Des femmes belges qui nous parlent de masturbation et orgasme féminin
De gauche à droite : Flo, Ophélie et Jitske
Sexe

Orgasme et masturbation : cinq femmes belges nous parlent de leur sexualité

« C’est quand elle m’a prise sur la table et qu'elle me contrôlait complètement que j'ai réalisé que mon fantasme le plus excitant s'était réalisé. »
Deborah Seymus
Antwerp, BE

En tant que femme, atteindre l’orgasme n'a jamais été chose facile pour moi. Je n’y connaissais rien en masturbation, et la première fois que j’ai joui, c'était bien après avoir eu mon premier copain. Le fait que la « masturbation » était, et est toujours, un sujet plutôt embarrassant pour de nombreuses femmes ne m’a certainement pas aidée.

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À l’adolescence, la plupart des femmes appréhendent la masturbation avec une connotation négative (pour peu qu’elles s’y intéressent). À l’école, lors des cours d’éducation sexuelle, aucune attention n'est accordée au sexe féminin en solo (ni à l'expérience de la sexualité). De nombreux parents ont également du mal à en parler avec leur fille.

Si vous ne faites pas vos propres recherches, vous vous retrouvez vite désemparée. « J’entends souvent des femmes me dire qu’elles ne connaissent pas leurs propres parties intimes - le vagin, la vulve, le clitoris », confie la sexologue Astrid Kremers. Et bien évidemment, le fait que le slutshaming (un homme qui aime le sexe est un dur, une femme qui aime le sexe est une pute) soient encore très présent dans les mentalités n’aide pas.

Un mémoire de Master en Sexologie rédigé en 2015 a interrogé 994 femmes flamandes sur la masturbation. Il a démontré que les femmes qui ont déjà eu un rapport sexuel, se masturbent moins souvent. L'autrice Véronique Vancauwenbergh écrit : « Les femmes considèrent encore souvent la masturbation comme une étape du rapport sexuel, et ne la conçoivent pas encore comme une forme de pratique personnelle. »

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Cinq femmes m'ont parlé de leur meilleur orgasme et de comment la masturbation les aide à découvrir ce qu'elles aiment lors d’un rapport.

Tine (22 ans)

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Foto: Deborah Seymus

« C’est avec mon ex-copine et sur la banquette arrière d’une voiture que j'ai eu l'expérience sexuelle la plus excitante de ma vie. Après avoir été à un mariage, j'étais ivre et très excitée. Elle a enlevé mes vêtements et m'a donné du plaisir avec sa bouche et ses doigts, jusqu'à ce que les flics éclairent l’intérieur de la voiture et nous demandent de baisser la fenêtre. J'ai vite attrapé quelques vêtements pour me couvrir, mais ma copine, qui a eu moins de chance a courageusement acquiescé d’un signe de tête pour dire aux policiers qu’à l’avenir, on fera ça chez nous. Tout ça à moitié nue.

Il nous a fallu beaucoup de temps, à elle et moi, pour passer les étapes et aller un peu plus loin à chaque fois. Chaque étape était importante pour moi, et je trouvais ça super intense de voir à quel point je pouvais l’exciter avec toutes sortes de petites choses, comme la toucher sous son soutif ou sa culotte. Jouir ensemble n'était pas chose facile, mais on en parlait ouvertement. Au bout d’un certain temps, on a pu avoir des orgasmes incroyables. J'ai aussi utilisé un strap-on avec elle pour la première fois. C’est quand elle m’a prise sur la table et qu'elle me contrôlait complètement que j'ai réalisé que mon fantasme le plus excitant s'était réalisé.

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Quand je jouais au foot, on m'appelait souvent « la gouine » parce que je ne savais pas si j’aimais les hommes ou les femmes. Mon premier vrai coup de foudre, c’était ma meilleure amie. Après une journée à l’école, j'avais juste hâte de rentrer et m'allonger sur le lit. Les yeux fermés, je fantasmais sur elle, sur ce que ce serait si elle était aussi amoureuse de moi. Un soir, on s'est saoulées et on a fini par s’embrasser. C'est le sentiment le plus intense que j'ai jamais ressenti. Dès lors, j'ai su avec certitude que j’aimais les femmes. Pourtant, un an et demi s’est écoulé avant notre coming-out.

