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Des créationnistes ont construit une réplique de l’arche de Noé

On y trouve des dinosaures, des discours pseudo-scientifiques absurdes et surtout, du Wi-Fi.

La réplique grandeur nature de l'arche de Noé qui a ouvert récemment à Williamstown, dans le Kentucky, étend ses 11148 mètres carrés de bizarrerie en plein air. Située à 45 minutes de son attraction touristique jumelle, Le Musée de la Création, l'Arche se présente comme une « attraction historique unique en son genre. » Évidemment, son but principal est de mêler étroitement histoire biblique et histoire évolutive afin de convaincre le grand public de l'inanité de la théorie de l'évolution.

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Le groupe de chrétiens fondamentalistes qui se cache derrière cette attraction s'appelle Answers in Genesis, ou AiG, et est dirigée par Ken Ham (le créationniste d'origine australienne qui a débattu avec le célèbre vulgarisateur Bill Nye en 2014). Au cœur des croyances de l'AiG, une lecture littéraliste du livre de la Genèse : le monde aurait été créé par Dieu en six jours, la Terre n'aurait que 6 000 ans à peine, et les humains auraient coexisté avec les dinosaures pendant des milliers d'années. L'AiG refuse absolument d'aborder ce texte sacré sous l'angle de la parabole et de la métaphore. Pour ces partisans du créationnisme Jeune-Terre, le récit de la Genèse est un récit historique. Dieu aurait vraiment demandé à Noé de construire un bateau, et le déluge aurait vraiment exterminé toute créature terrestre. Heureusement, la réplique contemporaine de l'arche a vu le jour dans des conditions un peu plus clémentes, et peut se permettre d'arborer un système de climatisation, le Wi-Fi, et un restaurant de 1 500 places qui sert de la nourriture de qualité, option sans gluten.

Image: Eric Allen Been.

Ken Ham attend la visite de plus de 2 millions de personnes cette année. Cependant, lorsque j'ai visité l'arche, le lieu était fréquenté mais loin d'être bondé (les enfants, la principale cible de AiG, étaient en grande majorité). La taille du bateau, de 155 m de long, 26 m de large et 25 m de haut est certes impressionnante. Le premier étage de la structure (l'un des trois ponts) est consacré à des explications détaillées sur la manière dont les espèces animales ont été logées et nourries sur l'arche. Et, chose surprenante, elles tentent de répondre aux arguments de ceux qui voient dans l'arche une gigantesque absurdité logistique.

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Selon la Bible, Dieu a demandé à Noé de prendre avec lui deux spécimens mâle et femelle de chaque espèce animale, dont sept paires d'animaux volants et d'animaux « purs » (que l'on peut consommer). Pour montrer que cette demande est tout à fait réaliste, l'exposition prend le soin de distinguer entre les « espèces animales » et « les autres espèces. » Les différentes pancartes expliquent que la notion d'espèce correspond à un « système moderne de classification, » tandis que le terme « espèce » biblique aurait un sens beaucoup plus large. En d'autres mots, Noah aurait apporté avec lui tous les parents des animaux qui existent actuellement, et non pas seulement une poignée de couples de mammifères et d'oiseaux : « L'estimation du nombre d'animaux sur l'Arche dépend de plusieurs facteurs. Il faut sans doute écarter les animaux qui ne sont que des variations d'un type animal. Cela signifie que les coyotes, les loups, les dingos, et les chiens domestiques peuvent être confondus et regroupés dans la même catégorie. Noé avait largement assez d'un couple de chiens sur l'Arche, » explique une affiche.

La théorie de l'évolution, quant à elle, subit le même genre de forçage théorique. Sur une pancarte intitulée « un regard intelligent sur l'homme ancien, » on peut lire : « L'histoire naturelle représente généralement l'homme des origines comme une homme des cavernes primitif, qui serait par la suite devenu un chasseur-cueilleur, puis un fermier après la 'révolution néolithique'. Finalement, l'espèce humaine serait devenue assez sophistiquée pour construire des villes. » Le paragraphe suivant règle la question. « Une fois encore, le récit biblique rend beaucoup mieux compte de ce que nous avons observé. L'homme des cavernes, le chasseur-cueilleur, et le bâtisseur de villes ont tous existé, cela ne fait aucun doute. Cependant, ils ont existé à la même époque. D'ailleurs, tous ces types humains existent encore dans le monde d'aujourd'hui, sous forme de communautés distinctes. »

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Image: Eric Allen Been.

Tout en lisant ce magnifique argumentaire, je me suis tournée vers une visiteuse, une maman aux cheveux blond platine accompagnée de son fils qu'elle promenait en poussette. Je lui ai demandé si elle était convaincue par l'exposition. « Si Ken Ham le dit, c'est que c'est vrai ! J'ai vu des documentaires du National Geographic qui montrent des indigènes qui ressemblent à des hommes des cavernes. C'est cohérent. »

D'autres parties de l'exposition remettent en question le changement climatique, les théories évolutionnistes sur l'origine des langues humaines, ou encore la formation du Grand Canyon. Certaines expliquent en détail pourquoi Dieu est en faveur de la peine capitale, ou pourquoi il est stupide de penser que les extraterrestres ont créé des structures monumentales comme les grandes pyramides du plateau de Gizeh. Enfin, en tant qu'objet culturel, l'arche elle-même suggère que le monde actuel est aussi décadent et corrompu qu'il l'était avant le déluge.

AiG ne craint pas vraiment d'être grotesque. Au sein de l'arche, une peinture murale représente la colère de Dieu qui s'abat sur les êtres vivants, tandis que, au milieu du carnage, une jeune fille s'apprêtant à être dévorée par un requin sanguinaire prend une posture pensive. Les voies de Dieu sont impénétrables, n'est-ce pas.

En sortant du bus qui fait la navette jusqu'à l'arche, deux familles et un homme d'âge moyen ont commencé à discuter du projet de pèlerinage annoncé par AiG qui viendra ajouter une touche « historique » à l'ensemble. AiG espère également installer une cité fortifiée pré-déluge sur le site, une Tour de Babel, un village du premier siècle, une reconstitution biblique de l'histoire d'Abraham et de l'Exode, une volière, un zoo, et d'autres attractions susceptibles d'incarner la parole divine. » Je suis intervenu dans la conversation en leur demandant ce qu'ils pensaient de l'investissement massif qu'a nécessité la construction de l'arche (91 millions de dollars jusqu'ici, 150 millions de dollars pour les nouveaux projets). L'homme m'a répliqué en riant : « Allons, cette exposition explique l'univers dans son ensemble. Elle ne coûtera jamais trop cher. »