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Culture

L'intégrale Star Wars est le seul DVD que vous devriez éviter à tout prix ce mois-ci

En revanche pour ceux qui aiment les trucs bien, il y a Sorcerer et Body Double.

Antonin et Étienne sont les fondateurs et présentateurs du Cinéma est mort, la meilleure émission de cinéma sur les radios françaises, diffusée sur Canal B . Ils parleront chaque mois sur VICE.com des sorties DVD et Blu-ray qu'ils adorent et des sorties DVD et Blu-ray qu'c'est pas la peine.

STAR WARS
Réalisateur : George Lucas, Irvin Kershner et Richard Marquand
Éditeur : Fox, sortie le 14 octobre 2015

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Pas de bol, on vous a offert la nouvelle édition vidéo des Star Wars pour Noël, revendez-le et achetez de suite les vidéos autrement plus intéressantes évoquées plus bas !

D'une part, et quasiment tout le monde en convient, des six films, un seul est réellement abouti (L'Empire contre-attaque). Ça fait donc un bien gros coffret pour un seul film. D'autre part, vous n'avez plus d'excuse pour vous fader les versions salopées numériquement par George Lucas maintenant que les versions originales sont disponibles en HD en toute illégalité grâce aux efforts de ce fondu de Petr Harmy . Ajoutons qu'il y a assez de choses passionnantes écrites ou filmées sur la conception et la nature de cette saga qu'on peut aisément se passer des bonus lacunaires présents dans cette édition.

De manière pas très originale pour un type né en 1980, j'ai connu mes deux premiers chocs cinématographiques avec les Indiana Jones et Star Wars, et autant la trilogie de Spielberg me captive toujours autant, autant les Star Wars originaux me tombent littéralement des yeux depuis une quinzaine d'années. Dans le premier cas, la nostalgie carbure à plein régime bien soutenu par la maestria inégalée de Spielberg, dans le deuxième, les films en eux-mêmes sont tellement parasités par le souvenir des figurines, jeux vidéo, jeux de rôle auxquels j'ai joué intensivement qu'ils sont devenus de simples produits dérivés un peu tristes de mon imaginaire et de ma mémoire affective d'enfant et d'adolescent. Mais je n'avais pas mesuré à quel point l'entreprise de révisionnisme de Lucas y était pour beaucoup. Depuis plus de 15 ans, les Star Wars disponibles sur support physique ressemblent à s'y méprendre aux frères Bogdanov.

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Je me suis donc dernièrement décidé de façon très originale à réviser mes Star Wars (la première trilogie seulement, je suis pas maso) grâce aux versions « déspécialisées », et le plaisir fut effectivement au rendez vous…jusqu'à l'arrivée des Ewoks. J'ai dû alors m'arrêter, le souvenir de les avoir adorés enfant était trop douloureux. Évidemment L'Empire contre-attaque est réellement impressionnant, celui dont la dimension mythologique est la plus forte et surtout celui le mieux mis en scène, photographié, et écrit (avec Leigh Brackett au scénario, les relations entre les personnages pétillent). On vante souvent sa noirceur mais ce n'est guère un gage de qualité, la prélogie étant aussi politiquement noire politiquement que plastiquement nulle.

Quand au premier Star Wars, il est toujours sidérant de constater que le film n'a formellement pas grand-chose pour lui mis à part des effets spéciaux toujours vaillants, une production design géniale et une musique démente. Il est par ailleurs platement mis en scène, mollasson dans son scénario, plombé par un humour lourdingue et inabouti dans les thématiques abordées.

L'anecdote est sûrement trop belle pour être vraie, mais lorsque Lucas projeta pour la première fois une version de travail à ses potes, à savoir, excusez du peu, De Palma, John Milius, Jay Cocks et Spielberg, tous se foutèrent copieusement de sa gueule – à l'exception de Spielberg, qui devina dans l'ébauche présentée un futur carton planétaire, et qui sera avec lui le meilleur fossoyeur du cinéma des années 1970.

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Car, si le premier Star Wars fait parfois un peu de peine dans ce qu'il montre (Jar-Jar Binks ne vient pas de nulle part), c'est un film unique dans sa façon de générer un hors champ hyper désirable, un appel à l'imaginaire inédit dans l'Histoire du Cinéma. C'est cet imaginaire qui rétrécit à chaque nouvel opus couvrant un peu plus ce hors champs fantasmatique inaugural. Mais rassurons-nous, grâce à Disney nouveau taulier de la franchise, il ne rétrécit plus – il moisit.

