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VICE News

Yaba, l’« amphète nazie » qui a fait son chemin jusqu’au Bangladesh

Ce mélange très addictif de méthamphétamine et de caféine inquiète les autorités du pays.

On la connaît en Asie comme « la drogue des déments », dans les pays occidentaux elle a pour nom l'« amphète nazie ». C'est un mélange très addictif de méthamphétamine et de caféine qui a été au départ développé par des scientifiques hitlériens. Le but était de garder les soldats en état de combattre pendant des jours. Aujourd'hui cette drogue, appelée aussi le Yaba, inquiète les autorités du Bangladesh, alors que la plus grosse saisie de cette drogue a été faite par la marine du pays.

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La cargaison contenait plus de 1,5 million de comprimés de Yaba. Elle a été saisie dans les premières heures de la matinée du 5 février dans un chalutier qui s'approchait du plus grand port maritime du Bangladesh, le port de Chittagong, ont indiqué les autorités le week-end dernier. La découverte, selon elles, souligne le fait que les trafiquants se tournent vers les voies maritimes et fluviales pour faire venir la drogue depuis son point de départ, la Birmanie. Les forces de l'ordre bangladaises verrouillent en effet les voies terrestres du trafic.

La saisie représente une valeur) totale d'environ 9,3 millions d'euros au prix de revente dans la rue. « D'après nos informations, c'est la plus grosse saisie de l'histoire du Bangladesh, » indique à VICE News Pranab Kumar Neogi, le chef des opérations du bureau antidrogue de Dacca.

Deux jours avant la saisie, le 4 février, une patrouille des garde-côtes bangladais (BGB) a saisi 50 000 comprimés de yaba, et arrêté huit Birmans non loin de la frontière entre le Bangladesh et la Birmanie, à Shahporir Dwip.

Le même jour, une unité anti contrebande, le bataillon d'action rapide (RAB), une force d'élite paramilitaire, a arrêté 12 marins) dans un bateau de pêche à moteur, non loin du port de Cox's Bazaar. À son bord on a trouvé 300 000 sachets.

Selon des sources de la marine du Bangladesh et des garde-côte, en 2014, 1,1 million de pastilles de Yaba, ont été saisies dans l'estuaire de Karnaphuli qui mène jusqu'au port de Chittagong.

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Le colonel Khalequzzaman, commandant du BGB du Cox's Bazar, a indiqué à VICE News qu'il y a quelques années les trafiquants de Yaba, utilisaient les routes terrestres qui suivent la rivière Naf, qui traverse la frontière avec la Birmanie, pour faire entrer la drogue.

« Une vigilance accrue des forces luttant contre la contrebande sur les routes terrestres fait que les trafiquants préfèrent aujourd'hui l'estuaire de Karnaphuli et la baie du Bengale » dit-il.

Des sources à la BGB disent que les trafiquants mettent à contribution des pêcheurs et des chalutiers pour faire passer leur cargaison.

Les cachets de yaba, une combinaison de méthamphétamine et de caféine, sont devenus très populaires au Bangladesh ces dix dernières années.

Les pilules, consommées par voie orale la plupart du temps, ou bien sniffées après avoir été pilées, euphorisent, donnent le sentiment d'être plus alerte, plus concentré, plein d'énergie. « Voilà pourquoi ça a beaucoup de succès chez une population jeune, notamment chez les étudiants qui en prennent avant leurs examens,» a dit à VICE News un ancien accro au yaba de Dacca.

Il explique que le yaba aide les étudiants à rester debout tout le jour après une nuit passée à bachoter avant un concours. « Mais après seulement quelques semaines de consommation régulière, n'importe qui peut devenir accro. » Le yaba a des effets secondaires désastreux. Comme la paranoïa, un comportement violent, et engendrer des psychoses.

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Saad Hammadi, un journaliste d'investigation basé à Dacca, nous a expliqué comment le yaba était devenu populaire au Bangladesh. Le tournant c'est 2006. Il nous raconte : « À l'époque, ceux qui en prenaient c'était les gens du show-biz, et les jeunes issus de familles riches. Ça les aidait à rester debout toute la nuit, ils ne se sentaient pas fatigués. La drogue était vendue dans les soirées de la haute entre invités. »

Il souligne le fait que ces dernières années la drogue a gagné en visibilité. « Le volume de yaba saisi par les forces de l'ordre montre combien la demande a augmenté. »

En octobre 2007, le RAB a lancé un assaut sur un entrepôt de Dacca, situé dans une zone diplomatique. On a trouvé 130 000 pastilles de yaba, et 5 000 de crystal meth. « C'était le plus gros butin saisi à ce moment-là. Clairement, on comprenait que le trafic allait se développer, vu le profil de ceux qui en étaient les parrains, » explique Hammadi.

Le plus gros du yaba est produit en Birmanie. Mais puisque la demande se fait plus importante, des labos se montent aussi au Bangladesh.

« En ce moment, il y a plusieurs labos qui produisent du yaba au Bangladesh, à Teknaf, » nous raconte un dealer qui habite à Cox's Bazar. Il pense que ces labos sont contrôlés par des notables locaux. Pour lui le yaba qu'ils produisent est « une version de moins bonne qualité des pilules Champa qui viennent de Birmanie. »

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Le Champa, de couleur rouge, est le type de yaba qui se vend le plus au Bangladesh.

Il raconte que les grossistes achètent du yaba Champa en vrac aux trafiquants. Ça se fait à Naikhongchhari, pas loin de la frontière avec la Birmanie. Il faut compter 60 centimes d'euro pour une pilule.

Dans la rue, le Champa birman ou bangladais est vendu à l'unité au consommateur pour à peu près 3, 50 euros la pilule.

Une autre variété venue de Birmanie c'est le R7D, qui coûte plus cher parce qu'il est de meilleure qualité. De couleur orange, il est vendu aux consommateurs de Dhaka et Chittagong près de 7 euros l'unité.

Les grossistes déplacent leur matos jusqu'à Cox's Bazar. À partir de là, ils l'acheminent jusqu'à Chittagong, puis dans d'autres coins du Bangladesh, dont la capitale, Dacca. « Souvent, les gros dealers de yaba usent de leur influence sur des officiers de police pour pouvoir faire passer leurs drogues d'un bout à l'autre du pays, » raconte un petit dealer.

Les trafiquants plus petits peuvent se servir du courrier pour faire passer les pilules via le courrier.

La demande en yaba, selon des sources locales, aurait explosé notamment en raison des habitudes de consommation des Bangladais.

« Beaucoup des toxs prennent 5 ou 10 pilules à la fois, » dit le dealer. Ceux qui sont vraiment très accros, peuvent prendre de 25 à 30 pilules d'un coup.

« Dans certains cas, des toxicomanes sont morts de crises cardiaques après avoir fait des overdoses de yaba, » raconte l'ancien accro à VICE News.

Neogi, le service de lutte contre les drogues explique que les profits générés par le trafic de yaba sont tels que la drogue continue à se répandre dans le Bangladesh, malgré les descentes de police ou les saisies.

Le colonel Khalequzzaman a dit à VICE News que les autorités bangladaises avaient à plusieurs reprises mentionné le problème aux autorités birmanes. « Ils veulent vraiment arrêter les trafiquants. Mais ceux-ci ont montré qu'ils pouvaient être particulièrement influents.