FYI.

This story is over 5 years old.

VICE News

Les jeunes Français continuent de se droguer au sirop contre la toux

L'Observatoire français des drogues et des toxicomanies indique que la consommation détournée de ces sirops « tend à augmenter sur les dix dernières années. »
Pierre Longeray
Paris, FR

MÀJ à 16h45 (12/7/2017) : Ce mercredi 12 juillet, le ministère de la Santé a déposé un arrêté ministériel pour que les médicaments à base de codéine ne soient délivrés que sur ordonnance. Tous les autres médicaments dérivés de l'opium sont aussi concernés par cette mesure. D'après les informations du journal Le Parisien, l'arrêté ministériel est à effet immédiat.


La consommation détournée de sirops contre la toux semble prendre de l'ampleur chez les jeunes français. Un an après une première alerte, l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) indique ce mardi que la consommation de ces médicaments – dont l'usage est détourné pour obtenir un cocktail lénifiant et dangereux pour la santé – « tend à augmenter sur les dix dernières années. »

Publicité

Ces sirops à base de codéine (un opiacé utilisé comme analgésique et antitussif) servent en effet de principal ingrédient au « purple drank », une boisson qui a vu le jour dans le sud des États-Unis dans les années 1990, et qui a été popularisée par des rappeurs américains. Le terme de « purple drank » aurait en revanche été délaissé par les jeunes Français pour lui préférer ceux de « Lean », « Codé », « Codé Sprite » ou « Cocktail bleu » (signalé à Marseille).

Dès mars 2016, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) diffusait une note de mise en garde, à destination des pharmaciens et médecins français, pour les alerter de l'usage détourné de ces médicaments. En effet, les conséquences des surdoses de codéine peuvent être dramatiques – deux jeunes sont décédés en 2017 suite à un abus de ces médicaments, rapporte l'ANSM.

À lire : De plus en plus de jeunes Français se défoncent au sirop contre la toux

Dans son rapport intitulé Les usages détournés de médicaments codéinés par les jeunes, l'OFDT dresse un portrait des consommateurs français de « lean » et tente de retracer leurs motivations.

Consommation lors des examens

La tranche d'âge du public de consommateurs court de 17 à 25 ans. Si certains collégiens s'intéressent à ce type de pratique, ils semblent moins à même d'en consommer que leurs ainés. « Le lean, c'est les 17 à 19 ans. Ils en ont entendu parler dans les chansons de hip hop, c'est plus les lycéens que les collégiens, » explique un observateur de Bordeaux, cité dans le rapport. Les consommateurs de « lean » ne consomment généralement pas d'autres drogues illicites, mis à part du cannabis et de l'alcool.

Publicité

Les usages recensés ont principalement lieu dans des soirées privées ou des fêtes étudiantes – principalement le week-end ou en fin de semaine. « Un jeune de 18-19 ans skateur, intégré, qui vit chez ses parents m'expliquait qu'il faisait ça en soirée privée avec ses potes, quasi toutes les semaines, apparemment, » témoigne un observateur de l'espace urbain de Lille.

Dans certaines villes, dont Lyon, l'usage détourné de sirops codéinés se fait aussi à l'occasion des examens – pour les partiels à l'université, ou à l'orée du baccalauréat pour les lycéens. « Des conseils s'échangent entre étudiants sur les spécialités à consommer pour se détendre avant les examens, » indique le rapport.

Pas besoin de s'adresser à un dealer

Les jeunes qui consomment ce type de sirops sont à la recherche de sensations semblables à celles procurées par le cannabis, mais plus accentuées. Certains citent l'impression de ressentir un ralentissement du rythme cardiaque. Les sensations sont aussi proches de celles qu'entraine la consommation d'alcool. Ceux qui ne boivent pas – notamment pour des raisons culturelles – se tournent donc parfois vers ce type de pratique.

L'attrait pour la codéine s'explique aussi pour deux autres raisons : son accessibilité et son faible coût. Pour se procurer ce type de produit, nul besoin de passer par un dealeur et le fait d'acheter le produit en pharmacie laisse croire aux jeunes qu'ils consomment un produit « sûr ».

L'OFDT prévient que la consommation de « lean » peut entrainer « une série de troubles sanitaires plus ou moins sévères ». À court terme, les consommateurs s'exposent à des troubles du sommeil, des démangeaisons, des problèmes de transit, mais aussi des crises convulsives généralisées. À long terme, une consommation régulière peut mener à une certaine accoutumance. En cas de surdose, des cas de dépression respiratoire peuvent être à craindre.