement hardcore parmi les centaines que recèle ce livre passionnant. Au casting : anciens collabos, nostalgiques l’« Algérie française » et skins néonazis…
Nièce de Christian Dior et « hitlérienne de toujours »
Publicité
Dior comme Monet, et contrairement à l’ensemble de l’ultra-droite de l’époque, ne soutiendront pas l’Algérie française, qui au travers de l’OAS, va rythmer le début des années 1960 de l’extrême droite violente.Créée en 1961, l’Organisation de l’armée secrète – ou OAS pour les intimes – n’accepte pas que l’Algérie reprenne son indépendance. Suivant le slogan « l'OAS frappe où elle veut et quand elle veut », ses membres ne rechignent devant aucun moyen d’action, dont le terrorisme, et recrute chez les jeunes étudiants en prépa et les lycéens, pour filer un coup de main lors des campagnes de plastiquage.Quatre groupes de jeunes plastiqueurs, baptisés « Alpha », sont ainsi créés. À leur tête, un certain Jean-Marie Vincent, maître d’internat du collège Sainte-Barbe, dans le Ve arrondissement de Paris. À leur tableau de chasse, ceux qui se retrouvaient parfois dans des chambres de bonne pour confectionner des explosifs ont notamment fait péter des permanences communistes ou les domiciles de soutiens du Front de Libération Nationale (FLN) en plein Paris.Le 17 janvier 1962, c’est l’appartement de Pierre Coquet, un membre d’un réseau de soutien du FLN, qui est visé. Deux jeunes de l’OAS déposent 500 grammes de nitrate d’ammonium devant sa porte et allument la mèche de la bombe avec leur clope. Trois semaines plus tard, c’est au tour de l’agence de voyages Paris-Prague – « choisie pour ses liens avec les pays de l’Est, » explique Charpier – qui est détruite par une explosion. Le 17 février, 10 kg de TNT sont utilisés contre des permanences communistes et des organisations d’extrême gauche.
Étudiants en prépa et plastiqueurs
Publicité
Les groupes Alpha finiront par être démantelés peu de temps après cette vague de plastiquage, entraînant dans leur chute une des « huiles » de l’OAS : André Canal, surnommé « Le Monocle » et chargé des finances et des « actions directes » de l’organisation en métropole.
Le Poulailler, rade des anciens de l’OAS
Publicité