« Je me masturbe depuis que j'ai seize ans. J'ai longtemps eu honte de ça, comme beaucoup de filles, parce qu’on en parle pas à l'école. »

Je me masturbe depuis que j'ai seize ans. J'ai longtemps eu honte de ça, comme beaucoup de filles, parce qu’on en parle pas à l'école. Pour moi, la masturbation est synonyme de soin personnel. L'accent est entièrement mis sur toi-même, et tu apprends beaucoup sur tes propres désirs et ta personnalité. Aujourd'hui, j'utilise un vibromasseur à pression d'air en forme de pingouin. Tu le mets sur ton clitoris et il souffle de l'air. Tu peux le tourner de haut en bas, et même l'utiliser dans le bain. La première fois que je me suis touchée avec mon pingouin, j’ai joui en 20 secondes. J'ai été surprise par la rapidité de cet orgasme. Je n'avais même pas réalisé que je pouvais l’atteindre aussi vite. Parfois, j'utilise aussi Dipsea, une application audio avec des histoires pornographiques féminines.

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En me masturbant, j'atteins rapidement l’orgasme plusieurs fois de suite. Avant une bonne séance de masturbation, je crée une belle ambiance dans ma chambre en allumant des bougies et en mettant une lumière douce. Je n'ai pas besoin d'être déjà excitée ; ça vient après. En ce moment, je fantasme sur une femme pour laquelle j'ai le béguin. Dans mon fantasme, elle s'allonge sur moi et m'embrasse dans le cou et sur l'oreille, et ses doigts touchent mon vagin. Quand j'y pense, j'agrippe mes seins ou la tête de lit, et je jouis fort. »

Jitske (26 ans)

Jitske Van de Veire

Foto: Tilke Wouters

« Quand, à 14 ans, j'ai lu un truc sur l’orgasme dans Joepie (un magazine flamand pour ados, ndlr), j'ai commencé à m’y intéresser. Je n’ai pas réussi à me faire jouir directement, car ça me demandait beaucoup de concentration. Donc ça m’a un peu stressée. Mon premier orgasme clitoridien a été fulgurant. Contrairement à beaucoup, j’en ai pas honte ; mais je vois bien que c'est un sujet sensible. Beaucoup de mes amies n'en parlent pas facilement. Ce n'est qu'avec les plus proches et mon éventuelle partenaire que je peux échanger mes expériences ouvertement.

Je sais que j’aime bien quand une fille me met deux doigts dans le vagin et me mord en même temps. La première fois que j’ai joui, c’était comme ça ; c'était presque hallucinant, trop intense. C'est pas toujours facile pour une femme de jouir avec un·e partenaire. J'avais déjà 21 ans quand j'ai réussi, et c'était surtout parce que ma copine était très patiente.

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« J'avais déjà 21 ans quand j'ai réussi, et c'était surtout parce que ma copine était très patiente. »

Pour ma première fois - qui n’était vraiment pas dingue - j’étais saoule. Pour beaucoup de gens, on dirait que j'ai trop facilement passé sur un événement spécial, mais je voulais surtout que ce soit fait. Maintenant je dirais : “ne vous inquiétez pas du fait que vous n’ayez pas encore eu de rapports sexuels à votre âge et n'ayez surtout pas honte.”

Le meilleur orgasme que j'ai jamais eu, c'est quand mon ex-copine a utilisé un strap-on. Au début, j'ai trouvé ça bizarre, mais l'orgasme que ça m'a procuré a tout compensé. On a aussi essayé par derrière avec juste un doigt, mais je sais que c'est pas du tout pour moi. »

Jente (23 ans)

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Foto: Deborah Seymus

« Au début, j'ai eu honte de dire à mon copain que je voulais attendre pour faire l'amour. J'avais l'impression que je faisais la difficile pour rien. Une fois, j'ai eu un rapport avec avec un homme à qui j'ai dit que je voulais arrêter. Il m'a répondu qu'il allait encore continuer un peu. Ça a causé beaucoup de problèmes dans ma sexualité. Pendant longtemps, je me suis dit que c'était pas un viol. Ce n’est que plus tard que j'ai réalisé que ce qui s'était passé n'était vraiment pas normal, et que c’est ça qui m’avait causé un traumatisme.

