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Sports

Les outsiders : les héros les plus improbables du rugby

Les rugbymen n'ont pas tous le même gabarit ni la même histoire. Tour d'horizon des joueurs qui n'auraient jamais dû percer au plus haut niveau.
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« Improbable » est un mot aux contours flous, au moins autant que les mots « hors-jeu » ou « postmodernisme ». Pas facile de définir ce qui est « improbable » dans le sport professionnel : tous les sportifs qui sont arrivés jusqu'à cette Coupe du monde de rugby font certainement partie des personnes les plus improbables sur Terre. On parle quand même de gens qui ont pris une vie entière pour arriver à développer ces gigantesques corps surgonflés et qui ensuite prennent plaisir à les passer à la lessiveuse tous les weekends.

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Mais parler de tous ces gens-là ne ferait pas un article passionnant, donc on a creusé un peu. Il se trouve que les rugbymen – comme les footballeurs, les basketteurs et les gens bourrés dehors à 8 heures du mat' un dimanche– sont une espèce variée et diverse. On les trouve sous toutes les formes et dans toutes les tailles, et ils ont connu des parcours de vie bien différents les uns des autres.

Le rugby dans son ensemble est rempli de joueurs qui n'étaient pas forcément faits pour ce sport à la base, ou de personnages exemplaires. Voici nos favoris, ceux qui n'auraient pas dû réussir, mais qui, contre toute attente, sont présents au plus haut niveau.

Michael Leitch, Japon

La scène se déroule au Liberty Stadium à Swansea. Nous sommes en 2008 et le Japon se prépare à affronter la France pour son premier match des Championnats du monde juniors. Michael Leitch, alors âgé de 19 ans, délivre son speech d'avant-match non pas en français ou en anglais, mais en japonais. Le résultat a peu d'importance (le Japon perdra 53-17), ce qui compte, c'est ça : Michael Leitch, né en Nouvelle-Zélande de parents fidjiens, est, eh oui, japonais.

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Malgré son intention d'étudier pour une seule année au Japon en 2004, Leitch s'y est ainsi senti tellement bien qu'il a décidé d'y rester, après avoir gagné une bourse d'études de l'université Tokai pour jouer au rugby. Sous l'intendance de Leitch, le Japon est allé jusqu'à se classer neuvième meilleure équipe mondiale.

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Un homme d'1m89 d'origine fidjienne avec l'accent néo-zélandais n'est pas exactement l'archétype du joueur auquel on pense lorsqu'on essaie de visualiser les Brave Blossoms (les « Braves bourgeons », le surnom de l'équipe japonaise), mais ce sera bien Leitch qui mènera les Japonais à Kingsholm contre les Ecossais le 23 septembre. Leitch, à 26 ans, est aussi le troisième plus jeune capitaine de tout le tournoi – il perd ainsi au petit jeu des minots meneurs d'équipes face au Gallois Sam Warburton (plus jeune de deux jours) et face au Canadien Tyler Ardron (qui a, lui, deux ans de moins tout de même).

Israel Folau, Australie

Folau est l'une de ces personnes que vous regardez courir et à propos desquelles vous vous demandez : est-ce que leur énergie provient de leurs poumons ou est-ce qu'ils marchent au kérosène ? Il sera l'arme la plus redoutable de l'Australie durant cette Coupe du monde, mais malgré ses 26 ans, il n'a effectué ses débuts avec les Wallabies qu'il y a deux ans seulement.

C'est parce que Folau fait ce qu'il veut. Après avoir commencé le rugby à XIII avec les Melbourne Storm, il a établi le record d'essais inscrits durant une saison (21). Les deux saisons suivantes pour les Brisbane Broncos, Folau a aplati dans l'en-but 37 fois en 38 rencontres. Il est ensuite devenu le plus jeune joueur sélectionné dans l'équipe d'Australie de rugby à XIII, avant de s'essayer au football australien pour quelques temps avec le Greater Western Sydney Football Club. Cela s'est avéré moins concluant.

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Il n'a donc joué que deux années de rugby à XV et a pourtant d'ores et déjà inscrit 18 essais pour l'Australie. Durant sa première année, il a même égalé le record de Lote Tuqiri de dix essais internationaux marqués en une saison lors du dernier match-test contre le Pays de Galles, durant la tournée d'automne australienne de 2013. Comme l'illustre Jason Robinson côté anglais, Folau a fait un grand détour avant de s'approprier le numéro 15 de sa sélection nationale.

