20 ans plus tard, personne n’a oublié Nate Dogg

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20 ans plus tard, personne n’a oublié Nate Dogg

En 1997, le Frank Sinatra du rap magnifiait le hip-hop avec sa voix hypnotique et sensuelle et imposait sa version du son G-Funk.

Écrire sur Nate Dogg en 2017, c’est se laisser envahir par une multitude d’images, de flashes et de souvenirs qui permettent de mesurer la rapidité du temps qui a coulé : défilent ainsi comme un film en accéléré les premiers échos du gangsta-rap, l’apparition du 213 (Snoop Dogg, Warren G et lui-même) sur la scène West Coast et la claque provoquée par des titres tels que « These Days » ou « How Long They Will Mourn Me », qui faisaient vieillir d’un coup les grands noms de la soul. On exagère ? Pas du tout : fils d’un père pasteur et d’une mère première voix dans la chorale de l’église, Nate Dogg a magnifié le hip-hop de son chant hypnotique et sensuel pendant presque vingt ans, définissant à sa manière le son G-Funk (au même titre que DJ Quik et Dr. Dre, côté production), s’imposant comme un crooner de la trempe d’un Isaac Hayes, d’un Curtis Mayfield et même d’un Frank Sinatra.

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Les plus réfractaires diront sans doute qu’il n’a jamais composé un album digne de ce nom, et ils auront tort. Ce grand disque, Nate Dogg l’a enregistré en 1996/1997, aux côtés de Snoop Dogg, Daz Dillinger, Kurupt ou encore 2Pac. Sur G-Funk Classics Vol. 1, l’Américain compile tout ce qui le caractérise : on y trouve de la fragilité, de l’introspectif, mais aussi des refrains hyper cool et terriblement addictifs. Ce qu’il sait faire de mieux, en somme, tout en abordant des thèmes qui sont alors à l’opposée du gangsta-rap : la solitude, le manque de confiance, l’abandon, etc. Bon, Nate Dogg parle aussi de cul, presque systématiquement d’ailleurs, mais même lorsqu’il descend en dessous de la ceinture, l’autre chien de Long Beach garde cette classe et cette coolitude qui feront toujours défaut aux beaufs.

C’est bien simple, avec Nate Dogg, c’est forcément plus et mieux. C’était déjà le cas en 1993 sur le « Ain’t No Fun (If The Homie’s Can’t Have Non) » de Snoop Dogg, sur lequel il chantait ceci : « Quand je t’ai rencontrée hier soir bébé, j’te respectais Mademoiselle, mais aujourd’hui plus du tout. ». Ça l’est toujours en 1997 avec le refrain de « Dirty Ho’s Draws » : « A dirty hoe’s draws that was the cause of it all ». On comprend alors pourquoi Nate Dogg a si longtemps servi de hook man aux rappeurs les plus fameux de la West Coast depuis The Chronic ou Doggystyle de qui vous savez. Après tout, si de nombreux fans de rap californien retiennent aujourd’hui les noms de Dr. Dre, Snoop Dogg ou 2Pac, c’est aussi l’extrême efficacité de leurs refrains, permise par Nate Dogg, qui marque les esprits. « Deeez Nuuutz », « How Long They Will Mourn Me », « Let’s Play House » ou même l’immense « Regulate », tous ces morceaux ont cette capacité de coller la gaule aux plus hétérosexuels d’entre vous, tant ils transpirent le sexe, la baise et l’obsession des bitchs aux formes rebondies. Comme sur le refrain d’« All About You », sur le All Eyez On Me de 2Pac : « Every other city we go /Every other video (it’s all about you)/No matter where I go/I see the same hoe ».

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Mais Nate Dogg, on le répète, n’est pas qu’une pute à refrain, et ce G-Funk Classics Vol. 1 le prouve de bout en bout. Il est rarement seul, il faut bien l’avouer, mais quand il l’est, la classe parle d’elle-même. Il suffit d’écouter « One More Day », sur la BO de Murder Was The Case, ou « The Hardest Man In Town », judicieusement placé en ouverture, pour comprendre que le bonhomme a la voix parfaite pour faire vriller les tympans du monde entier, changer le rap en soul, et inversement. Lancé en éclaireur en 1996, « The Hardest Man In Town » est d’ailleurs l’un des plus gros tubes de ce bon vieux Nathaniel, plus marquant encore que « Never Leave Me Alone », d’ailleurs, mais qui ne permettra pas à G-Funk Classics Vol.1 de connaître le succès qu’il lui était promis. La faute à Suge Knight, qui met l’album au placard trop longtemps et entre dans un fight verbal avec Nate Dogg, qui tente alors de le publier via sa propre structure, Dogg Foundation. Dès lors, quand sort officiellement l’album en 1998, le son paraît déjà daté : le gangsta-rap a évolué, la G-Funk a perdu de son intérêt face à la popularisation d’artistes comme Outkast ou le crew Ruff Ryders, et Nate Dogg, qui propose pourtant quinze nouvelles chansons supplémentaires sur un volume 2 impeccable, ne profite pas du succès qui semblait lui tendre les bras.

Heureusement (pour lui, pour nous, pour le rap), le mec a su s’en remettre, notamment au croisement des années 1990 et 2000, où il pose sa voix sur les refrains de titres devenus mythiques : « Xxplosive » et « The Next Episode » sur 2001, « Area Codes » avec Ludacris, « Oh No » avec Mos Def et Pharoahe Monch, « Till I Collapse » avec Eminem, « Gangsta Nation » avec Ice Cube ou encore « Too Much » avec The Game, à peine un an avant sa mort, le 15 mars 2011.

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À ce moment-là, Nate Dogg aurait pu disparaître des radars et de l’esprit des amateurs de hip-hop. C’est l’inverse qui s’est produit. Parce que Nate Dogg fait partie de ces songwriters dont le nom n’apparaîtra jamais dans une liste Rolling Stone, parce qu’un paquet de ses morceaux incarnent encore aujourd’hui la bande-son de toutes bonnes siestes crapuleuses (réelles ou fantasmées, peu importe), parce qu’ils ont évité à beaucoup de ressasser dans l’alcool les sales douleurs sentimentales, parce que le gotha du hip-hop ne cesse de lui rendre hommage (en 2015, Warren G publiait même « My House » avec un de ses couplets inédits), et parce que Nate Dogg n’est finalement rien d’autre qu’une sorte d’Isaac Hayes, de Curtis Mayfield ou de Frank Sinatra frappé par le verbe rugueux et cru du Los Angeles des années 1990.

Maxime Delcourt est sur Noisey.

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