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Des animaux sauvages transgéniques pour sauver la planète

Des espèces transgéniques pourraient permettre de réhabiliter les écosystèmes menacés par les activités humaines.

La Terre compte 8 millions d'espèces connues. Parmi elles, une seule gouverne au destin de toutes les autres. En créant des pressions écologiques comme la pollution, le braconnage, la destruction d'habitat naturel et le dérèglement climatique, les humains ont multiplié le taux de disparition naturel de leurs voisins par 1 000. Pour certains observateurs, l'anthropocène est le théâtre de la sixième extinction de masse de l'histoire de notre planète.

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Notre survie dépend profondément de la biodiversité. Les conséquences du carnage que nous perpétuons en ce moment-même finiront sans doute par nous rattraper. Si cela arrive, une chose est sûre : ce ne sera pas beau à voir. Heureusement, de nombreux scientifiques pensent que si nous avons eu les moyens techniques de nous mettre dans un tel pétrin, nous avons aussi les moyens techniques d'en sortir.

"Des cimes de l'atmosphère aux tréfonds des océans, nous avons eu un impact sur tout, m'a expliqué Jacquelyn Gill, paléoécologiste pour l'université du Maine, au cours d'une réunion de l'American Association for the Advancement of Science (AAAS). On peut trouver ça terrifiant, mais peut-être que ça nous permet de nous montrer un peu plus souples dans notre réflexion."

Image : Xavier Aaronson

Prêt à faire preuve de souplesse ? Imaginez des hybrides mammouth-éléphant, des coraux résistants à l'eau de Javel et toutes les "espèces du docteur Frankenstein" qui vous passent par la tête. L'idée qui se cache derrière ces êtres créés par une main humaine est parfois appelée "adaptation facilitée". Pour ses défenseurs, elle peut permettre de limiter l'impact environnemental humain, voire de l'annuler tout à fait : il suffit de bricoler les gènes des espèces menacées ! Ces organismes génétiquement modifiés seraient conçus pour revigorer les écosystèmes qui menacent de s'effondrer. Le génie génétique, la dé-extinction et la biologie synthétique au service de la vie sauvage.

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D'accord, tout ça ressemble un peu trop à Jurassic Park. Même les scientifiques qui ont imaginé cette perspective reconnaissent qu'elle comporte bon nombre de chausse-trappes éthiques et logistiques. La question de l'étendue des modifications génétiques auxquels les humains devraient pouvoir s'adonner est au centre d'un débat qui fait rage depuis que la structure de l'ADN a été découverte au milieu du XXe siècle.

Aujourd'hui, des technologies comme CRISPR rendent pressantes ces questions jadis hypothétiques. Des saumons génétiquement modifiés pour grandir deux fois plus vite que leurs cousins sauvages ont été mis en ventes pour la première fois au Canada en août dernier. En avril dernier, des moustiques transgéniques résistants aux maladies ont été relâchés en Floride pour lutter contre la propagation de Zika.

Ces projets mono-espèces sont aux avant-postes des projets de curation d'écosystème. Les conservationnistes sont prêts à exploiter leur potentiel pour renforcer artificiellement les défenses des populations animales vulnérables.

Contrairement à la dé-extinction qui milite pour la résurrection des espèces disparues, cette approche privilégie les adaptations proactives. En sa qualité d'experte de la paléoécologie des âges glaciaires, Jacquelyn Gill les oppose en comparant le projet de clonage du mammouth laineux, éteint depuis 4 000 ans, et le déploiement d'un hybride mammouth-éléphant dans le but de fortifier les toundras dont l'écosystème est menacé par le réchauffement climatique.

"Un éléphant mammouthé [sic] a plusieurs fonctions, explique-t-elle. Les éléphants meurent à un rythme alarmant à cause du braconnage et du marché de l'ivoire. Si vous pouvez ouvrir un habitat pour eux, loin des braconniers, c'est un plus pour les éléphants. Si vous pouvez lâcher des éléphants mammouthés dans la toundra pour la rendre plus résistante au dérèglement climatique, il y a des nombreux effets bénéfiques pour les autres espèces."

"Le changement du climat, et la manière dont il rejoint d'autres menaces, va finir par nous forcer à être super créatifs pour sauver certaines espèces, ajoute-t-elle. L'idée du gros animal comme rempart pour les animaux plus petits me plaît. Par contre, resusciter une espèce disparue au nom de la curiosité scientifique est une idée qui me plaît moins."

Dans une certaine mesure, l'humain s'est déjà essayé à la greffe de nouveaux animaux non-génétiquement modifiés dans des écosystèmes sauvages. Les loups nord-américains et les tigres de Sibérie sont des prédateurs-clés qui ont été réintroduits dans certaines de leurs zones d'habitat historiques. L'adaptation facilitée s'inspirerait de ces succès pour ajouter plus de diversité génétique dans les populations menacées, ce qui permettrait d'immuniser des espèces contre certaines maladies et d'adapter des écosystèmes pour les rendre résistants aux chaleurs extrêmes, à la sécheresse, aux inondations ou à toute autre conséquence du dérèglement climatique.

Les zones de vie sauvage du futur pourraient bien être remplies d'animaux sauvages dotés de génomes édités par les humains. C'est une perspective aussi fantastique qu'effrayante. Nous n'avons déjà que trop abimé la biodiversité globale. Le moins que nous puissions faire, c'est de penser à réparer nos erreurs.