Nathan Charles, Australie

Même si Charles n'est pas dans la sélection finale des Wallabies, son combat contre la mucoviscidose lui garantit sa place parmi cette liste d'outsiders du rugby mondial. Le rugbyman de 26 ans doit ainsi prendre 28 pilules et vitamines par jour pour rester en bonne santé. Il semble être le seul athlète à avoir joué au rugby professionnellement tout en étant atteint de la maladie.

Malgré une espérance de vie estimée à 37 ans pour toute personne atteint de la mucoviscidose, Charles a néanmoins décroché 4 capes en équipe d'Australie et concourt depuis cinq saisons dans la ligue Super Rugby. Un ex-coach des Wallabies a bien résumé l'affaire en expliquant que Charles avait à la fois « défié la science et défié la logique ». Une source d'inspiration.

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Jeff Hassler, Canada

En 2010, Jeff Hassler avait tout juste 19 ans et était le running back titulaire des Huskies de l'université de Saskatchewan. Vous pouvez voir des highlights ici, et oui, il s'agit bien de football canadien. Il avait alors trois ans devant lui pour s'adonner aux joies du football canadien, garantis par une bourse d'études. Cet été là, pourtant, Hassler décide de jouer au rugby pendant l'été, contre la volonté de son entraîneur. Finalement, il choisira le rugby et commence alors sa formation dans les infrastructures nationales.

Hassler joue désormais pour le club gallois d'Ospreys en Guinness Pro12. Sa première année, il aura ainsi scoré huit essais en tout juste 17 matches, ce qui lui a assuré une place dans l'équipe-type de la saison. Un joueur compact, robuste physiquement, avec la force d'un avant et l'agilité d'un arrière. En 2014, il a inscrit ce qui pourrait être le plus bel essai de la saison. Au vu du déroulé de sa carrière, ce n'était pas gagné d'avance.

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Matt Gilbert, Angleterre

Gilbert est le seul sportif professionnel sourd de toute l'Angleterre. Il joue actuellement en tant que troisième ligne aile pour les Worcester Warriors en deuxième division anglaise. Une maladie rare, diagnostiquée lorsqu'il était enfant, lui a ainsi fait perdre l'ouïe au fil des années. Son accession au sport professionnel est donc à la fois étonnante et source d'inspiration. Lui ne le voit pas de cet œil là évidemment : « J'étais l'enfant le plus costaud à l'école », explique-t-il. « Du coup, tout ce que je faisais, c'était ramasser le ballon et courir. »

George North, Pays de Galles

L'ailier gallois est l'un des meilleurs joueurs de la planète. Il a également de la chance d'être en vie. La saison dernière, North a en effet subi trois - trois ! – commotions cérébrales et a raté cinq mois de compétition. Malchance en série. Heureusement, les neurologistes de Northampton lui ont conseillé de faire un break jusqu'au début de la Coupe du monde.

Sans minimiser, les commotions cérébrales sont un très grave problème – ce mois-ci par exemple, le pilier Jonathan Thomas a dû déclarer sa retraite définitive après avoir développé une épilepsie due à une carrière remplie de traumas crâniens. Malgré sa sélection dans l'équipe galloise, North doit encore passer le protocole de retour à la compétition – un processus obligatoire pour tous les joueurs victimes de commotions cérébrales. Les fans gallois croisent les doigts pour qu'il le passe avec succès, pendant que tout le monde espère qu'il va se maintenir en bonne santé sur le long terme.

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Chiliboy Ralepelle, Afrique du Sud

Le déterminisme nominal voudrait que Chiliboy Ralepelle soit devenu un homme politique sud-africain, tout comme son compatriote au nom tout aussi déconneur Tokyo Sexwale (un rival du président Jacob Zuma au sein du parti ANC). Mais non, Chiliboy Ralepelle est rugbyman. En décidant de devenir sportif professionnel, il défie ainsi les lois de l'univers et a donc parfaitement le droit de faire partie de cette liste.

