Quand les réfugiés africains se mêlent à la culture israélienne

FYI.

This story is over 5 years old.

Photo

Quand les réfugiés africains se mêlent à la culture israélienne

Tamara Abdul Hadi a photographié les migrants qui ont introduit la culture rap des années 1990 à Tel Aviv.

Une coiffeuse du sud de Tel Aviv coiffe une migrante éthiopienne avant une soirée.

Les images du jeune réfugié syrien Alan Kurdi ont fait la une des médias occidentaux l'année dernière, quand son corps a été retrouvé sur une plage de l'ouest de la Turquie, face contre terre, noyé. Aujourd'hui, dans notre inconscient collectif, nous imaginons que les destins comme celui du jeune enfant forment la seule et horrible réalité des migrants. Face à cette idée, la photographe Tamara Abdul Hadi, dont le travail a notamment été publié par le New York Times, le Guardian et Reuters, a cherché à illustrer l'humanité et la vitalité de ces migrants et non plus leurs trop nombreuses morts sur la route de l'Europe. Son travail offre ainsi un point de vue authentique et différent sur les réfugiés et montre la diversité de leurs expériences.

Publicité

Canadienne d'origine irakienne née aux Émirats arabes unis, Tamara a conscience des problèmes identitaires et des difficultés d'intégration auquel l'individu peut être confronté. Cette vision donne à son travail sur les réfugiés une certaine sincérité : les migrants deviennent de vrais sujets, et non plus de simples causalités des guerres et des crises économiques.

Néanmoins, dans son travail, la photographe ne se concentre pas uniquement sur les réfugiés. Avant tout, Tamara s'est donné pour but de représenter les minorités et les laissés-pour-compte de nos sociétés modernes. Pour son projet « City of the Dead » [« La Ville des Morts »], réalisé dans le quartier de Bab al-Nasr [« Les portes de la victoire »], au Caire, elle a photographié les centaines de familles qui, depuis 60 ans, vivent entourés des tombes de leurs ancêtres. Le quartier – qui est en fait un bidonville bâti au milieu d'un cimetière – est régulièrement surnommé le « cimetière des vivants ».

Sur une photo de cette série, on peut voir deux garçons qui jouent à un jeu vidéo, assis dans une pièce dont les murs sont couverts de portraits. Ils apparaissent ainsi comme deux tâches de couleur peintes sur ce mur au bleu profond. Sur une autre photo, un père égyptien et son fils s'enlacent, souriant à la caméra. Une autre montre une mère se prélasser dans un fauteuil en osier avec trois jeunes garçons réunis derrière elle.

Publicité

Plusieurs travaux de Tamara explorent les difficultés des minorités, souvent confrontées à différents stéréotypes. Elle photographie généralement des hommes, les dépeignant avec une certaine émotivité. Dans sa série « Picture an Arab Man » [« Image d'un homme arabe »], ses sujets apparaissent francs, nus et vulnérables.

Sa dernière série, « Fade to Black » [« Fondu noir »], a été réalisée dans la rue de Neve Sha'anan, à proximité du parc Levinsky, à Tel Aviv. Frappée par ce quartier et son identité bâtie par les migrants africains qui s'y sont établis, elle a commencé à capturer le style de ces gens, leur apparence et leurs coiffures afros. Sur ses images, tandis qu'un homme porte une chemise à carreaux rouges, un autre est revêtu d'un t-shirt blanc et noir avec des étoiles et l'inscription « Detroit » sur le ventre. On pourrait voir ces signes comme les réminiscences de la culture hip-hop américaine des années 1990. Les migrants sont pour la plupart des demandeurs d'asile originaires d'Éthiopie, d'Érythrée et du Soudan. Nombre d'entre eux ont fui le service militaire obligatoire en Érythrée ou ont connu l'horreur de la guerre du Darfour, avant d'arriver en Israël en passant par l'Egypte. Si certains sont sans papiers, d'autres disposent de visas temporaires renouvelables.

« Fade to Black » illustre la vitalité de ces communautés de migrants. Malgré les difficultés rencontrées, ils tentent de se reconstruire ici et ont apporté avec eux leurs traditions culinaires, leurs modes vestimentaires et leurs traditions. Mêlant tout cela avec la culture israélienne cosmopolite déjà existante, ils ont transformé le quartier. En mettant le phénomène en avant, Tamara conteste l'idée du migrant pernicieux, impuissant et sans ressources. Sa façon d'illustrer la beauté dans le péril, la recherche d'une place dans un nouveau pays à l'histoire géopolitique compliquée, est source d'inspiration.

Publicité

Sa capacité à montrer ses sujets dans un état à la fois naturel et révélateur rappelle les portraits hollywoodiens de Sam Taylor-Johnson, qui a photographié des hommes célèbres en train de pleurer. Néanmoins, les images de Tamara comptent un élément qu'on pourrait définir plus « humain ». Voir ces hommes libres et heureux et non dans un état de détresse alors qu'ils ont vu leur vie bouleversée est encourageant. Son travail rappelle aussi que la stabilité et la liberté est un droit inné pour certains et reste toujours et malheureusement un droit qui s'acquiert – parfois au péril d'une vie – pour d'autres.

– Fariha Roisin

Un Soudanais pose après s'être fait coiffer.

Un jeune homme érythréen pose près du parc Levinsky, où lui et ses amis passent leurs journées.

Les demandeurs d'asile érythréens, comme l'homme ci-dessus, font au mieux pour se sentir chez eux en Israël. Les hommes de ce quartier de Tel Aviv vont dans des salons de coiffure tenus par des gens originaires du même pays qu'eux afin de se faire coiffer à la mode qu'ils apprécient et de retrouver un esprit communautaire.

Un homme érythréen pose au guidon de son vélo à proximité du parc Levinsky.

Un coiffeur s'occupe d'un client dans l'un des nombreux salons de coiffure de Neve Sha'anan, l'une des principales artères du quartier.

Dans les salons, de vieilles affiches décolorées proposent aux clients différentes coupes.

Un coiffeur termine la nouvelle coupe de cheveux de son client.