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Comment la nostalgie pourrait expliquer l’élection de Trump

Environ sept partisans de Donald Trump sur dix disent que la société américaine a empiré depuis les années 50.
Photo : Gage Skidmore

Les plus ardents défenseurs de l'idée que l'élection était truquée ont constaté leur erreur de manière spectaculaire mardi soir. Contre toutes attentes, Donald Trump sera président des États-Unis après avoir remporté 279 des grands électeurs, grâce à des victoires surprises dans des anciens fiefs démocrates comme le Michigan et le Wisconsin. Il est là, le paradoxe de cette campagne électorale. Les affirmations des candidats n'ont jamais été testées aussi systématiquement que lors des derniers mois, et la vérité n'a jamais contredit un candidat autant que Trump. Ç'aura été vrai jusqu'à la fin. L'ironie, elle, est dans le fait qu'un des plus grands promoteurs du complot raciste selon lequel Barack Obama était inéligible pour la présidence sera bientôt assermenté comme son successeur.

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Les conséquences les plus immédiates de l'élection ont été senties du côté des marchés financiers, où la valeur des contrats boursiers s'est mise à chuter à mesure que la victoire de Trump se concrétisait. Le peso a également perdu des plumes hier soir, une chute alimentée par le scepticisme de Trump devant le libre échange, alors que l'or a gagné des points, signe qu'il sert toujours de refuge.

Au Canada, le premier ministre Justin Trudeau a publié un communiqué dans lequel il se dit « impatient de travailler de très près avec le président désigné, M. Trump, et avec son administration », mais il est permis de douter de la sincérité du message. Les libéraux, comme la plupart des Canadiens, auraient sans doute préféré voir Hillary Clinton élire domicile à la Maison-Blanche.

En France, la chef du Front national s'est réjouie du résultat avant même qu'il ne soit officiel. Marine Le Pen a été parmi les premières figures politiques à célébrer la victoire de Trump, en tweetant : « Félicitations au nouveau président des Etats-Unis Donald Trump et au peuple américain, libre !» Le président français, François Hollande, a pour sa part souligné que l'élection de Trump « ouvrait une période d'incertitude ». Du côté russe, un Vladimir Poutine qu'on peut soupçonner d'être en extase s'est dit certain « qu'un dialogue constructif sera établi entre Moscou et Washington, basé sur des principes d'égalité, de respect mutuel, de prise en compte réelle des positions des uns et des autres, dans l'intérêt de [leur] population et de la communauté internationale ».

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Félicitations au nouveau président des Etats-Unis Donald Trump et au peuple américain, libre ! MLP
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) November 9, 2016

Comment expliquer une victoire en apparence si improbable jusqu'aux dernières heures du vote? Le magazine britanniqueThe Economist suggère que la participation des électeurs blancs non diplômés a probablement été grandement sous-estimée par les sondeurs américains :

« Dans les États du nord du pays qui comptent de nombreux Blancs sans diplôme collégial, Mr Trump a fait mentir tous les sondages – même là où on s'attendait à sa défaite, mais par un bien plus faible écart que prévu, comme au Minnesota. La plus simple explication veut que ces électeurs le préféraient davantage que ne l'avaient noté les maisons de sondage à cause de ce qu'on appelle le phénomène des « partisans de Trump timides » : ceux qui n'osaient pas dire qu'ils voteraient pour lui. Mais, en réalité, l'écart de 29 points qu'il a obtenue dans ce groupe équivaut presque parfaitement à celui de 30 points que l'on voyait dans les sondages. Ce qui force une autre interprétation : ce groupe, qui de tout temps n'a jamais eu une grande propension à se rendre aux urnes, a cette fois-ci voté, et en bien plus grand nombre que ne l'avaient prédit les sondeurs. »

À la fin octobre, l'organisme non partisan PRRI avait publié un sondage faisait état du désenchantement des Américains devant les changements sociaux survenus depuis les années 50. Ce désenchantement était particulièrement virulent chez les Blancs et les républicains :

« Deux tiers (66 %) des démocrates disent que la culture américaine a changé pour le mieux depuis les années 50, alors qu'à peu près deux tiers (68 %) des républicains et une majorité d'indépendants disent que la société américaine a empiré. Les partisans de chaque candidat à la présidence sont divisés d'une façon semblable. Environ sept partisans de Donald Trump sur dix (72 %) disent que la société américaine a empiré depuis les années 50, tandis que sept partisans d'Hillary Clinton sur dix disent qu'elle a changé pour le mieux. »

Si la nostalgie pour les années 50 explique en effet le phénomène Trump, celle-ci soulève plus de questions qu'elle ne donne de réponses. Cette période est non seulement révolue, mais inconnue pour la plupart des électeurs : seuls ceux de 75 ans et plus peuvent dire avec crédibilité l'avoir réellement vécue. Leur vision de la chose relève donc de la fiction et de l'imaginaire. Un peu comme la campagne de Trump finalement.

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