J'ai mangé du poulet aromatisé « à la transpi »
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J'ai mangé du poulet aromatisé « à la transpi »

Spoiler : ça vient du Japon et le goût est aussi étrange que le concept.

Alors que les États-Unis s'enflamment à chaque apparition d'une nouvelle forme de protéine – ou d'un menu spécial Taco Bell – le reste de la planète doit se contenter de l'imagination plus ou moins tordue des fast-foods locaux.

Analysant avec soin les émotions et les profils de saveur préférés des consommateurs, les chaînes du monde entier ont proposé au cours des dernières années des offres régionales aux recettes assez surprenantes : burger au Nutella pour les McDo d'Italie, donuts saveur « porc et algue » pour les Dunkin' Donuts chinois ou pâte suintant les œufs de poisson pour les Pizza Hut de Hong Kong.

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Bien que les créations susmentionnées puissent paraître déconcertantes à l'œil du profane, elles présentent des éléments « consommables ». Tenka Torimasu, un fast-food japonais spécialisé dans le poulet, s'est lui totalement affranchit des règles culinaires. La chaîne a lancé un produit promo qui défie aussi bien les lois humaines que divines : du poulet goût « transpiration de fille ».

À la base, Tenka Torimasu est spécialisé dans le karaage, une technique de cuisine japonaise où le poulet est frit dans un bain d'huile puis assorti d'une gamme de sauces qui va de la mayo-wasabi à la sauce aux prunes. Leur dernière innovation s'aventure sur des territoires encore inexplorés puisqu'ils ont essayé de capter l'essence complexe de la transpiration féminine tout en gardant (on croise les doigts) un mets savoureux.

Et on ne parle pas de quelques gouttes de sueur récoltées dans la chaleur moite du métro tokyoïte en plein mois de juillet. Tenka Torimasu a passé un accord avec un célèbre groupe de J-pop, les Kamen Joshi, pour reproduire une saveur que seules les stars de la chanson maîtrisent.

Les Kamen Joshi – que l'on peut traduire par « filles masquées » - sont composées de trois groupes chantant, dansant et portant des variations du traditionnel casque de hockey de Jason Voorhees. Elles singent un peu Babymetal, autre groupe de la J-pop, avec des vocalises rauques et des riffs métal qui pimentent des titres plutôt kawaii – dont le plus célèbre reste incontestablement Genkidane.

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Depuis que Genkidane a caracolé en tête des ventes en 2015, les filles ont eu recours à des gimmicks tapageurs pour rester au sommet. Elles ont également réalisé un tuto sur le thème « Comment finir topless rapidement ? », ont tenté de capter l'attention de la fanbase de Donald Trump un poil « otaku » avec une vidéo Make America Great Again pour finalement vendre leurs fluides corporels afin d'aromatiser de la bouffe.

Une des leaders du groupe, Anna Tachibana, a fait une déclaration à peine surjouée concernant le nouveau produit : « Wow ! Avoir le privilège de goûter à la saveur rafraîchissante de la transpiration d'une idole, c'est vraiment le karaage dont vous rêviez ! Ce genre de prouesses n'est possible que grâce à l'incroyable collaboration entre les Kamen Joshi et Tenka Torimasu. N'attendez plus et courez essayer le nouveau karaage saveur transpiration de filles !!! »

Que les choses soient bien claires, je n'ai jamais vraiment fantasmé sur la transpiration des nanas ou même sur le poulet en général. Ce sont surtout ma curiosité morbide et ma soif journalistique qui m'ont poussé à me déplacer dans un Tenka Torimasu pour essayer cette volaille aux effluves particuliers. Si ce n'est pour moi, que ça serve au moins de mise en garde aux autres.

j'ai réalisé que ce n'était pas la première fois que je faisais une expérience gustative avec la transpi en toile de fond. Une des boissons les plus vendues au Japon s'appelle le Pocari Sweat.

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Je me suis donc mis en route vers le quartier étudiant d'Ikebukoro et me suis retrouvé face à un Tenka Torimasu qui donnait l'impression d'avoir ouvert juste pour subvenir aux besoins de la pause dej' de la foule. C'était vraiment gênant de commander ce plat à la transpi.