En commençant le yoga, j'ai remarqué une tension autour de mon vagin. Lorsque je me mettais dans une posture où je devais écarter les jambes, je me sentais énormément vulnérable. Avec le yoga, la pose que vous trouvez la plus difficile est celle dont votre corps a réellement besoin. En me concentrant sur cette posture, je me suis rendue compte que je n'accordais pas assez d'attention à la masturbation. J'ai décidé de changer ça, et c'est comme ça que j'ai découvert ce dont j'avais besoin pendant les rapports sexuels avec mon partenaire pour m'amuser vraiment.

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« Une fois, j'ai eu un rapport avec avec un homme à qui j'ai dit que je voulais arrêter. Il m'a répondu qu'il allait encore continuer un peu. Ça a causé beaucoup de problèmes dans ma sexualité. »

Quand je me masturbe, j'essaie vraiment de ressentir ce que j'aime et ne pas trop réfléchir. Aujourd'hui, je peux facilement me masturber pendant une demi-heure et je ne veux plus me précipiter pour un orgasme rapide. Le fait de me toucher et de me gâter est une expression importante de l'amour que je porte à moi-même. J'aime sucer mon copain et j’y prends du plaisir alors que la pénétration reste parfois trop écrasante pour moi. Cette étape me paraît parfois trop agressive. Je détestais le faire en levrette avant, mais maintenant c'est beaucoup mieux. J'aime aussi prendre les devants en étant au dessus. Et les postliminaires sont un must pour moi. Pouvoir parler de sexe après coup me donne un sentiment de sécurité et me rassure.

Ma meilleure expérience sexuelle a été lorsque mon copain et moi avons vraiment pris le temps. J'avais mis de la bonne musique, décoré la pièce comme je le voulais et on a pris énormément de temps pour chaque étape. Comme tout évoluait lentement, j’ai pu m’amuser si intensément que j'ai eu l'impression de ne plus être sur terre, et j'ai pu me laisser aller complètement.

Je pense que beaucoup de femmes n'osent pas demander ce qu'elles veulent ou ce dont elles ont vraiment besoin pendant l'acte sexuel, et encore moins se renseigner sur elles-mêmes. L'énergie féminine fonctionne généralement beaucoup plus lentement que l'énergie masculine. Alors qu'un homme peut vouloir aller vite pour atteindre l'orgasme, les femmes doivent y aller progressivement et plus lentement pour pouvoir jouir. Le rapport sexuel entre un homme et une femme est souvent axé sur la pénétration, et beaucoup de femmes ne peuvent simplement pas jouir de cette façon. Pendant l'acte, le fait de penser régulièrement à ce que vous ressentez et ce que vous voulez, en établissant un contact visuel et en en parlant, permet de s'assurer que vous, en tant que femme, ne vous sentez pas vide ou délaissée après l'acte sexuel. »

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Ophélie (31 ans)

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Foto: Deborah Seymus

« Je ne pourrais pas dire quels sont mes trois meilleurs orgasmes. Chacun est nouveau et tous sont bouleversants. Je ne peux pas choisir. Mais je peux avoir de nombreux types d'orgasmes différents. Par exemple, je peux avoir un orgasme rapide, quand je veux bien dormir après une longue journée de travail. J'appelle ça un « quick fix » de sérotonine et de dopamine. En revanche, lorsque je prends le temps de m’occuper de moi, je peux jouir plusieurs fois de suite. Ces orgasmes varient beaucoup en profondeur, en intensité et en durée.

Pour moi, la qualité d'un orgasme est plus importante que la quantité. Je préfère venir une fois très bien et en être satisfaite, plutôt que d'en vouloir toujours plus.

