Avec « Dream Songs », Devon Welsh veut votre bien
Photo par Dominic Berthiaume

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Culture

Avec « Dream Songs », Devon Welsh veut votre bien

L’ex-membre de Majical Cloudz n’a plus envie de déstabiliser son public, il veut maintenant le réconforter.

En mars 2016, Majical Cloudz créait la surprise. Dans une lettre signée par Devon Welsh, le duo annonçait sa séparation, mais laissait planer une lueur d’espoir. Heureusement, les deux membres du groupe continuent à faire de la musique, chacun de son bord : Matthew Otto avec The Dahlia et Devon Welsh avec un projet solo sous son nom.

De retour avec un premier album, Dream Songs, nous retrouvons avec plaisir la voix fragile et singulière de Devon Welsh là où il l’avait laissée avec Majical Cloudz. Portées par la réalisation d’Austin Tufts (Braids), les pièces de cette offrande délaissent majoritairement les claviers et les boîtes à rythmes pour la guitare, le piano et le violon. En résulte un album pop de chambre où les compositions et les arrangements déploient la charge émotionnelle et la puissance de la voix du chanteur.

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Je me suis entretenu avec Devon Welsh à l’Espace Pop quelques minutes avant l’écoute publique de son disque paru le jour même. Plusieurs questions me trottaient dans la tête, dont ses impressions de la troisième saison de Twin Peaks (son père incarnait Windom Earle dans la saison 2), mais j’ai préféré parler de l’essentiel : la musique. L’air désemparé, il arrive une heure en retard à notre rendez-vous.

VICE : Ça va? On avait presque peur que tu n’arrives pas à temps pour l’écoute de ton premier album solo.

Devon Welsh : Oui, c’est une de ces journées où tu planifies trop de choses dans un même après-midi, puis tu manques de temps, tu réalises au fur et à mesure que la journée avance que tu manques de temps et que tu ne peux rien y faire. Là, j’essaye de relaxer [il prend une grande respiration].

Tu n’as pas perdu beaucoup de temps entre la sortie du dernier EP de Majical Cloudz et celle de ton album solo. Est-ce que tu le préparais depuis longtemps?

C’est drôle que tu dises que ça n’a pas pris de temps, car, pour moi, on dirait qu’il s’est passé mille choses depuis la sortie du EP Wait & See. J’écris toujours et j’avais déjà quelques nouveaux morceaux en branle depuis un moment. Je savais déjà que ces chansons ne se retrouveraient pas sur un album de Majical Cloudz, puisque Matthew et moi, nous nous étions déjà entendus sur la fin de notre collaboration. J’ai juste continué de les peaufiner sans savoir que ce serait pour un album de Devon Welsh. Ça s’est fait de manière assez naturelle.

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Est-ce que tu comptes faire autant de tournées avec ce disque?

Probablement pas, en fait je ne sais pas vraiment. Je vais tourner en septembre et octobre au Canada et aux États-Unis, et je verrai avec la réception. Si ça fait du sens, je tournerai plus. Autrement, je vais juste continuer d’écrire de la nouvelle musique. C’est difficile de savoir comment un nouveau projet sera reçu, c’est vraiment le public qui va décider de mon sort. Je n’aime pas particulièrement tourner sur de longues durées, probablement comme tout le monde, mais j’aime jouer là où il y a des gens qui veulent me voir performer.

Tu vas faire la tournée seul? Quelles sont tes appréhensions face à ça?

Heureusement, un guitariste et un claviériste m’accompagnent pour la prochaine tournée. J’ai déjà fait une tournée de cinq semaines seul en Europe en première partie de Zola Jesus. C’était intéressant, c’était… [silence] difficile. Je chantais sur des boucles mises en banque sur une pédale, il n’y avait rien d’autre pour m’accompagner. Je pesais sur Play et je me mettais à chanter. Quand c’était fini, je faisais un fondu en sortie. Il n’y avait aucune émotion forte, parfois ça fonctionnait, d’autres fois c’était vraiment plus difficile. Les foules ont généralement des attentes envers un artiste qui performe sur scène. Certaines d’entre elles ont besoin de quelque chose d’immersif, et je sens que mes performances en solo ne répondaient pas toujours à ça. Les prestations pouvaient devenir vraiment weird au point où je sentais un malaise entre la foule et moi.

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Photo par Dominic Berthiaume

Parlant d’attentes, Majical Cloudz a eu un gros buzz médiatique en étant finaliste pour le prix Polaris en plus d’avoir fait partie du top 10 de l’année chez Pitchfork. Est-ce qu’en sortant ce disque solo tu ressens la peur de ne pas être la hauteur?

