FYI.

This story is over 5 years old.

Culture

On retrace les sources du cinéma psychotronique avec celui qui a inventé le terme

Le cinéma psychotronique regroupe des amateurs en Suisse, aux États-Unis et même… en Abitibi! Immersion nostalgique ou ironique dans le cinéma psychotronique avec des cinéphiles.
Photos de l'auteur

Il peut être le sujet d’une étrange obsession ou d’une sympathique nostalgie. Pour les plus jeunes, il s’agit ni plus moins d’un véhicule pour voyager dans le temps ou pour rigoler un bon coup. Dans tous les cas, le cinéma psychotronique plonge tous les cinéphiles qui s’y frottent dans le même état : « Mais… qu’ossé ça? »

Le maître du genre est l’Américain Michael Weldon. Auteur et critique de cinéma, c’est lui-même, dans les années 80 qui inventé le terme psychotronique. « L’idée était de combiner “psycho” pour l’horreur et “tronique” pour la science-fiction, m’explique-t-il en entrevue. Ça inclut aussi les films fantastiques, les films d’exploitation [sexe, violence, drogue, nudité, monstres, rébellions…] et les films de série B de tout genre », précise-t-il. Ce sont des œuvres ignorées par l’establishment critique, à cause de leur origine obscure ou de leur médiocrité, a-t-il déjà mentionné.

Publicité

Un dimanche sur deux, dans une petite salle de Val-d’Or, en Abitibi, une dizaine de cinéphiles se réunissent pour « L’écran psychotronique ». Ils visionnent de vieux films cultes « ou autres bizarreries » datant des années 50 à 80. Lors de ma première participation, qui avait pour thème la « blacksploitation », à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, Dr. Black, Mr. White était à l’écran. « C’est l’histoire d’un docteur noir qui est devenu albinos en avalant un médicament qu’il a inventé pour guérir des maladies du foie, et là, il tue des putes », me décrit l’organisateur de l’événement, Serge Larocque. Ça donnait bien le ton de la soirée qui allait se terminer avec The Thing With Two Heads, mettant en scène un chirurgien raciste qui retrouve sa tête greffée au corps d’un prisonnier noir.

Scénarios d’horreur ou de science-fiction complètement tordus, effets spéciaux étranges ou ratés, reprises de classiques à budgets très limités, les films psychotroniques sont généralement perçus comme tellement mauvais qu’ils finissent par être bons. « Il y a du bon psychotronique. Ce n’est pas juste des films poches ou des films de série B, qui n’ont pas été tournés dans des grands studios », se défend Serge Larocque, qui inclut même Star Wars dans la catégorie des films psychotroniques.

Ce style cinématographique fait partie d’une tradition bien implantée au cinéma Spoutnik, à Genève, en Suisse. Depuis 2006, on y présente mensuellement des films psychotroniques dans le cadre des soirées de « films de minuit ». « Tout est parti d’une blague, se souvient l’ex-programmateur du cinéma Spoutnik et l’un des initiateurs des soirées psychotroniques à Genève, Pascal Knoerr. Il y a un public en quête de sensations fortes qui souhaite voir ces ovnis cinématographiques sortir de l’ombre », constate-t-il.

Publicité

La bible du psychotronique

La passion, voire, l’obsession de Michael Weldon pour l’horreur et ses dérivés l’amène, au début des années 80, à créer un télé-horaire parallèle. Écrit à la main et tout simplement photocopié, Psychotronic met en valeur les films étranges diffusés en pleine nuit sur les stations locales de Cleveland. L’initiative dure un an, mais reprend vie en 1989, à New York, cette fois sous forme de magazine intitulé Psychotronic Video qui sera publié jusqu’en 2006. « J’y publiais, entre autres, des entrevues avec les acteurs et les réalisateurs », se souvient l’auteur.

Les découvertes de Michael Weldon seront publiées dans deux ouvrages. Le Psychotronic Encyclopedia of Film (1983) et le Psychotronic Video Guide (1996) traitent de milliers de films psychotroniques. Ils sont aussi devenus ni plus ni moins que des bibles pour les amateurs partout dans le monde. « On prend le livre de Michael Weldon et on coche quand on a vu le film. Même après douze ans, on continue à faire des découvertes ahurissantes », témoigne Pascal Knoerr. La pratique est la même du côté de Serge Larocque. Au milieu de ses multiples figurines de monstres et ses 3000 films entassés dans son appartement de quatre pièces, trônent, bien usés et annotés, les deux livres de Michael Weldon. « Je les ai depuis qu’ils sont sortis. J’ai tout souligné les films que j’ai vus dedans », lance-t-il fièrement.

Le Psychotronic Encyclopedia of Film est si marquant chez les amateurs qu’il sera sous peu le sujet d’un documentaire. Son réalisateur, l’Américain Jeff Adams, considère que Michael Weldon n’a pas seulement écrit un livre psychotronique, mais qu’il a carrément créé un mouvement. Il se souvient que l’univers psychotronique l’a accompagné tout au long de son adolescence. « Mes parents se sont divorcés, nous avons déménagé à plusieurs reprises et ces artistes-là étaient devenus mes amis », raconte-t-il. Le film de Jeff Adams, The Psychotronic est présentement en sociofinancement sur la plateforme Indigogo et se promènera dans les festivals au cours 2018 et 2019. Les contributeurs au projet pourront, entre autres, mettre la main sur le documentaire en format numérique, en DVD ou en Blu-ray.

Pour plus d'articles comme celui-ci, inscrivez-vous à notre infolettre.

Les classiques

Les classiques diffèrent selon le type de « psychotronique » que l’on est. Serge affectionne particulièrement les monstres, mais pas les zombies. « Les zombies, j’en ai ma claque! » tranche-t-il. Les coups de cœur de Pascal Knoerr sont La mort au large, « un faux Jaws » et Le Père Noël contre les Martiens, dont le titre se suffit à lui-même. Et pour Jeff Adams, on retrouve dans sa liste A Chinese Ghost Story et Polyester. Mais pour le maître du genre, Michael Weldon, rien ne vaut le psychotronique d’avant la période numérique. « La plupart des films de nos jours sont psychotroniques. Par contre, je n'aime pas les plus récents ».