J'ai supplié du regard l'unique employé du restau de bien remarquer mon appareil photo de pro – histoire qu'il comprenne que j'étais ici en tant qu'homme de science et pas un vulgaire wota fétichiste. Plus crevé que critique, le caissier a mécaniquement reçu mon argent (un peu moins de 4 euros) et s'en est allé préparer ma pitance.

Alors qu'il cuisinait, j'ai réalisé que ce n'était pas la première fois que je faisais une expérience gustative avec la transpi comme toile de fond. Une des boissons les plus vendues au Japon s'appelle le Pocari Sweat (littéralement « transpi de Pocari ») et il s'avère que j'ai eu recours à ce breuvage à plusieurs reprises pendant les journées chaudes et humides – notamment parce que le distributeur d'eau était en rade.

Son nom a beau être un peu déstabilisant, la boisson a un goût agréable de pamplemousse et de Gatorade. Les Japonais ne sont donc pas du tout gênés par le concept abstrait (et parfois moins) d'ingurgiter de la sueur. Après tout, aussi bizarre que puisse me sembler ce poulet, il est peut-être parfaitement calibré pour devenir une tendance culinaire.

Ma commande est prête rapidement et la présentation a bien dû mal à dissiper mes doutes. Servis dans une coupe, les morceaux de viande orange sont recouverts d'une sauce opaque légèrement jaune qui ressemblait moins à un condiment qu'à un truc qu'on pourrait voir sur Doctissimo.

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Je prends une bouchée. Et ce n'est pas la plus agréable. Le fameux bouquet aux saveurs sucrées, aigres-douces, salées et fromagères promis dans les campagnes promotionnelles arrive par vagues. L'umami du poulet recouvre l'ensemble comme un sous-vêtement de sport pourrait le faire.

Peut-être que le meilleur moyen de décrire la saveur « transpiration » que les scientifiques fous de chez Tenka Torimasu ont mis au point est de faire appel à Harry Potter. Dans l'univers du sorcier, les étudiants de Poudlard mangent parfois les bonbons surprises de Bertie Crochu ; des dragées normales et d'autres aux saveurs dégueu (vomi, savon, chaussettes sales, etc.)

Grâce à sa spécialité à la transpiration, Tenka Torimasu n'est pas loin de rattraper Jelly Belly dans ce délire et transporte le consommateur jusqu'au seuil de la nausée.

Jelly Belly, un fabricant de bonbons bien réel, a lancé la production de ces fameuses dragées surprises au moment de la sortie du premier film de la franchise. Les mecs de Jelly Belly qui ont bossé sur les saveurs ont abattu un travail colossal en élaborant des essences répugnantes – genre « cérumen » ou « pelouse » – tout en limitant leur présence dans le bonbon.

Grâce à sa spécialité à la transpiration, Tenka Torimasu n'est pas loin de rattraper Jelly Belly dans ce délire et transporte le consommateur jusqu'au seuil de la nausée – sans pour autant lui offrir un passeport pour la dégueule.

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J'ai réussi à finir la moitié de ma portion avant de m'arrêter. Alors que je balançais négligemment mes restes à la poubelle, je me demandais pour qui cette saveur avait été créée ? Du cuisinier complètement à l'ouest aux chanteuses qui n'auraient jamais pensé à un tel partenariat alors qu'elles apprenaient à chanter à l'école primaire, en passant par moi ou n'importe quelle personne lambda qui a le ventre vide, on dirait que tout le monde s'est fait avoir dans cette histoire.

Le Japon est-il un pays assez chelou pour faire de cette tendance une dynamique de marché rentable ? Combien de fans ce groupe a-t-il au juste ? Peut-être que ces questions resteront à jamais sans réponses.

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Quoi qu'il en soit, les innovations culinaires japonaises sont pleines de surprises. Et même si c'est un pays qui tolère plutôt bien que la transpiration côtoie la nourriture, je mets ma main à couper que le poulet Kamen Joshi ne sera pas un franc succès.

Les deux même. Au moins si je me trompe, j'aurais une excuse pour ne plus en manger.