On est allés à une brutale soirée de lutte amateur à Pointe-Saint-Charles
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On est allés à une brutale soirée de lutte amateur à Pointe-Saint-Charles

Les gladiateurs en spandex de la WTA et de l’ICW nous ont parlé de l’art du vrai faux combat.

La lutte est peut-être truquée, mais au moins elle est honnête. Honnête dans son dévouement pour divertir son public, honnête dans son amour de la violence, honnête même dans ses trucages. À l’ère des fausses nouvelles, des faux restaurants, des faux orgasmes avec fausses éjaculations, il y a quelque chose de profond dans la soumission au monde artificiel assumé de la lutte amateur.

C’est ce qu’on présentait fièrement aux quelque 100 amateurs entassés dans un gym de Pointe-Saint-Charles pour voir les lutteurs amateurs des ligues Wrestling Titan Atlas (WTA) et Inter-Championship Wrestling (ICW) résoudre leurs vieilles querelles ou en provoquer de nouvelles.

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La soirée était organisée par la WTA, fondée en 1994 par Michel Toucher, un lutteur qui a voulu donner aux enfants du Sud-Ouest, qui n’avaient pas les moyens de se payer un équipement de hockey ou des billets pour la lutte professionnelle, une chance d’éviter de se mettre dans le trouble en apprenant la lutte. Après conclusion d’une entente avec le curé, le tout premier match de la WTA a eu lieu dans le sous-sol de l’église Saint-Charles. Depuis, on a gagné de l’espace, les matchs étant maintenant présentés au Centre Saint-Charles.

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Tout au long de la soirée, les lutteurs déchaînent la foule, et la foule déchaîne les lutteurs en retour, ainsi que leurs adversaires, dans une spirale d’excitation vers un même objectif : pas la vérité, mais un bon spectacle, qui est toujours une illusion qui recèle une vérité plus profonde. Cette vérité profonde, ici, c’est l’amour que les lutteurs, les organisateurs, les amateurs ont pour la violence débridée, chorégraphiée et figée dans les années 80.

On a parlé du passé, du présent et de l’avenir de la lutte amateur au Québec ainsi que de l’art du vrai faux combat avec les gladiateurs en spandex de la WTA et de l’ICW.

Xavier

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« La raison pourquoi je saigne du nez, c’est que je me suis battu avec une personne que j’aime pas beaucoup – dans le spectacle, bien sûr, on s’aime beaucoup dans vraie vie – puis nous, on aime ça être stiff : on se donne des vrais coups. C’est ça, la lutte. Des fois, dans la vie, tu reçois des vrais coups, des fois c’est du fake. C’est comme un tackle au soccer ou un placage au hockey, ça fait partie du sport.

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« Moi, je viens dans cette fédération depuis que je suis petit. Elle a été entretenue par mon père auparavant. WTA, c’est un endroit où tout Pointe-Saint-Charles vient nous voir lutter, c’est vraiment le fun de voir que les fans, ils viennent.

« En ce moment, j’ai pas de nom de lutte, je fais juste m’appeler Xavier. J’ai 17 ans, je vais dans plusieurs écoles pour en apprendre plus et aller plus loin dans le monde de la lutte. »

Michel Toucher

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« C’est moi qui a fondé la WTA. La lutte au Québec, elle redémarre, ça devient de plus en plus fort. Quand j’ai commencé, il y a 18 ans à Pointe-Saint-Charles, c’était moins connu, on était à l’église Saint-Charles. Depuis cinq ans, j’ai passé le flambeau à mes élèves. C’est plus comme avant, il y a moins de technique et plus de high-flying.

« Il y a 25 ans, c’était rien que des gros [lutteurs], il n’y avait pas de petits. Moi, j’ai parti la WTA spécialement pour avoir des petits. La relève est bonne. La lutte est pas morte au Québec. Si tout le monde se tient ensemble, ça va continuer longtemps. »

Bulldozer

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« Je suis chauffeur de lift, mais la lutte, c’est ma passion. La lutte, j’en mange. Le problème, c’est que je peux pas faire ça toute ma vie. Ça fait 25 ans que je fais ça. J’ai commencé à lutter ici, à Pointe-Saint-Charles. Aujourd’hui, le monde se respecte beaucoup et les shows sont intéressants. Le monde comprend ce qu’on fait. Il faut que tu t’arranges pour que ça se passe bien. Des fois, tu fais des moves et tu te casses la gueule.

