Société

Maintien de l'ordre : la technique de la « nasse » en manif jugée illégale

C’est l’une des décisions rendues par le Conseil d’Etat qui a retoqué plusieurs dispositions du nouveau schéma du maintien de l’ordre.
Pierre Longeray
Paris, FR
manifestation 1er mai 2019 Paris

Ce jeudi 10 juin, le Conseil d’Etat a mis un coup de canif dans le nouveau « schéma national du maintien de l’ordre » (SNMO), un document qui fait office de marche à suivre pour les forces de l’ordre responsables de la gestion des manifs

Souhaitée par Christophe Castaner, alors ministre de l’Intérieur aux prises avec les mobilisations des Gilets jaunes, cette refonte du SNMO avait pris près d’un an et demi à se faire. Publié en septembre 2020, le nouveau SNMO prévoyait diverses nouveautés comme la confirmation de l’usage du LBD ou une modernisation des sommations. Par exemple, les forces de l’ordre ne diront plus « Obéissance à la loi. Dispersez-vous » mais « Attention ! Attention ! Vous participez à un attroupement. Vous devez vous disperser et quitter les lieux. »

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Si la plupart des points de ce document de 27 pages ont été conservés, le Conseil d’Etat a tout même adressé un sacré camouflet au projet.

Parmi les mesures phares retoquées par l’institution qui siège au Palais-Royal trône la « technique des nasses », qui consiste à encercler les manifestants pour une durée non-établie les empêchant donc de se déplacer. « Si cette technique peut s’avérer nécessaire dans certaines circonstances précises, elle est susceptible d’affecter significativement la liberté de manifester et de porter atteinte à la liberté d’aller et venir », pointe le Conseil d’Etat. Ainsi, l’institution déclare l’encerclement des manifestants illégal. Nombre d’associations comme le Syndicat de la Magistrature ou la Ligue des Droits de l’Homme avaient dénoncé sa présence dans le SNMO. 

« Les journalistes n’ont pas à quitter les lieux lorsqu’un attroupement est dispersé »

Le Conseil d’Etat s’est aussi attaché à annuler trois points qui concernaient la couverture des manifestions par la presse. Premier point annulé : l’obligation pour les journalistes d’obéir aux ordres de dispersion de la police ou de la gendarmerie. « Les journalistes n’ont pas à quitter les lieux lorsqu’un attroupement est dispersé », peut-on lire dans le communiqué avant de préciser qu’ils « doivent pouvoir continuer d’exercer librement leur mission d’information, même lors de la dispersion d’un attroupement. »

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Deuxième point invalidé : le fait d’interdire aux journalistes de porter des équipements de protection si leur « identification » n’est pas confirmée, ou que leur comportement n’est pas « exempt de toute infraction ou provocation ». « Il n’appartient pas au ministre de l’intérieur, dans une circulaire visant à encadrer l’action des forces de police en matière de maintien de l’ordre, d’édicter ce type de règles à l’attention des journalistes comme de toute personne participant ou assistant à une manifestation », règle le Conseil d’Etat.

Enfin, la disposition qui visait à réserver aux seuls journalistes accrédites auprès des autorités le canal d’échange dédié qui peut être mis en place par les forces de l’ordre lors des manifestations, a elle aussi été annulée. Le Conseil d’Etat estime que la « rédaction floue » de cette disposition est « susceptible de conduire à des choix discrétionnaires » et « porte atteinte de manière disproportionnée à la liberté de la presse. »

Ce weekend, d’importantes manifestations sont prévues en France, notamment celles pour les libertés et contre les idées d’extrême-droite. L’occasion pour les manifestants et observateurs de voir si les points du SNMO annulés par le Conseil d’État le sont bien aussi dans la pratique.

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