Les Touristes se la coulent douce
Toutes les photos sont d'Adrian Skenderovic

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reportage

Les Touristes se la coulent douce

Adrian Skenderovic a étudié les vacanciers agglutinés sur les bateaux-mouches de la Seine.

Les bateaux-mouches, c'est le truc de touristes par excellence. Et les touristes sont un sujet intéressant lorsqu'on habite Paris, ville la plus touristique du monde. Selon Haropaports, la croisière nommée Promenade en Île-de-France a attiré plus de 7,5 millions de passagers en 2013 – plus que la Tour Eiffel, qui avait accueilli 6,7 millions de visiteurs.

C'est en me baladant sur les quais de Seine que j'ai eu l'idée de Down the River. Je marchais sur un pont tandis qu'un bateau-mouche passait au-dessous, et j'ai fait spontanément une photo. Arrivé chez moi, je me suis dit que ce serait intéressant de shooter tous les touristes agglutinés sur les bateaux de la même manière – en plongée, à la verticale.

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J'ai essayé d'avoir une approche similaire à ce que je fais en street photography : trouver un moment extraordinaire au sein même de l'ordinaire. Le plus difficile, ça a donc été de capter des moments intéressants. J'ai essayé de le faire en me servant du côté graphique, des couleurs, ou au travers du comportement des gens : la position de leur corps, la distance des uns avec les autres, ou l'émotion dégagée par la scène.

Je bosse sur cette série depuis deux ans. J'ai shooté à toutes les saisons, par tous les temps. J'ai toujours shooté depuis le même pont, le seul qui n'avait pas de rebord : ça me permettait de ne rien avoir dans le cadre lorsque je me penchais. Je ne vais pas mentir, c'est un travail assez fastidieux. Il faut être patient. Il fallait compter 20 minutes en moyenne entre chaque bateau et il m'est arrivé de ne garder aucune photo après une session de plusieurs heures. J'ai dû aller sur ce pont une cinquantaine de fois : avec l'expérience, je connaissais les heures où la lumière était dans le bon sens, où l'on n'apercevait plus l'ombre du pont, ni celle des immeubles alentour.

J'ai constaté qu'il existait différents types de bateaux : les gros bateaux populaires avec des centaines de touristes du monde entier agglutinés, dont beaucoup d'Asiatiques. Après il y a des bateaux de taille moyenne avec des touristes, mais aussi des réceptions d'entreprise, des mariages ou des personnes âgées. On aperçoit également quelques petites embarcations plus confortables où les gens boivent du champagne. Sur la Seine, il y en a pour tout le monde. C'est toujours surprenant de voir des gens qui préfèrent rester scotchés à leur téléphone plutôt que de regarder les monuments, quoique globalement, tous aient l'air d'apprécier la croisière. On n'appelle pas Paris « la ville musée » pour rien.

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À dire vrai, les touristes sur les bateaux-mouches sont une espèce bizarre. Ils ne peuvent pas s'empêcher de faire coucou quand quelqu'un les regarde. Comme je voulais éviter au maximum les regards objectifs, j'étais obligé de faire des petites feintes : je faisais semblant de regarder le ciel, puis je pointais mon objectif sur eux au dernier moment.

Je suis assez choqué par le tourisme de masse : les touristes qui regardent la ville depuis la fenêtre d'un bus, qui suivent le guide comme des moutons et ne découvrent rien par eux-mêmes. J'avais rencontré une mère de famille aux Philippines qui me disait qu'elle avait visité Paris avec un tour-opérateur. Elle m'a raconté ses deux jours sur place : Tour Eiffel, Versailles, et les grands magasins. C'est tout. C'est super triste.

Maintenant, je fais partie des habitués de ce pont. On trouve aussi un chanteur de country qui s'assoit toujours là, un Rom qui fait la manche en marchant de travers et ces filles qui arnaquent les touristes en se faisant passer pour des sourdes. Et je vais continuer à les voir, je crois. Je compte poursuivre le projet afin d'en faire un livre.

Allez voir le site d'Adrian, Everything Is Amazing but Nobody Is Happy.