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Le long de la frontière hongroise, les migrants vivent cachés dans la forêt

Des petits groupes de demandeurs d'asile se cachent dans les forêts du nord de la Serbie en espérant passer la frontière et voyager ensuite dans l'Union européenne.
Photo d'Edward Crawford/VICE News

Conséquences directes du féroce discours anti-migrants, la construction d'un second mur en mars et l'installation de détecteurs de mouvements ont découragé beaucoup de demandeurs d'asile de pénétrer en Hongrie. Mais quelques migrants restent prêts à tout.

Des petits groupes de demandeurs d'asile, la plupart venant du Moyen-Orient, se cachent dans les forêts du nord de la Serbie en espérant passer la frontière hongroise et voyager ensuite dans l'Union européenne. En février, des milliers d'entre eux se sont rassemblés dans l'espoir de leurrer la police et accomplir leurs rêves en atteignant l'Europe de l'ouest. La plupart d'entre eux ont maintenant admis leur défaite – de peur de se faire emprisonner dans des camps et de se faire battre violemment.

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Les frontières croates et roumaines sont désormais vues comme les seuls points d'entrée dans l'Union européenne viables, et des dizaines de camps de fortune ont germé le long de la frontière, notamment à Šid, près de la frontière entre la Croatie et l'ouest de la Serbie. Mais sur la frontière hongroise, près de la ville de Subotica, environ 50 demandeurs d'asile errants attendent désespérément l'ouverture.

Ces quelques migrants, terrés dans les profondeurs des bois alentours, sont difficiles à trouver. Derrière une usine désaffectée de la banlieue de Subotica, un chemin boueux près d'une voie ferrée mène aux bois, entre des champs tout juste semés et une forêt dense. Quand VICE News a visité l'endroit début avril, des marques de consommation de nourriture nous ont mené directement aux quelques migrants cachés dans le coin.

Dans les forêts près de la frontière Serbo-Hongroise, les réfugiés du Pakistan et de l'Afghanistan jouent aux cartes pour passer le temps. Crédit - Edward Crawford.

Le printemps amène l'espoir – le groupe n'a plus besoin de lutter contre les températures glaciales de l'hiver, mais ils subissent toujours les vents violents et quelques pluies diluviennes.

Abrités sous les arbres, quelques migrants pakistanais jouent aux cartes autour d'un feu. Deux tentes, masquant un carré de couvertures utilisées pour délimiter cuisine et salon, volent désespérément au vent.

« Avant nous habitions dans les casernes de Belgrade, puis nous sommes venus ici pour essayer de passer la frontière hongroise. Les choses sont différentes maintenant », expliquent Anam et Bisma, deux demandeurs d'asile pakistanais. « On est ici depuis trois mois et certains ont réussi à passer. Mais depuis trois, quatre semaines, c'est impossible. »

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La conversation tourne autour de la présumée cruauté des gardes-frontières hongrois. « Il neigeait énormément la dernière fois que nous avons essayé. Nous avons passé la frontière et marché environ 10 kilomètres en Hongrie. Puis nous avons vu la lumière des voitures de police. Dans une vaste plaine neigeuse, nous étions coincés. Que pouvait-on faire ? Ils pouvaient nous attraper même si l'on courait. Nous étions 40. La police nous a tous alignés, puis demandés de nous retourner pour nous frapper les jambes, les bras et le ventre. »

Un groupe de réfugiés pakistanais se cache dans les forêts du nord de la Serbie, en attendant de tenter de passer la frontière hongroise. Crédit - Edward Crawford.

« Après deux ou trois heures de passage à tabac, ils nous ont reconduits à la frontière, puis dégagés à coups de pied en criant « Allez, barrez-vous ! » et d'autres insultes dans leur langue », poursuivent Anam et Bisma. « Notre groupe a eu de la chance. J'ai vu un ami d'un autre groupe se faire battre par les Hongrois, asperger d'eau et voler d'une chaussure. Imaginez le revenir seul, blessé et avec une seule chaussure dans la neige ».

Les histoires d'Anam et Bisma étaient similaires à celles d'autres migrants avec qui VICE News a pu discuter. Ces récits d'abus et de cruauté se sont répandus en Serbie, intimidant nombre de demandeurs d'asile près de la frontière hongroise. Humans Right Watch et d'autres ONG ont prouvé plusieurs cas de brutalité attribués à des gardes-frontières hongrois envers des réfugiés, même si les autorités ont officiellement rejeté ces accusations.

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Les migrants ont assuré avoir quitté le Pakistan en raison des problèmes de terrorisme, corruption, chômage et non-respect des droits de l'homme.

La question la plus posée par les migrants avec qui VICE News a pu échanger était : « Quand est-ce que les frontières vont ouvrir ? ».

Il y a actuellement environ 8 000 demandeurs d'asile en Serbie. On en attend plus dans les prochains mois. En avril, la police serbe a rassemblé des milliers de migrants non-enregistrés le long des frontières et les a placés dans des camps. Mais vu la lenteur du processus de demande d'asile – pouvant durer des mois voire des années – plusieurs ont placé leurs espoirs ailleurs, notamment en essayant d'entrer illégalement en Italie.

« Une fois que nous serons en Italie, nous obtiendrons les papiers sans problème. Personne ne peut nous ramener en Bulgarie. Nous pourrons rester en Italie, et après quelques années, partir où l'on veut ».

Un Pakistanais attend sur la voie de chemin de fer menant en Hongrie. Deux jours avant, il a embarqué sur un container de cargo et a réussi à passer la frontière. Crédit - Edward Crawford.

La voyage de l'Italie à la Serbie est semé d'embûches. Se cacher dans des containers à bord de trains et sous des camions s'avère très dangereux. Beaucoup de migrants sont morts écrasés – encore récemment, deux personnes ont été électrocutées en essayant de grimper sur des trains en marche. Même s'ils parviennent à Zagreb, la capitale croate, il n'est pas assuré qu'ils atteignent l'Italie.

« Nous ne ferons pas marche arrière, nous ne vivrons pas en Serbie ou en Bulgarie. Nous continuerons d'essayer de passer et inch'allah, un jour je serai en Allemagne, en France, voire même en Belgique. »

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Les frontières peuvent êtres renforcées, les barrières plus hautes, les forces de sécurité plus agressives, rien ne parviendra à arrêter le flot de demandeurs d'asile essayant d'atteindre l'Union européenne. Le migrant moyen, originaire du Pakistan ou de l'Afghanistan, affirme avoir investi autour de 10 000 euros pour atteindre la Serbie et refuse de remettre en question son rêve européen.

Dans une Europe de plus en plus divisée, aucune solution à la crise des migrants ne semble émerger. La seule constante, c'est l'arrivée cet été de milliers de réfugiés supplémentaires, frappant à la porte de l'Europe dans l'espoir d'obtenir l'asile dans un pays occidental. Les bois de la frontière hongroise ne sont pas prêts de désemplir.


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