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​Le joueur de Ligue 1 VICE Sports du week-end : Serge Aurier

Le joueur de Ligue 1 qui a le plus fait parler de lui ce week-end n'était pas sur un terrain mais chez lui, entre vapeurs de chicha et jeux vidéo.
Reuters

Le joueur de Ligue 1 qui a le plus fait parler de lui ce week-end n'était pas sur un terrain. Non, il était posé, chez lui, à parler - presque - dans le vide avec un pote d'enfance, entre vapeurs de chicha et sons de jeux vidéos. Un samedi soir bien loin de l'idée qu'on pourrait se faire d'une soirée de footballeur : pas de club hyper select des Champs, plutôt une soirée un peu triste de zonard.

Problème : tout cela était filmé, et volontairement. On connaît bien l'histoire désormais : tout le monde a pris, Laurent Blanc en tête, Sirigu, Van der Wiel c'est-de-l'eau, Zlatan. Aurier et son pote Mamadou Doucouré s'amusent à faire les chauds en répondant aux questions d'internautes sur Periscope. De la grosse déconnade de soirée - avec pas mal de relents d'homophobie ordinaire, où tout Internet regarde. Le latéral du PSG ne connaît pas l'application - il le dit à la fin de la vidéo - et ne saisit donc pas les répercussions que peuvent avoir ses propos.

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Tout cela est bien évidemment éminemment stupide. Aurier a d'ailleurs dû se sentir très très con ce dimanche. Mais l'ampleur qu'a pris cet "Auriergate" est surtout révélateur d'une chose : la fascination de tout le monde - médias et passionnés de football - pour les affaires internes des clubs. Sur cette session Periscope, la plupart des questions tourne ainsi autour des relations d'Aurier avec tel ou tel joueur, avec son entraîneur. Et pour une fois, comme rarement, on a le droit de connaître des éléments de la vie du groupe.

Cette affaire a pris de telles proportions parce que c'est le PSG, évidemment. Chaque joueur du onze de départ est une marque à lui tout seul, et la communication du club est verrouillée de partout, lissée, policée. Alors tout ce qu'on veut savoir, forcément, c'est comment cela se passe dans le vestiaire ? Comment Zlatan se comporte-t-il avec les autres ? A quoi ressemble un vendredi soir d'Ezequiel Lavezzi ? Qui est pote avec qui ? Qui ne peut pas se blairer ? Dans une société qui s'est lassée de Secret Story, on préfère tenter de savoir ce qu'il y a dans la sextape de Valbuena.

Tout ce qu'on savait de l'ambiance au Camp des Loges, ce n'était jusque-là que de lointaines rumeurs, des on-dit de potes de potes, des « ma sœur connaît le frère de l'épicier de Pastore dans le 16e, il paraît qu'il se nourrit exclusivement de carottes rapées » (ou des trucs un peu plus croustillants, évidemment). Et là, Serge Aurier nous offre tout ça sur un plateau, saupoudré de saillies bien trash. On n'en avait pas demandé autant. En regardant la vidéo, tout fan de foot a été à la fois fasciné et désorienté : « Mais pourquoi il nous dit tout ça ? »

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Les dernières fois où l'on a saisi un aperçu de la cuisine interne du petit monde du football, c'était par voie de presse. Le « Va te faire enculer, sale fils de pute » d'Anelka à Domenech pendant la Coupe du monde 2010 en une de L'Equipe n'aurait jamais dû sortir du vestiaire. C'était une affaire entre un coach et son joueur, un désaccord qui aurait dû rester interne au groupe de l'équipe de France. La rendre publique n'a fait qu'aggraver les choses, la France entière a participé à un débat qui ne la concernait pas.

Là, c'est la même chose, si ce n'est qu'il y a en plus une gratuité incroyable dans les propos tenus par Aurier. Dans un groupe, il y a forcément des joueurs qui ne s'apprécient pas, qui forment des opinions sur d'autres… Cette fois-ci, sans filtre, on a su ce qu'Aurier pensait de ses coéquipiers et de son entraîneur. Seulement, personne n'était sous pression de quoi que ce soit, Aurier ne revendiquait rien, pas même une place plus importante dans l'effectif. Non, tout cela était gratuit, jeté en place publique à des médias trop ravis de voir enfin une once d'humanité sortir de cette machine de guerre froide et muette qu'est le PSG.

Comme c'est désormais l'habitude dans ces cas-là, absolument tout le monde a alors donné son avis. Christophe Galtier, Jean-Michel Aulas, Guy Roux (« Il devrait aller en prison ! »… OK)… L'opinion presque générale dans le foot français, et ce qui est confirmé par ses formateurs à Lens, c'est qu'Aurier n'est à la base pas quelqu'un qui peut déstabiliser un vestiaire. Depuis ses années de formation à la Gaillette, c'est un jeune joueur déterminé, respectueux de ses coéquipiers et de l'autorité (en public), qui prend la mouche seulement en cas d'injustice sur le terrain. C'était le cas avec l'arbitre du PSG-Chelsea de l'an dernier.

Finalement, ses excuses, venues rapidement dimanche soir, ont semblé matures et sincères. Le fait qu'il dise « J'ai fait une connerie » semble d'ailleurs démontrer qu'on n'est pas forcément dans une stratégie de communication de crise où on lui a préparé un laïus bien propre à servir aux médias. Il a accepté le lynchage dominical et tout pris sur lui, sans se défiler.

Maintenant, quelles répercussions aura cette affaire Aurier ? Sportivement, c'est très très stupide : lui qui avait conquis une place de titulaire indiscutable est aujourd'hui absent du groupe face à Chelsea. Au PSG de décider maintenant s'il peut se sortir de cette histoire. Dans tous les cas, il sera bien difficile désormais pour lui d'avoir une relation saine avec ses coéquipiers. Par ailleurs, il s'est désormais collé une étiquette "ingérable" sur le front dont il lui sera bien difficile de se défaire même si le PSG cherchait à s'en séparer.

Mais la conséquence la plus grave de cette affaire ne sera pas sur les terrains de foot. Non, ce sera plutôt aux micros que l'affaire Aurier se fera sentir. Ce « samedi soir chez les Aurier » est la réalisation des pires craintes de tous les service com, de tous les attachés de presse des clubs de Ligue 1. Déjà qu'ils barraient la route à tous les médias essayant de s'approcher un peu trop près des joueurs, ils devraient verrouiller encore plus leurs accès désormais.

La réaction de Laurent Blanc en conférence de presse ce lundi est, elle aussi, tout ce qu'il y a de plus normale : pas franchement heureux de se faire insulter devant la France entière, il a qualifié les propos d'Aurier de « pitoyables » et puis est passé à autre chose. Maintenant, l'affaire est entre les mains du PSG, qui décidera de la sanction appropriée. Si le PSG décide de réintégrer Aurier, il faudra s'attendre à voir chacune de ses prestations commentées par le prisme de "l'affaire". C'est peut-être finalement en partant du PSG qu'il pourrait se refaire une virginité médiatique de type Evra post-Knysna. Dans tous les cas, il s'est grillé. C'est dommage. Tout ça pour une soirée chicha-GTA.