Les plants de cannabis de Papouasie-Nouvelle-Guinée

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Les plants de cannabis de Papouasie-Nouvelle-Guinée

Le photographe Joel Bouchier a rencontré des villageois qui cultivent de la weed en montagne pour survivre.

Quand le photographe australien Joel Bouchier est parti en Papouasie-Nouvelle-Guinée cette année, il s'est retrouvé dans un village de montagne dont l'économie dépendait largement de la culture du cannabis. Il y a dix ans, à cause d'un conflit, beaucoup d'enfants du coin sont devenus orphelins et ont été élevés par de jeunes adultes qui leur ont appris à fumer, faire pousser et vendre du cannabis. Cette pratique a permis à une communauté toute entière de générer les revenus nécessaires à leur survie. Si cette activité leur a permis d'éviter le pire, elle participe également à perpétuer un problème qui gangrène tout le pays : la toxicomanie chez les jeunes enfants. Joel Bouchier a passé quelques temps avec eux et réalisé une série de Polaroids qu'il expose actuellement à Melbourne.

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VICE : Pourquoi avoir choisi la Papouasie-Nouvelle-Guinée ?
​Joel Bouchier : J'ai toujours eu cette idée en tête. Ce pays est situé près de l'Australie, mais je n'ai jamais vu beaucoup de choses publiées à son sujet. À l'origine, je voulais simplement me rendre dans les montagnes, sans savoir ce que j'allais y trouver.

Comment as-tu rencontré ces jeunes hommes qui cultivent du cannabis ?
Ça faisait déjà une semaine que je voyageais, je n'avais pas de photos et je n'arrivais à rien. J'étais bloqué, fauché, je ne pouvais pas me payer de chambre et j'avais encore deux semaines devant moi. J'attendais que le soleil se couche et un inconnu est venu me parler. Je lui ai demandé où il vivait, et il m'a cordialement invité à venir le voir. J'ai pris mes sacs et j'ai fait une sorte de randonnée à travers quelques rivières, des montagnes, la jungle, avant d'arriver dans son village.

Sur place, tout le monde était surexcité de voir un Blanc débarquer. J'étais parti pour rester une heure et ils m'ont proposé de rester plus longtemps. Je n'ai pas commencé à faire des photos tout de suite, j'ai pris du temps et j'ai fait tout ce que je pouvais pour les respecter, quoiqu'il arrive. Dès que j'ai pris mon premier portrait, tous les villageois m'en ont demandé un.

​Zach Arias a déclaré que le Polaroid est un outil social, notamment parce qu'on peut tout de suite donner un cliché à la personne qu'on photographie.
​J'ai toujours voulu prendre des Polaroids. Quand je leur ai donné une première photo, c'était une grande nouveauté pour eux — ils ne s'étaient jamais vus ainsi.

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Ce n'était pas trop compliqué de réaliser une histoire traitant d'enfants et de drogue, sans l'angler de manière négative ?
​Il faut remettre les choses dans leur contexte : même si le gouvernement contrôle cette situation, elle n'a pas évolué depuis des centaines de milliers d'années. Elle n'est « régulée » que depuis une cinquantaine d'années.

J'ai découvert que beaucoup de ces enfants n'ont pas de parents. Huit ou neuf ans plus tôt, il y a eu un conflit dans ce village concernant une plantation de café. Tous ces enfants avaient six ou sept ans quand ils ont perdu leurs parents.

Des hommes âgés de 20 ou 30 ans ont élevé ces enfants – et ils fumaient tous de la marijuana. C'est un produit de leur environnement : ils ont grandi comme ça.

Est-ce-que le cannabis est utilisé différemment ici, par rapport à l'Australie ?
​C'est plus une question d'addiction. Ils en consomment depuis si longtemps que pour eux c'est comme du tabac, c'est une habitude qui remonte à des centaines d'années. Je pense juste que certains d'entre nous interprètent mal ce phénomène. Bien sûr, c'est une drogue qui peut être nocive pour eux, surtout quand on voit les quantités énormes de cannabis qu'ils fument. J'ai croisé des enfants de huit ou neuf ans qui fumaient du matin au soir. C'est assez effrayant de ce point de vue.

J'ai grandi dans la campagne néo-zélandaise, où on pouvait croiser des fumeurs âgés de six ans.
C'est leur manière de passer la journée. Dans la moitié de ces régions, l'alcool est cher et difficile à trouver – en particulier pour les communautés qui n'ont pas de système monétaire. Ils se tournent vers le cannabis, simplement parce qu'on peut en trouver très facilement. Et je pense aussi que c'est une histoire de famille.

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Tu t'es déjà senti en danger là-bas ?
À la capitale, Port Moresby, j'ai vu deux personnes sortir d'un buisson et voler une voiture. J'ai vu un camion de marchandises se faire braquer. J'ai vu des gens chasser une femme et sa famille de la ville parce qu'ils étaient accusés de sorcellerie. Quelques-unes de leurs pratiques étaient très moyenâgeuses. La ville pouvait être dangereuse, mais j'ai décidé d'accepter les choses comme elles étaient. Des Blancs étranges m'ont averti en me parlant de toutes les histoires terrifiantes qui se passaient dans la région. Je ne les ai pas écoutés – de toute manière,  j'étais déjà sur place.

La série ​Kuka Boys sera exposée à ​Loose Leaf du 11 au 16 novembre dans le cadre du F​estival de la Photographie Indépendante 2014.

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