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Crime

Les députés malgaches veulent destituer leur président parce qu'ils le trouvent incompétent

Après un vote polémique, l’Assemblée nationale malgache se prononce pour la destitution du Président de la République, isolé politiquement, accusé d’être incompétent et d’avoir violé la constitution.
Photo par Kabir Dhanji/EPA

Mardi soir, l'Assemblée nationale malgache a voté la destitution du Président de la République, Hery Rajaonarimampianina. Ce vote, qui doit maintenant être validé par la Haute Cour constitutionnelle avant que la destitution puisse être effective, a déjà été contesté par le Président de la République et ses soutiens à l'Assemblée. « C'est un indice de l'instabilité permanente qui règne dans le pays, » estime l'universitaire et ancien ministre malgache André Rasolo, contacté par VICE News ce mercredi. « La crise politique se poursuit, » sur cette île de l'Océan indien, située à plusieurs centaines de kilomètres de l'Afrique.

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Selon les chiffres officiels, 121 députés sur 151 ont voté pour la destitution du Président Rajaonarimampianina, soit plus que la majorité des deux tiers (101 députés) nécessaire pour ce vote. Quatre députés ont voté contre et 26 n'ont pas voté.

Les députés qui souhaitent la destitution accusent le Président de ne pas respecter la Constitution et d'être globalement incompétent, rapporte l'AFP. La députée Christine Razanamahasoa aurait cité des cas de violation de la Constitution, comme l'ingérence dans les affaires de l'Assemblée nationale ou la menace de dissolution de celle-ci.

Dans une allocution à la télévision nationale, ce mercredi, le Président Rajaonarimampianina a déclaré qu'il avait refusé « d'accorder des avantages que les députés ne méritent pas suivant le contexte, notamment de leur accorder gratuitement des véhicules 4x4 ». Nous n'avons pas pu vérifier indépendamment que ces 4x4 avaient été effectivement demandés par les députés. Le président a contesté la régularité du vote sur sa destitution, en affirmant que seuls 80 députés étaient en séance ce jour-là. « Je me pose des questions sur le respect des procédures légales, sur le respect de la transparence. Il y a eu des suspicions de corruption, » a-t-il poursuivi. « Pendant dix-huit mois, je n'ai cessé de travailler d'arrache-pied, pour sortir le pays du trou où il était, du trou qu'on a creusé pendant cinq ans, et je dirais même pendant cinquante ans. »

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Selon l'universitaire et ancien ministre des transports (1996-1997) André Rasolo, désormais membre de la société civile malgache, « le manque de transparence de ce vote fait qu'il a de grandes chances de ne pas être validé par la Haute Cour Constitutionnelle. » Cependant, « la crédibilité du Président, et aussi celle du pays, a été atteinte, » estime-t-il. « Si certains reproches contre le Président sont fondés, d'autres relèvent de larges exagérations. »

André Rasolo explique que, selon lui, « le Président, qui ne dispose d'aucune base politique à l'Assemblée et dans les institutions locales, a dû ratisser large pour asseoir son pouvoir. »

Le problème essentiel, selon M. Rasolo n'est pas le Président mais le système politique dont il est issu, et qui génère une instabilité permanente. « La vie politique malgache est régie par environ 300 petits partis, ce qui fait qu'il n'y a aucune majorité déclarée à l'Assemblée, et aucune opposition non plus. » Dans le cas du vote de destitution, ce sont des partis rivaux qui se sont, en effet, alliés contre le Président. « Il faudrait refonder le système des partis pour les ramener à 4 ou 5, et ceux-ci doivent former les responsables politiques, » estime l'ancien ministre.

L'élection de Hery Rajaonarimampianina, ancien expert-comptable, en décembre 2013, avait été saluée comme un progrès démocratique et une opportunité pour mettre fin à la profonde crise économique et politique qui ravageait Madagascar depuis 2009. À l'époque le Président Marc Ravalomanana avait été renversé. Mais l'île, indépendante de la métropole française depuis 1960, a toujours connu l'instabilité politique et le retard de développement.

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Madagascar est l'un des pays les plus pauvres du monde, avec un PIB par habitant de moins de 500 dollars par an et environ 90 pour cent de la population vivant avec moins de 2 dollars par jour. En ce moment, 200 000 personnes sont menacées par la faim dans le Sud de l'île.

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« Il faut reconnaître que les défis sont énormes aujourd'hui pour développer ce pays, » a dit le Président Rajaonarimampianina dans son allocution de mercredi. Il restera en fonction jusqu'à ce que la Haute Cour Constitutionnelle se soit prononcée sur la validité du vote de sa destitution. La date de cette décision est pour l'heure inconnue, elle pourrait survenir après plusieurs semaines. Les prochaines élections présidentielles sont prévues en l'état pour la fin 2018.

Suivez Matthieu Jublin sur Twitter :@MatthieuJublin