Le joueur de Ligue 1 VICE Sports du weekend : Yoann Gourcuff

Ils s'étaient tous réunis dans la cafétéria ce samedi soir. On entendait le claquement des béquilles, des déambulateurs, le roulis des fauteuils. Un petit attroupement s'était formé. La lumière verte du téléviseur se réfléchissait sur les visages interdits des patients. Il y avait là Nabil, Abou, Paul-Georges. On jouait la 75e minute d'un Rennes-Lorient qui était déjà terminé depuis une demi-heure, 2-2, et voilà que l'élu revenait d'entre les éclopés. L'assemblée de la cafétéria du centre de rééducation de Saint-Raphaël frémissait. Et si c'était la bonne ? Yoann Gourcuff plantait à nouveau ses crampons Puma dans une pelouse. Et sans se fouler la cheville. Du moins, à ce moment-là.

Il est de retour pic.twitter.com/xJWVOeX8yx
— philippe (@philousports) 9 Janvier 2016

Sept mois sans compétition, une traversée du désert de plus pour Gourcuff. Le mec aura joué moins d'un match sur deux entre 2010 et 2015. Adducteurs, dos, cheville, et maintenant voilà que les os sésamoïdes venaient aussi participer à la fête. (Franchement qui connaissait l'existence des sésamoïdes avant la blessure de Gourcuff ? Ça a le nom d'un truc que t'achèterait à Naturalia.) Cette fois-ci, Yoann avait mis toutes les chances de son côté : il avait commandé des pompes Puma spécialement fabriquées pour pouvoir accueillir ses semelles médicales. Il était prêt, les pieds dans le papier bulle, du polystyrène bien calé derrière les protège-tibias, même pas besoin de coudières.

Cette entrée de Gourcuff à la 75e minute semblait dans tous les cas étrange, comme le retour d'un football oublié. On était préparé pourtant, depuis sa signature en septembre au Stade rennais, on savait que ce moment allait forcément arriver un jour ou l'autre. Et puis, il n'était absent que depuis sept mois. Pourtant, on a l'impression d'avoir changé d'ère. Son physique plutôt frêle, cette gueule de premier de la classe : on se demande ce que Gourcuff vient foutre dans la Ligue 1 de 2016. Pas que ce soit un problème, juste une anomalie, un bug dans la matrice. Le foot français innocent des années 2000 qui revient en pleine affaire de la sextape, dans la France post-Knysna.

On le sait pourtant, ce qu'il est venu faire à Rennes : raconter une jolie histoire de football, du storytelling appliqué au ballon rond, de ceux qu'adorent les journalistes sportifs. Après Ben Arfa, Lassana Diarra et en attendant Abou Diaby, voilà que Gourcuff offre une nouvelle variation du mythe de Sisyphe. Le joueur toujours blessé qui revient dans son club formateur pour retenter une énième fois de se reconstruire, de l'histoire prête-à-publier.

Seulement voilà, plus qu'une comédie dramatique à la fin feel-good sur la résurrection d'un éternel estropié, la carrière de Gourcuff est une grosse comédie bien lourde, starring le Pierre Richard des pelouses françaises, qui semble se réduire à un seul gag : la blessure récurrente, dès qu'il foule une pelouse.

Là, il aura fallu attendre une dizaine de minutes, mais on n'aura pas été déçus : Gourcuff s'est pris un bon vieux tacle de coéquipier sur la cheville. Le fautif : Cheick M'Bengue. Pile au moment où Gourcuff aller sauver la mise au Stade Rennais. L'histoire de sa vie : la blessure au moment de conclure.

Sérieusement le sorcier vaudou qui a jeté un sort à Yo il peut arrêter ses conneries ? Il allait marquer sans… pic.twitter.com/TQbrzpu4yl
— Edouard Reis Carona (@RCEdouard) 9 Janvier 2016

Finalement, on craignait que Gourcuff ait de nouveau à passer sept mois à se retaper à Saint-Raphaël, Capbreton ou Berck. Mais son indisponibilité ne sera que « de quelques jours » a-t-on appris ce lundi dans un communiqué du club. Une petite contusion de la cheville et du genou gauche. Il a vu pire. Ce ne sera donc que partie remise pour le Rennais. Du côté des estropiés de Saint-Raphaël, on se ronge les ongles. C'est pour ça, pour son éternel retour et pour son apport à la comédie française que Yoann Gourcuff est le joueur de Ligue 1 VICE Sports du weekend.

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