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Santé

Les centres d’injection supervisée montréalais ouvrent d’ici quelques semaines

« C’est une grande journée pour le Québec »

Il y avait beaucoup d'émotion vendredi quand on a annoncé que la ville avait enfin reçu l'autorisation de Santé Canada pour ouvrir les premiers centres d'injection supervisée de la province.

Deux organismes locaux qui offrent de l'aide et du soutien aux toxicomanes – Cactus et Dopamine – accueilleront les usagers d'ici quelques semaines. Les deux centres seront parmi les premiers au Canada, après les cliniques INSITE de Vancouver.

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L'annonce coïncide avec la 25e Conférence internationale sur la réduction des méfaits liés aux drogues, qui se tient à Montréal, un rassemblement de centaines d'experts en réduction des méfaits, de professionnels de la santé et de consommateurs de drogue de partout dans le monde.

« C'est une grande journée pour le Québec », a annoncé Lucie Charlebois, ministre déléguée à la Santé publique et aux Saines habitudes de vie, ajoutant que le gouvernement compte investir 12 millions de dollars dans le projet dans les trois prochaines années.

Les projets pour deux autres centres à Montréal – une unité mobile et un centre avec pignon sur rue — sont encore sous la loupe de Santé Canada, dont l'approbation finale est requise. Cependant, la ministre se dit convaincue que le gouvernement fédéral donnera bientôt le feu vert.

Les centres d'injection supervisée fournissent aux utilisateurs de drogues de l'équipement sécuritaire et stérilisé en plus d'offrir la supervision de travailleurs de première ligne et de professionnels de la santé. Selon plusieurs études, c'est une approche qui réduit considérablement le nombre de décès des suites d'une surdose et la transmission du VIH et de l'hépatite C, entre autres.

Les groupes de réduction des méfaits luttent contre des gouvernements réticents depuis près d'une décennie pour doter Montréal de ce service.

La clinique INSITE de Vancouver a ouvert ses portes en 2003. Bien que les auteurs de plusieurs études et la Cour suprême dans un jugement ont affirmé que ces services sauvent des vies, la loi pendant l'ère des conservateurs de Stephen Harper a longtemps empêché l'arrivée de ces centres dans d'autres villes.

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« Nous commençons enfin à voir les entraves politiques s'effacer », dit Rick Lines, le directeur général de Harm Reduction International. Ce succès, prédit-il, facilitera la tâche aux autres villes pour ouvrir leur propre centre d'injection supervisée. « Chaque fois que des sites ouvrent et qu'il y a moins d'opposition, plus d'information et plus de succès, la stigmatisation s'estompe, les services de réduction des risques se normalisent. »

Le fondateur et président de Cactus, Louis Letellier insiste sur l'importance du travail fait par les gens à la base, qui ont passé des années à essayer de convaincre le gouvernement de la valeur des sites d'injection supervisée. « Ces organismes sont les voix des personnes marginalisées et un atout exceptionnel pour le système de la santé ainsi que pour les villes où ils offrent leurs services », dit-il.

Créé en 1989, Cactus a été le premier programme d'échange de seringue en Amérique du Nord et a passé des années à œuvrer dans une relative obscurité. L'organisme reçoit maintenant entre 200 et 325 visiteurs par jour et distribue en moyenne 611 000 seringues stérilisées par année.

Au rassemblement avant l'annonce, Louis Letellier a accueilli les médias dans les locaux maintenant clairs et ensoleillés de Cactus. « Nous ne sommes plus dans le sous-sol, dit-il avec fierté. Il y a de la lumière naturelle, nous redonnons de la dignité à ceux qui consomment de la drogue. »

Toutefois, le succès est mitigé selon Jean-François Mary de l'Association­­ québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues.

« Ça nous a pris dix ans pour en arriver là, a-t-il dénoncé. Dix ans au cours desquels nous avons perdu beaucoup de nos amis ou membres. Donc, nous ne sommes pas aussi enthousiastes qu'on devrait l'être. »

L'annonce survient au moment où un débat sur la crise des opioïdes occupe la Chambre des communes et le Sénat entrave les efforts des libéraux pour modifier les lois portant sur les drogues. En décembre, la ministre de la Santé, Jane Philpott a déposé le projet loi C-37, qui vise à contrer la crise des opioïdes et réduire le nombre de décès par surdose. Le Sénat a déposé trois amendements au projet de loi, ce qui ressemble à une volonté d'en ralentir l'adoption.

Brigitte Noël est sur Twitter.