« Il m'a fallu beaucoup de temps avant de pouvoir jouir. Ce n'est qu'à 21 ans que j'ai décidé d’aller chercher ce dont toutes les autres femmes parlaient. »

Il m'a fallu beaucoup de temps avant de pouvoir jouir. Ce n'est qu'à 21 ans, alors que j'étais en Erasmus à Londres, que j'ai décidé d’aller chercher ce dont toutes les autres femmes parlaient. Je me suis entraînée tous les jours, à la recherche de mon orgasme. J'ai fini par réussir, et j'ai vite découvert que je me sentais vide et faible après un orgasme, très vulnérable. J'ai aussi décidé que je ne voulais pas partager ça avec n’importe qui, il faut que ça reste quelque chose de spécial.

Entre-temps, j'ai eu un peu plus d'expériences et je sais maintenant que je dois être mentalement attirée par quelqu'un pour pouvoir jouir. La plupart du temps, je ne veux pas être touchée dans la minute qui suit un orgasme, parce que c'est comme si j’étais dans ma bulle. Pour moi, l'orgasme est le seul moment où je n'ai pas à être la version responsable et actuelle de moi-même. Pourtant, je ne voudrais jamais avoir le même orgasme intense tous les jours ; ça deviendrait quelque chose de trop mécanique. Ce qui compte pour moi, c'est que cette vague de plaisir reste intéressante. »

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Flo (24 ans)

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Foto via Flo

« J'ai eu mon premier orgasme de façon très inattendue quand j’ai perdu ma virginité. Comment ce garçon y est parvenu ? Je ne m'en souviens pas. Mais je me souviens parfaitement de cette sensation : un genre de picotement chaud sur tout mon corps qui se contracte, et ma tête qui flotte. J'ai eu une relation stable après ça, mais je n’arrivais plus à avoir d’orgasme. Du coup, j'ai commencé à me masturber pour découvrir par moi-même comment retrouver cette sensation. Mais ça n'a pas fonctionné non plus, parce que je n'arrivais pas à me sortir de la tête l'idée que c'était "sale" de se toucher à cet endroit.

Malheureusement, c'est déjà comme ça dès qu’on est enfant : ça arrive qu’un petit garçon ou une petite fille se touche avec ses doigts, et on dit presque toujours qu'on n'a pas le droit de faire ça, alors dès le plus jeune âge, on l’associe à quelque chose de sale et d’interdit. Ce n'est que quand j'ai vu une scène de Big Brother dans laquelle la blonde Betty crie : "Bon, je vais me masturber parce que j’ai mal de tête !" que j'ai réalisé que ça n’avait rien de sale, mais que ça pouvait plutôt être une sorte de Dafalgan. Cette idée m'a complètement apaisée, et j’ai enfin réussi à avoir un orgasme clitoridien.

« En regardant du porno amateur, en lisant beaucoup de livres et de magazines, et en regardant mon vagin de temps en temps dans le reflet du pommeau de douche, j'ai appris que chaque vagin, y compris le mien, doit être aimé. »

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J'ai longtemps eu un sentiment d'insécurité concernant mon vagin, et c’était encore pire quand mon copain me répétait qu'il aimait cette partie de mon corps. Ma réaction à ses compliments m'a fait réaliser à quel point je me sentais mal par rapport à ça. J'ai essayé de me regarder dans un miroir pour voir ce qu'il y voyait, parce que je ne le comprenais pas trop. En regardant du porno amateur, en lisant beaucoup de livres et de magazines, et en regardant mon vagin de temps en temps dans le reflet du pommeau de douche, j'ai appris que chaque vagin, y compris le mien, doit être aimé.

Avant d'avoir des relations sexuelles avec mon partenaire, je me retrouve parfois à fantasmer sur certaines choses. Je peux avoir un orgasme assez rapidement si je suis stimulée à plusieurs endroits à la fois. Quand on embrasse mon oreille et qu'il touche en même temps mes seins et mon clitoris, je peux jouir en quelques secondes. Bien que ça ne veut certainement pas dire que je viens toujours. Et c'est bien aussi. »

Regardez aussi notre vidéo sur le harcèlement sexuel dans le monde de la nuit.

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