Toute l'équipe d'Uruguay

Participant à leur toute première Coupe du monde en douze ans (et seulement la troisième de leur histoire), l'équipe d'Uruguay est composée en grande partie de semi-professionnels, renforcés par quelques pros. Pas étonnant quand on sait qu'il n'y a que 5 829 joueurs licenciés dans tout le pays. Le sport n'est ainsi tristement célèbre dans le pays que pour la tragédie du vol 571 Fuerza Aérea Uruguaya, quand un avion transportant le club de rugby des Old Christians s'est écrasé dans les Andes, résultant en cannibalisme et dans la mort de 24 des 45 passagers.

Par ailleurs, 90% des pages Wikipédia de l'équipe actuelle ont été créées le même jour (le 13 septembre) et sont écrites de la même manière : « … est un joueur de l'équipe nationale de rugby uruguayenne. Il a été sélectionné par l'équipe d'Uruguay pour jouer la Coupe du monde de rugby 2015. » Certains joueurs, comme Agustin Ormaechea, sont un peu plus connus. Mais si c'est le cas, c'est seulement parce qu'il est le fils de Diego Ormaechea, le seul joueur de l'histoire de l'Uruguay à avoir inscrit un essai durant une Coupe du monde. Il y a aussi leur capitaine, Nicolas Klappenbach, qui est à la fois docteur et rugbyman. Vu qu'il joue talonneur, attendez-vous donc à ce qu'il ratisse de manière clinique le ballon dans les mêlées.

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Ben Morgan, Angleterre

Il y a quelques années, le numéro 8 anglais travaillait comme maçon et pesait un bon 130 kilos. Il n'avait même pas encore signé de contrat professionnel. Il était, selon ses propres mots, « en train de maltraiter mon corps. Je n'en avais aucune idée. » Maintenant, Morgan pèse 115 kilos et a été choisi pour débuter le match d'ouverture de l'Angleterre contre les îles Fidji, malgré une fracture à la jambe en janvier dernier. Il est l'une des nouvelles stars de cette équipe d'Angleterre rajeunie.

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Richard Metcalfe, Ecosse

Richard Metcalfe fait 2,13 mètres. S'il est désormais trop vieux pour jouer cette Coupe du monde, il reste le plus grand (par la taille) rugbyman de tous les temps, et peut même se vanter d'être le second sportif anglais le plus grand de l'Histoire. Jouant seconde ligne, la moitié du corps de Metcalfe sortait à chaque fois de la mêlée, comme un camion cherchant à rentrer dans une station Vélib. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce n'est pas son dos qui arrêta sa carrière, mais une blessure au genou.

Richardt Strauss, Irlande

L'Irlandais, né en Afrique du sud, a été exclu de toute participation à la saison 2013-2014 à cause d'un sérieux problème au cœur découvert par les médecins. On lui a alors dit qu'il serait chanceux s'il retrouvait un jour les terrains. Mais Strauss semble être en acier trempé puisqu'il était de retour dans l'équipe titulaire de Leinster trois mois après l'annonce. Ses dernières performances à ce niveau sont donc assez incroyables, sans compter sur le fait qu'il sera également le premier choix comme talonneur de l'équipe d'Irlande.

Courtney Lawes, Angleterre

Né dans le quartier londonien d'Hackney, Lawes n'est pourtant pas un joueur anglais traditionnel. Son père, Linford, né en Jamaïque, a travaillé comme videur dans un pub, avant de bosser dans la promotion immobilière. Sa mère, Val, est une gardienne de prison. Lawes n'avait pas touché à un ballon de rugby avant l'âge de 15 ans, avant d'arriver à l'école pour garçons de Northampton. Sept ans plus tard, il participa à sa première Coupe du monde : une ascension météorique pour un joueur qui n'avait pas une famille particulièrement intéressée par le rugby.

La volonté de Lawes de toujours se cramer pour son équipe lui a valu un lourd bilan physique et mental. Ces dernières années, il a ainsi été mis sur la touche pendant dix mois à cause de blessures au tibia, au genou, au coude, à la cheville et, plus récemment, aux deux épaules. Le géant de 2 mètres tient, à 26 ans, seulement grâce à sa force de caractère (et peut-être un petit peu grâce à la chirurgie aussi). Lawes, un ancien parmi la jeune garde anglaise, n'est en pleine forme que depuis quelques semaines, et c'est une chance pour l'Angleterre qu'il soit de retour à son meilleur niveau.

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