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Pourquoi les bulles de savon sont-elles multicolores ?

Ce n'est pas parce que vous en avez produit plus de 2500 entre 8 et 18 ans qu'il est trop tard pour vous poser la question.
Illustration : Teus Kappen/Flickr

Avec la série « Le Pourquoi du moment », Motherboard répond aux questions les plus posées à Google en 2016. Aujourd'hui, on se demande pourquoi les bulles de savon arborent une délicate palette arc-en-ciel.

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C'est le printemps. Le soleil poudroie, l'herbe verdoie. Les allergènes titillent vos muqueuses pour vous rappeler que tout plaisir est éphémère et que la plus douce des brises s'accompagne parfois de pollen de saule. La nature est très belle ce matin, même si vous avez le sentiment que vos globes oculaires prendront feu devant le prochain buisson de graminées. C'est la plus charmante balade floue qu'il vous ait été donné de faire depuis que l'allergologue vous a dit que vous étiez un cas exceptionnel.

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Puisque votre environnement est actuellement constitué de grands aplats de vert dans lesquels on distingue parfois péniblement une tache de rouge ou de brun marquant la présence d'une barrière, vous vous faites cette réflexion : la répartition des couleurs est tout de même très inégale, dans la nature. Du vert, du brun, parfois quelques couleurs vives lorsque l'on tombe sur un être vivant désireux d'être pollinisé, mais les débauches de grenat et d'orange fluo restent rares.

Oh, il y a une raison à cela. La quasi-totalité des plantes que l'on trouve sur cette planète possède un pigment photosynthétique appelé chlorophylle, qui leur donne leur splendide couleur verte. Parmi d'autres pigments assez communs on trouve les caroténoïdes (gammes de rouges, jaunes, oranges) et les anthocyanes (rouge orangé au bleu pourpre), et c'est à peu près tout pour une grande majorité d'espèces végétales. Quant aux animaux, la plupart trouvent un avantage à être dissimulés dans leur environnement ; les espèces chatoyantes nous semblent très communes parce qu'elles sont particulièrement représentées dans les documentaires de la BBC (qui valorisent les oiseaux aux couleurs rares par exemple, comme ceux qui arborent du bleula couleur la plus rare chez les êtres vivants), mais en réalité, elles constituent une faible proportion du biote. Le monde est avant tout peuplé d'insectes et de vers de terre bruns, blancs ou beiges comme un trenchcoat de bourgeoise.

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Province de Zhangye Danxia, en Chine. MelindaChan/Flickr

Sauf si vous habitez en Zhangye Danxia en Chine ou en quelque autre endroit du monde aux couleurs exceptionnellement variées (parce que désert, et aux sols riches en pigments minéraux), il y a de grandes chances que vous vous représentiez l'habitat naturel comme un ensemble de bleu, de brun et de vert tel qu'on le trouve dans les dessins d'enfants. Inconsciemment, vous rapportez donc toute débauche de couleurs vives à des substances et matériaux fabriqués par l'homme, à l'artificiel, au synthétique. C'est pour cette raison que la nourriture jaune ou bleue fluo est associée (à juste titre) à la production agroalimentaire industrielle, que l'on assimile des couleurs dites « naturelles » à de la nourriture saine, et que la lumière ambiante va jusqu'à modifier notre perception du goût du vin.

Il y a donc de quoi être surpris lorsque, tandis que vous méditez au cœur d'un sous-bois touffu d'un beau vert tendre, séchant vos yeux esquintés par les irritations, une bulle de savon multicolore vient folâtrer devant votre nez. Le beau temps est de sortie, et les gamins ayant dérobé le Paic citron familial aussi. Dans cet écrin de verdure, les teintes arc-en-ciel des bulles miroitant paisiblement dans l'atmosphère paraissent particulièrement incongrues. D'ordinaire, il n'y a que les gifs animés et les perroquets Ara macao qui osent.

Comment se fait-il que la bulle de savon, composée, comme son nom l'indique, de savon (et d'eau), se pare de toute une gamme de couleurs pures tandis que le savon liquide, lui, est d'une couleur uniforme ? Ce phénomène n'est pas dû à la forme sphérique de la bulle, mais bien à sa très fine épaisseur. Parce l'eau et le savon (qui est un macérât huileux) ne se mélangent pas, la paroi de la bulle est constituée d'une sorte de sandwich de deux lames de molécules de savon entre lesquelles vient s'immiscer une lame de molécules d'eau. Lorsque les ondes lumineuses viennent frapper la surface de la bulle, une partie d'entre elles va être réfléchie par la paroi externe, et l'autre partie par la paroi interne de la bulle. Les ondes lumineuses proviennent donc de la même source, mais certaines ont parcouru plus de distance que d'autres en traversant la membrane constituée par la paroi de la bulle, ce qui provoque ce que l'on appelle une interférence : les faisceaux réfléchis se sont superposés, rendant visible la couleur correspondant à longueur d'onde concernée.

Parce que la paroi de la bulle n'est pas d'une épaisseur uniforme, différentes couleurs vont apparaître à sa surface, car la pénétration des ondes lumineuses dans la membrane de la bulle dépendra de leur longueur d'onde. Il en résulte un un entremêlât de couleurs pures que l'on appelle l'iridescence. Un phénomène plutôt sexy que l'on peut également observer dans des circonstances moins sexy, par exemple lorsqu'une fuite d'huile de moteur a formé une flaque sous votre précieux véhicule.

Toutes les couleurs ne sont pas dans la nature. Parfois, pour voir la vie en rose, il faut prendre soin de répandre des macérât huileux.

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