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La Caverne de la brutalité : les humiliations de notre enfance

Un jour, chez un ami, quand j'avais huit ou neuf ans, j'ai traversé le salon et ma vie a basculé.

Un jour, chez un ami, quand j'avais huit ou neuf ans, j'ai traversé le salon et ma vie a basculé. De l'autre côté de la pièce, sa petite sœur était allongée sur le canapé, pantalon baissé, un thermomètre dans les fesses, comme une touillette à cocktail. Il ne m'aura fallu qu'une seconde pour comprendre ce à quoi j'assistais, mais l'image serait gravée pour toujours dans mon cortex visuel. Encore aujourd'hui, en écrivant ces mots, j'ai simplement à fermer les yeux pour revivre la scène très clairement. Je suis retourné dans le couloir et suis resté immobile dans un coin, rouge de honte. Je savais que je venais de commettre un faux pas social irréparable. Ma vie ne serait plus, ne pourrait plus jamais être la même.

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« Dur, petit gars. Ce genre de scènes, c'est terrible », m'a dit une petite voix. Je me suis retourné et j'ai vu un homme devant moi. Il m'était étrangement familier.

« Mais, crois moi, c'est que dalle. En 1987, tu taperas un sprint comme un dingue en plein milieu d'un carrefour, à Delmar, NY. Ta ceinture lâchera comme par magie et ton fute tombera à tes pieds. La sœur de ton pote cul nul ? Ça sera toi, mais en public. Et là, tu remarqueras le troupeau d'adolescentes de l'autre côté de la rue. Tu n'auras pas vraiment le temps de ralentir ta course à cause des voitures, du coup tu vas devoir plus ou moins courir défroqué en direction de ces filles, comme dans un mauvais Vidéo Gag. Et sache que, même si lors de cet événement, tu auras l'age de conduire un scooter, tu n'abandonneras le slip blanc pour les boxers qu'un an plus tard. »

« Qu-quoi ? », ai-je demandé, affolé.

« Ah et en 1991, continuait l'homme bizarrement familier, tu partiras en rando dans les bois de Muir avec des types d'Econochrist et tu te casseras la gueule sur le chemin. En tombant, ta main atterrira dans une merde de cerf fraîchement posée. Aussi, il faut que tu saches que la merde de cerf est un genre de napalm froid. Tu auras beau frotter et frotter comme un dingue, tu mettras une plombe pour t'en débarrasser. De toute façon, comme tu seras dans les bois, bien sûr, tu n'auras pas d'évier à proximité. Donc au lieu de te laver, tu essayeras d'enlever les plus gros morceaux de merde en gelée de ta personne avec un grand bâton et tu frotteras ta main pourrie sur le sol recouvert d'épines de pin. Pendant ce temps là, les mecs que tu avais l'intention d'impressionner se taperont la barre de leur vie. »

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- Mais, mais, comment tu sais ça ?

- Et en 1994 ? Oh, mon pauvre. Tu viendras de commencer un nouveau taf dans un supermarché de Richmond, en Virginie, et ton boss te demandera si tu as des questions. Là, tu décideras de faire le malin avec ton humour d'adolescent post-moderne et tu lui demanderas "Je veux savoir d'où vient la lumière ?" Effarant, en effet. »

Je l'ai regardé, horrifié.

« OK, je m'égare, mais ce que je veux t'expliquer, fiston, c'est que tout le monde passe par là. La soeur de ton pote va sûrement se rappeler de ce moment embarrassant pour le restant de ses jours, elle aussi. Tu ne peux pas échapper aux malaises qui t'attendent. Tu as une longue, longue vie devant toi. »

J'ai dégluti difficilement en réalisant avec horreur ce qui se passait : « Tu, tu es le futur moi, c'est ça ?
- Qu'est ce que tu racontes, petit gars ? Je viens juste relever les compteurs. Je m'appelle Jake.

- Ah, OK », ai-je répondu, plus dérouté que jamais.

SAM McPHEETERS