terrorisme

L’organisation État islamique n’est pas vaincue, elle se déplace ailleurs

Au Sri Lanka, par exemple.
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Le président sri-lankais Maithripala Sirisena (2e à gauche) visite l'église Saint-Sébastien après les multiples attentats terroristes perpétrés à Negombo, Sri Lanka, les 23 et 29 avril 2019. (Photo publiée avec l'aimbale autorisation du Bureau présidentiel du Sri Lanka/Handout/Anadolu Agency/Getty Images)

Le gouvernement sri-lankais a pris de court les experts en terrorisme lorsqu'il a imputé la responsabilité des attentats terroristes du dimanche 21 avril 2019, qui ont fait plus de 300 morts, à un groupe extrémiste peu connu et assez décousu : le National Thowheed Jamath.

Mardi 23 avril, le groupe État islamique a apporté quelques éclaircissements en revendiquant la responsabilité de l'attentat. Par l'intermédiaire d'Amaq, son organe de propagande, le groupe terroriste a publié des photos et des vidéos de huit militants présumés responsables des attentats, et a même fourni des alias à certains d'entre eux, affirmant que ces hommes étaient des « combattants de l'État islamique ».

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Ces affirmations n'ont pas encore été corroborées par les services de renseignements, mais elles semblent confirmer ce que craignent de nombreux experts : la série d'attentats à la bombe survenue dimanche 21 avril était trop complexe pour qu'un groupe local ayant peu d'antécédents d'attentats meurtriers y parvienne seul et nécessitait probablement l'implication d'une organisation étrangère.

« Cela semble trop sophistiqué – toutes les bombes ont explosé au moment où elles devaient exploser – il doit y avoir un réseau plus large en jeu ici », estime Colin P. Clarke, chercheur principal au Soufan Center et auteur du livre After the Caliphate.

Les cibles de l'attaque du dimanche 21 avril – des églises et des hôtels fréquentés par les chrétiens et les touristes – correspondent également au mode opératoire du groupe, selon les experts, et font écho à une attaque de 2016 contre une boulangerie au Bangladesh.

« Le fait de s'attaquer aux Occidentaux, c'est-à-dire aux touristes et aux églises occidentales, est typique de l’organisation État islamique », déclare Robert Pape, professeur à l'université de Chicago et directeur du Chicago Project on Security and Threats.

Après le califat

Bien que le groupe ait été vaincu militairement et privé de territoire en Syrie et en Irak, les experts affirment qu’il a toujours la capacité de soutenir des actes de terrorisme ailleurs et pourrait être d’autant plus motivé à le faire, en particulier à court terme, pour rester pertinent. Et si ses revendications s'avèrent crédibles, alors l'attaque du 21 avril laisse présager ce que les experts désignent comme étant, à l’avenir, son nouveau modèle opératoire.

« Durant cette phase post-califat, le groupe va opérer en tant que réseau, apportant un soutien logistique et une infrastructure militante aux groupes locaux afin de mener à bien ces attaques, poursuit Clarke. Où ça ? Précisément dans des endroit comme le Sri Lanka. Ce n'est pas un État en déliquescence, mais c'est un État faible, et c'est aussi un État qui a souffert de trois décennies de guerre civile et de violence ethnique, donc c'est un pays inondé d'armes, d'explosifs et de munitions. »

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« Durant cette phase post-califat, le groupe va opérer en tant que réseau, apportant un soutien logistique et une infrastructure militante aux groupes locaux afin de mener à bien ces attaques »

Bruce Hoffman, analyste politique spécialisé dans l'étude du terrorisme et du contre-terrorisme, écrit dans Cipher Brief que les activités récentes du groupe en Afghanistan, en Arabie saoudite et en République démocratique du Congo (RDC) suscitent beaucoup d’inquiétudes.

« L’organisation État islamique est invaincue par ses défaites sur le champ de bataille et par la perte de son califat, écrit Hoffman. Comme le montre sa récente apparition en RDC, sa vitalité continue est évidente, de même que son intention de poursuivre ses campagnes terroristes de manière opportuniste et d'étendre son idéologie malveillante à tous les endroits possible. »

« Les horribles attentats perpétrés dimanche 21 avril contre des églises et des hôtels au Sri Lanka pourraient être une autre manifestation de cet opportunisme », ajoute Hoffman.

Des combattants dispersés

Le timing des attaques de dimanche 21 avril fait également réagir, puisqu'il survient quelques semaines avant le ramadan, le mois sacré du jeûne que le groupe a jugé, de façon perverse, comme étant le moment idéal pour multiplier ses attaques.

Les enquêteurs sri-lankais doivent encore déterminer les origines de l'attaque, mais les preuves récoltées jusqu'à présent n'ont pas donné une image positive des forces de sécurité du pays. Le gouvernement sri-lankais avait déjà été averti que des terroristes islamiques prévoyaient d'attaquer des églises au début du mois, selon le New York Times.

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Selon CNN, les autorités indiennes avaient transmis des renseignements spécifiques au Sri Lanka au sujet d'une attaque imminente après avoir interrogé un homme qui prétendait avoir formé l'un des terroristes impliqués dans les attentats. L'homme, Zahran Hashim, a été identifié dans une vidéo des attaquants présumés publiée mardi 23 avril par le groupe terroriste.

Les autorités ont arrêté au moins 40 personnes dans le cadre des attentats du 21 avril – tous des Sri Lankais de la région, a déclaré le Premier ministre Ranil Wickremesinghe mardi 23 avril.

Les observateurs du terrorisme cherchent maintenant très attentivement à savoir si des combattants étrangers sont impliqués ou non.

« Maintenant que l'organisation État islamique a été vaincue en tant qu'entité territoriale, beaucoup de ses combattants quittent l'Irak et la Syrie. Bon nombre d'entre eux retournent dans leurs foyers d'origine, a déclaré Pape de l'Université de Chicago. Nous avons démantelé un gigantesque camp d'entraînement terroriste qui comptait 20 000 à 30 000 combattants, dont la moitié venait de pays du monde entier, et voilà que nous ne savons plus où ils sont. »

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