BODY DOUBLE
Réalisateur : Brian De Palma
Éditeur : Carlotta, sortie le 2 décembre 2015

C'est la crise de la vidéo physique, il est de plus en plus inconcevable pour beaucoup de payer pour un DVD ou un Blu-ray alors même que leur RIP est automatiquement disponibles dès leur sortie, voire avant. Résultat, les majors bazardent leur catalogue dans des éditions moisies, et les indépendants tablent de plus en plus, pour les films dont ils arrivent à obtenir les droits, sur des éditions méga collector à tirage limité avec une énorme plu-svalue éditoriale. Résultat ces derniers temps sort le génial, séminal et ultra cool Rio Bravo en Blu-Ray avec deux pauvres bonus que Warner ne prend même pas la peine de sous titrer, alors qu'un film bis comme Le Venin de la Peur sort chez Le Chat qui fume dans une édition absolument somptueuse gavée de bonus dont la qualité m'a presque fait oublier le léger ennui provoqué par le film.

Carlotta, un des leaders des indépendants sur le film de patrimoine se lance dans l'édition ultra luxueuse avec une collection livre + Blu-Ray . Et en attendant L'Année du Dragon en mars, c'est Body Double de De Palma qui ouvre la danse.

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Évidemment, on est loin du Venin de la peur en termes de production fauchée restituée 40 ans après dans un écrin luxueux, mais Body Double n'est néanmoins ni l'un des films les plus prestigieux de De Palma ni l'un des plus accompli, et il y a quelque chose d'un peu étrange à voir les égards qui lui sont réservés au niveau éditorial.

Dans l'absolu, j'en suis très heureux car j'adore le film malgré certaines de ses faiblesses – et surtout à cause de certaines d'entre elles. Body Double souffre d'une articulation assez maladroite entre son texte et son sous-texte, autrement dit entre le thriller et la réflexion depalmienne sur les images ; on est bien loin de Blow Out, comme en témoigne une fin très similaire assez lamentablement exécutée. Et c'est surtout un film d'une vulgarité assez inouïe dans son imagerie. Remake à la sauce porno du Vertigo de Hitchcock, Body Double serait totalement irregardable s'il n'était contrebalancé par le même romantisme exacerbé que son modèle. Body Double est clairement un film malade, celui où De Palma commence à radoter stylistiquement, mais où l'on sent constamment l'auteur en colère contre son époque, à savoir les années 1980 qui n'ont été trop rarement filmées aussi bien – c'est-à-dire avec autant de mauvais goût.

SORCERER
Réalisateur : William Friedkin
Éditeur : La Rabbia/Wild Side, sortie le 2 décembre 2015

Il n'y a encore pas si longtemps, il était très facile de frimer en discussion cinéphile en évoquant ce film inconnu de tous, même de ceux qui connaissait son auteur comme l'un des meilleurs de la galaxie. On pouvait alors discourir en toute impunité et snobinardise sur le fait que le remake amerlo n'était pas forcément inférieur à l'original, voir carrément supérieur dans le cas présent. Et, plus important, on frimait en évoquant un blockbuster à 12 millions de dollars, et pas d'un film distribué anonymement sur 10 copies il y a 40 ans. Ce qui nous met tout de suite dans une strate de snobisme bien supérieure.

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On ne pouvait baser notre jugement alors que sur un pauvre rip bien moisi d'un DVD même pas au format, ce qui donnait paradoxalement encore plus de valeur au film. Vu l'allure que le film avait dans cet état là, ça devait être dément de le voir dans de bonnes conditions. C'est désormais possible. Friedkin a un gros retour de hype et son film restauré de façon éclatante est disponible en haute définition. Résultat : fini la frime, tout le monde peut se rendre compte de la puissance de ce film dont l'insuccès critique (retour de bâton) et public (sortie au même moment que Star Wars) à l'époque plongèrent son auteur dans une bonne grosse dépression.

