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Culture

Les clubs de Paris ferment les uns après les autres – doit-on s'en émouvoir ?

Et si la fête était amenée à se cantonner à des putains de péniches soumises à la dictature des « chineurs de vinyles » ?
Photo : Steven Dominguez via Flickr

Cet article est extrait du numéro « Frontières » La nouvelle est tombée début mai : le Social Club, endroit mythique de la nuit parisienne, fermait ses portes pour laisser place à un nouveau lieu, pour l'instant éphémère. Beaucoup l'ont pleuré – un peu trop, parfois. Car honnêtement, plus personne n'y mettait les pieds. Relique de l'époque Institubes, résidence secondaire des labels Ed Banger, Bromance ou Marble, des centaines de kids curieux y avaient autrefois foulé ses plates-bandes, abusé de son bar et de son impraticable fumoir. Mais c'est fini.

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Si cette fermeture a fait grand bruit, elle n'a en soi que peu de conséquences. Essoufflé après huit années de bons et loyaux services, le « Social » faisait aujourd'hui seulement figure d'entité rassurante pour ceux qui l'avaient fréquentée. Les soirées du Petit Social, plus intimistes et pointues, devraient à la limite susciter plus de regrets.

Mais surtout, certains trouveront cette fermeture symptomatique de l'état de la nuit à Paris. Le bilan de l'année 2015, marqué par la fin du Malibv ou du Pipi Caca Poney Club de l'ancienne station Bonne Nouvelle, était déjà bien assez lourd. Plus triste encore, la mort subite du Monseigneur à Pigalle, qui en à peine un an s'était installé en club respectable de la capitale et où des mecs tels que Zaltan, D.K. du label Antinote ou l'équipe Cracki Records s'y étaient succédé.

De l'autre côté du spectre, les clubs privés et autres bouges sordides faussement sélects ne désemplissent pas. Sacrifiés sur l'autel du cool tous les six mois à un an, les établissements passent et se ressemblent. Vous étiez hier au Starnight (ex-bar à zouk) et vous ne jugez aujourd'hui plus que par La Mano (ex-restaurant à quesadillas), quitte à vous heurter aux refus des imperturbables videurs, probablement eux-mêmes dépassés par le fait que des gens normaux au premier abord souhaitent se flinguer à la musique mexicaine. Si le Silencio, réclamant dès l'entrée carte de membre ou bonnes connaissances, trace sa route vers un cool inaccessible, d'autres institutions iconiques flanchent. Le Baron, notamment. L'intouchable club de l'avenue Marceau, délocalisé à Cannes à l'occasion du festival et en résidence permanente à Tokyo, a annoncé sa fin par un froid après-midi de février. Ce qui tombe bien, à vrai dire : ni vous ni moi ne souhaitions y foutre les pieds pour reprendre Sacha Distel dans « l'hystérie la plus totale », tout en descendant goulûment une bouteille valant deux mois de loyer. Ce qui n'a pas empêché la communauté branchée de chouiner la fin de son « quartier général » et de multiplier les hommages déprimants sur les réseaux sociaux.

À une époque où clubs légendaires et établissements jeunes et plein d'espoir disparaissent du paysage de la nuit parisienne – sous la pression de riverains, souvent –, on pourrait céder à la panique. En effet : et si la fête était amenée, dans un futur proche, à se cantonner à des putains de péniches soumises à la dictature des chineurs de vinyles et autres diggers impénitents ? Ou pire encore : si elle était tenue de rejoindre la programmation by night de structures à géométrie variable, après le bar à kombucha et l'atelier de customisation de t-shirts ? Ce serait triste.

Le truc, c'est qu'étrangement, la vie parisienne a rarement été aussi excitante. Les soirées dites « de niche » fleurissement dans le Paris intra-muros, et sont organisées à la Java, au Punk Paradise ou dans le microscopique Club 56, dernier-né du XIe arrondissement. Et sinon oui, les clubs s'essoufflent et tombent, mais presque tous finissent par rouvrir leurs portes, avec des agendas différents, une programmation repensée et surtout, une nouvelle direction artistique – comprenant souvent, il est vrai, un éclairage au néon dégueulasse. Les Bains Douches, club mythique des années 1980, ont fêté leur retour en grande pompe l'an passé. Le Gibus, vestige de la sinistre scène baby-rock des années 2000, propose aujourd'hui un agenda gay ultime, et même des concerts de metal. Le Paris Paris s'est mué en Pompom puis en Pompom Pompom, sans encore renaître de ses cendres. Le Social Club n'est, quant à lui, que la forme transitionnelle entre l'ex-Tryptique et le futur Cats & Dogs. De ces cycles du Kondratieff de la teuf, on ne peut retenir qu'une chose : tapi dans l'ombre, le Rex Club vous regardera tous mourir. Un à un.