C’est sûr que personne ne veut entendre les gens dire que c’était mieux avant, mais il ne faut pas s’en faire avec ça. Si les gens ont aimé ce que j’ai fait dans le passé, c’est génial. Si ces gens n’aiment pas mon nouveau disque, c’est correct aussi, le voyage continue et j’écrirai d’autres chansons. Recevoir la reconnaissance de la critique et du public qu’une seule fois, c’est déjà mieux que jamais. Au final, ce qui compte, c’est faire paraître un album en lequel je crois et qui vaut la peine d’être écouté.

Majical Cloudz t’a amené à travailler avec de grosses pointures de l’industrie de la musique comme Arts & Crafts et Matador, pourquoi avoir pris la décision de sortir cet album indépendamment?

La réponse courte est que je suis un peu fou.

Et la longue?

Je ne peux pas parler de l’expérience des autres, mais la mienne est bizarre selon ce que ça représente pour moi de sortir un disque. Premièrement, je ressentais beaucoup de pression par rapport à ces gens qui « pariaient » sur moi. Quand une maison de disque sort ton album, ils parient sur toi, ils prennent un risque. Ce risque est relié à l’argent et il y en a beaucoup investi dans la mise en marché d’un disque. Tu te fais donner une avance monétaire, ils font en sorte que ton album se retrouve partout, ce qui est très cool. Mais le fait que je représentais surtout un pari financier à leurs yeux me rendait inconfortable. Deuxièmement, travailler avec ces grosses équipes créait aussi une couche entre quiconque était intéressé par ma musique et moi. Je pense que j’ai toujours voulu avoir un projet où je suis disponible, plus authentique, que je n’ai pas à me cacher derrière un personnage. Juste être là, moi, Devon Welsh. Je ne veux pas qu’il y ait d’entremetteurs travaillant dans un bureau de Manhattan entre les gens intéressés et moi, ça ne tient pas avec l’idée de ce que je veux que ma musique soit. Si quelqu’un me demande une de mes chansons pour son spectacle de danse, je veux lui répondre qu’il peut l’utiliser. Je ne veux pas qu’il demande à un avocat qui n’a aucune idée de qui je suis et ce que je pense.

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Tu as mentionné que cet album représente ce qui s’est passé dans ta vie au cours des deux dernières années, est-ce qu’il a quelque chose de majeur qui t’est arrivé?

Pas vraiment, c’est surtout des trucs intérieurs, rien de rocambolesque. De la manière que je le vois, chaque album représente une période de ma vie. Les chansons parlent des expériences que j’ai vécues pendant le processus de création de l’album.

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Et est-ce que le fait de vieillir change ta manière d’écrire?

Totalement, vieillir change tout à propos de tout le monde en fait. Ça change tout à propos de moi aussi. La manière et la raison d’écrire des chansons changent. Le sujet, ce dont j’ai envie de parler, change. Je ne peux pas exactement dire quels sont ces changements, mais je sais que c’est différent. En fait, c’est compliqué. C’est sûr que j’écris pour faire sortir quelque chose qui est en moi, tout comme quand j’étais adolescent. Écrire quelque chose que je ne pouvais exprimer avant de l’avoir mis sur papier. Une fois que c’est écrit, c’est comme le mettre dans une boîte, ça ne te dérange plus après. Tu laisses les autres vivre avec. Ça me permet de ne plus être pris avec moi-même. Je sens que certaines personnes peuvent comprendre ce que je pense dans mes chansons, et ça me fait me sentir mieux, plus connecté avec eux. En vieillissant, la manière de voir le monde, à travers des émotions spécifiques à une période de la vie, est différente. Tout est différent.

Et pour cet album solo, quelles étaient les émotions spécifiques?

Dans By The Daylight et Chances, c’était un sentiment d’espoir, mais aussi un sentiment d’amour. Un amour non romantique des gens, des amis, de la famille, etc. C’est difficile à expliquer, ce n’est pas un album sur la positivité, mais l’émotion est positive, les intentions sont bonnes. Il y a des chansons qui parlent de douleur, mais dans une optique de guérison. Au début de Majical Cloudz, j’écrivais un peu pour choquer les gens, pour les rendre inconfortables, les déstabiliser. Avec cet album, c’est le contraire, je veux conforter les gens.

Devon Welsh sera en spectacle le 26 septembre au Théâtre Rialto à Montréal dans le cadre du festival Pop Montréal.