Il a droit lui aussi à son édition ultra-luxueuse-méga-collector-limité chez La Rabbia, structure à qui l'on doit déjà les ressorties en salles et en vidéo de Wake in Fright et Les Sept Samourais . On va quand même déverser un peu de bile sur l'un des bonus de cette édition, l'interminable entretien avec Friedkin par Nicolas Winding Refn – mais pourquoi être aller chercher cet imposteur pour s'entretenir avec le maître ? Je me demande bien comment on en est arrivé à faire porter sur les épaules de Refn une certaine idée du Cinéma extrême ou déviant, fou. Quant à lui, il semble accepter la tâche bien volontiers, insistant à plusieurs reprises durant l'entretien sur le fait qu'il est une version de Friedkin plus jeune. Il pousse même le parallèle au point de comparer l'entretien en question avec celui mené avec Fritz Lang par Friedkin en 1974 . Voir le visage pas vraiment convaincu de Friedkin devant ces propos délirants est bien la seule raison de se taper l'entretien en entier.

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LE FEU FOLLET
Réalisateur : Louis Malle
Éditeur : Gaumont, sortie le 4 décembre 2015

En terme de gaudriole, on pensait que Louis Malle était arrivé à son paroxysme avec Au revoir les enfants, mais j'avais pas encore vu Le Feu Follet, monument de feel good movie ultime à dévorer avec gourmandise entre potes en contemplant ses pizzas froides. 20 minutes après le début de film, le ton est donné, « demain je me tue » prophétise un Maurice Ronet en grande forme.

Du haut de notre époque, le portrait des années 1960 y est irrésistible. L'ancien couche-tard en rehab retrouve successivement ses partenaires de débauche en descente d'hédonisme, soit rangé des bagnoles, soit prolongeant une fête sans joie. Le film doit beaucoup au talent burlesque du peu à peu titubant Ronet pour s'accrocher désespérément à une certaine idée de l'Absolu pour sans arrêt sombrer à grand renfort de cabrioles dans le vide métaphysique. Le tout accompagné d'un soundtrack sautillant d'Erik Satie, quasiment du Vladimir Cosma avant l'heure. Les pérégrinations existentialisto-burlesques du héros inventé par ce grand taquin de Drieu La Rochelle ont pris quelques rides maintenant que nos vies sont pleine de sens et vécues le regard pointé vers un horizon meilleur, mais elles lui vont bien. Un réalisateur au regard moins aristocratique que Malle a récemment remis au goût du jour le personnage il y a quelques années avec Oslo, 31 août, c'était marrant aussi, mais ça donnait quand même moins envie de se flinguer.

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Y AURA-T-IL DE LA NEIGE À NOËL ?
Réalisateur : Sandrine Veysset
Éditeur : Carlotta, sortie le 2 décembre 2015

Après le magnifique Le Cousin Jules dernièrement, Carlotta poursuit sa veine champêtre avec la réédition tout à fait bienvenue du jusqu'ici très difficilement trouvable Y aura-t-il de la neige à Noël ? de Sandrine Veysset. Ce film assez jeune (20 ans) intègre donc le catalogue d'un éditeur spécialisé dans les classiques d'ordinaire bien plus naphtalinés.

L'embourgeoisement d'une immense partie des « auteurs » du cinéma français, ajouté à l'extrême frilosité des nouveaux venus est tel en ce moment, qu'il est bon de se remater régulièrement des films comme celui-ci, au lieu d'aller hurler avec les loups sur la nullité du cinéma français ultra subventionné, nombriliste, fait par des bobos pour des bobos, élitiste, oublieux du public, etc.

C'est très rare mais il peut aussi advenir que ce système permette à des films tout à fait singuliers d'exister, et, encore plus rarement, que ceux ci trouvent un écho public tout à fait conséquent. Ce fut le cas en 1996 du premier film de l'inconnue et absolument inexpérimentée Sandrine Veysset, quasi un million d'entrées à l'époque pour un film qu'on ne peut pas rattacher à grand chose de connu et n'obéissant à aucune recette pré-établies.

Un tournage à la lisière du documentaire, un peu d'autofiction, un peu de conte, et surtout une qualité de regard inouïe. Le film est en état de Grâce permanent. Dans les bonus, Sandrine Veysset avoue que le désir de Cinéma qui l'habitait pour ce film à l'époque, ne trouverait probablement aujourd'hui aucune oreille attentive. Mort au Cinéma français !

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