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« Ça a l’air facile, mais il faut que tu sois prêt. Aujourd’hui, je suis plus en forme, ça fait deux ans que je m’entraîne. Une demi-heure ou plus par jour. Avant, je pesais 425 livres, aujourd’hui je pèse 232.

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« Il faut que tu travailles pour la foule. C’est du monde très intelligent, ils sont pas niaiseux, ils savent ce qu’on fait. Ils aiment voir que les lutteurs les prennent au sérieux, ça attire plus de monde. C’est ça, l’important. Pour être un lutteur, il faut du charisme. La technique, c’est important, mais c’est vraiment le facial qui compte. Il faut que le monde voie c’est qui ton personnage. Moi, quand j’embarque dans le ring, je suis toujours nerveux, je veux faire plaisir à mon monde. C’est ça l’important. »

Joe Dundee

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« M’a faire une bouchée avec Bulldozer! M’a le casser en morceaux! Je fais toujours le rôle du méchant pour faire bien paraître le gentil. »

Claude Dufour

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« C’est moi le booker. C’est moi qui choisis les gars. C’est moi qui décide les gimmicks. C’est moi qui décide qui gagne et qui perd. Je suis booker parce que je peux plus lutter. J’ai échappé une porte de dock sur mon épaule. Je suis chauffeur de lift. La lutte, c’est ma passion. Je tripe sur la lutte depuis l’âge de sept ans. Ça l’a beaucoup évolué, il y a beaucoup plus de jeunes. Mais tant et aussi longtemps que mes amis auront besoin de mon service, je vais être là.

« Dans mon temps, des personnes maigres avaient pas de chance de lutter. Ça prenait des gars costauds, gras, des grosses personnes. Les tout petits, y en avait pas. Maintenant, ça commence à 12 ans à lutter, et on en fait des vedettes un peu partout.

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« Il y a aucune personne ici qui est payé, c’est tout du bénévolat. Ça prend du monde capable de travailler ensemble. Que ça soit les meilleurs lutteurs au monde, si la foule les aime pas, ça fera jamais un bon match. C’est la foule qui décide tout : si on les feed pas, ils nous feed pas. »

Shawn Richards

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« Mon vrai nom, c’est Shawn Richards. Pour moi, garder ton vrai nom, le rapport est plus réel avec les fans. En plus, Shawn Richards, c’est un bon nom! C’est du théâtre, et j’adore le théâtre en général. Ça, c’est pas pareil, t’as vingt minutes pour donner un spectacle et raconter une histoire aux gens. Parce que le combat, c’est une histoire. T’as toujours le bon contre le méchant, et tu veux que la foule participe à l’histoire. »

Frank « The Irish Bastard » O’Neill

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« Quand je suis Francis Lemieux, qui est mon vrai nom, je suis réceptionnaire dans une pharmacie. C’est une job ben normale, mais la fin de semaine, je fais ça. J’ai grandi avec la lutte, j’écoutais ça avec mes parents. Avant le match, je me mets dans ma bulle de lutteur tout seul, jusqu’à tant qu’ils jouent ma chanson : The State Of Massachusetts par les Dropkick Murphys. Ils sont malades, les Dropkick Murphys, et ça marche bien avec mon costume.

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« Je suis né en Irlande et je suis venu au Québec à l’âge de trois ans. Je fais de la lutte depuis 2011. Au début, je faisais juste de l’entraînement, mais j’ai pogné la piqûre, et, depuis ce temps-là, j’ai pas arrêté. Je compare ça à du théâtre extrême, il faut être capable de vendre une histoire à la foule. Aussitôt que tu franchis les rideaux, c’est incroyable l’adrénaline qu’on a. »