Un petit manuel de savoir-vivre en période de fêtes (par John Waters)

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Un petit manuel de savoir-vivre en période de fêtes (par John Waters)

On a demandé au cinéaste américain et Pape du film Trash de nous apprendre les bases du savoir-vivre à table.

John Waters est ce que l’on appelle communément un « gros fêtard ». Mais s’il aime les soirées mondaines, il garde une affection toute particulière pour les réceptions qui ont lieu lors des fêtes de fin d’année.

John Waters, qui se fait aussi appeler « The Pope of Trash », est une légende du cinéma transgressif américain. En réalisant des classiques comme Pink Flamingos ou Cry-Baby, il a été parmi l’un des premiers à porter le gore au grand écran et à donner ses lettres de noblesses au (bon) mauvais goût au cinéma. Mais quand ce pourfendeur des bonnes moeurs s’apprête à fêter Noël, son cœur fond littéralement face à toutes les réjouissances de la soirée du Réveillon.

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À l’approche de Noël, quand le commun des mortels doit se résigner à assister à une messe de minuit ou à se taper de vieilles rediffusions à la télé, les habitants de la ville de Baltimore aux États-Unis ont eux la chance de pouvoir assister à un one-man-show de John Waters, écrit spécialement pour l’occasion. Dans son spectacle qui revient chaque année à l’affiche pendant la période des Fêtes, il parle de la vie sexuelle du Père Noël, avoue son amour pour tous les types de cadeaux dangereux que l’on peut offrir aux petits enfants et en profite pour tenter d’exorciser son obsession pathologique pour les achats de Noël.

Car John Waters ne fait jamais dans la demi-mesure. Il aime Noël, et il n’en fait pas seulement un spectacle : il organise aussi quelques petites sauteries entre amis, prouvant bien là qu’il y connaît quelque chose en matière d’étiquette et d’art de la réception. Aux États-Unis, on le connait aussi pour sa playlist de Noël qui revisite en chanson les meilleurs classiques de la période de fin d’année, de « Rudolph the Red-Nosed Reindeer » à « Here Comes Fatty Claus (with a sack of shit) ». Mais s’il aime recevoir en sa demeur, il n’aime sûrement pas que l’on se tape l’incruste – il n’éprouve aucune pitié pour les pique-assiette qui s’invitent à l’improviste dans ses soirées : « Je leur en veux à vie. »

J’ai donc appelé John pour savoir comment il comptait gérer tous ces repas en famille à venir, tous ces cadeaux à donner et tous ces repas de fête qui vont s’enchaîner et dont la profusion aura des effets sur notre digestion pendant plus d’un mois.

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MUNCHIES : Salut John ! Je voulais vous parler du fait de cuisiner pendant les vacances. Vous appréciez faire la cuisine, non ?

John Waters : En effet ! J’ouvre le livre de recettes de Weight Watcher et je cuisine tout. Je mange de façon très académique du Lundi au Vendredi et de manière très décadente le samedi et le dimanche.

Est-ce que vous avez préparé un bon petit plat pour la fête de Thanksgiving cette année ?

Absolument pas. Je ne cuisine jamais pour Thanksgiving. Je vais chez ma soeur en Virginie. Par contre, c’est toujours moi qui prépare le repas de Noël – dans ma famille, Thanksgiving ou Noël, c’est la même chose.

Ah, et qu’est-ce que vous préparez pour Noël, du coup ?

De la dinde. Et je prépare toujours de la choucroute, de la purée de pommes de terre, des légumes et de la sauce de cranberries pour aller avec. Il y aussi de la farce, ce genre de classiques. Je ne suis pas du genre à servir un tartare de dinde.

Je voulais aussi vous parler des aliments que vous détestez…

[ll s’emporte] Mais j’aime absolument tout ! Je n’ai aucun problème avec aucun aliment. D’ailleurs, je déteste quand quelqu’un annonce à table : « Oh, je ne peux pas manger du gluten parce que j’ai ceci ou cela. » Et bien, ne viens pas alors ! Ce n’est pas une histoire de goût ça, c’est un trouble du comportement alimentaire.

Vous avez quand même écrit en 1985 que les choux de Bruxelles étaient, je cite : « Des boulettes du diable qui, après avoir passé leur existence sous l’assaut des fientes d’oiseaux et d’autres créatures suspectes, finissent inévitablement toutes molles et flétries. »

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Figurez-vous que maintenant, j’adore les choux de Bruxelles. Mais c’est vrai que ceux qu’on me servait quand j’étais enfant étaient cuits pendant tellement longtemps qu’une fois dans mon assiette, ils m’apparaissaient complètement sans vie. Ils ne contenaient sans doute plus aucune vitamine. J’ai beaucoup changé depuis. Quand j’écrivais Crackpot, je ne cuisinais jamais et je fumais cinq paquets de cigarettes par jour. Ça ne sert à rien de s’affairer aux fourneaux quand on fume cinq paquets par jour. Mais quand j’ai arrêté de fumer, mes papilles gustatives sont revenues.

Et donc maintenant, qu’est-ce que vous appréciez le plus manger ?

Du moment que c’est bien cuisiné, j’apprécie toute sorte de plats. Dès que je vais à Paris, je mange des tranches de foie de veau. J’adore aussi les anchois. J’aime certains aliments qui en dégoûtent plus d’un. Mais je peux aussi manger végétarien et je ne me sens pas frustré. Ma mère me disait toujours : « Si tu n’aimes pas ce qu’on te sert, change l’agencement des aliments dans ton assiette avec ta fourchette. » Quant à la mère de Cookie Mueller (une des actrices favorites de John Waters, N.D.L.R), elle lui disait toujours : « Ne finis jamais ton assiette. Il ne faut pas que les gens pensent que tu étais affamée. »

Photo : Greg Gorman.

Et à propos de l’étiquette à respecter lors des dîners…

[Il s’emporte encore une fois] Je vais vous donner une règle à respecter absolument quand vous êtes invité à dîner : ne chiez jamais dans la maison de quelqu’un d’autre. Jamais.

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C’est noté.

C’est vraiment abject. Quand quelqu’un me demande où est ma salle de bain, je me dis : « Mais pour quoi donc ? » Si vous devez aller manger chez quelqu’un, déféquez avant de venir. Je pense qu’il est très irrespectueux de vivre une aventure intestinale alors qu’on est invité chez quelqu’un d’autre.

À quel moment pensez-vous qu’il est approprié de commencer à boire ?

À aucun moment. Et certainement pas quand on est en train de faire la cuisine parce que si tu es bourré, tu vas te foirer dans les recettes. L’année dernière, lors de ma soirée de Noël, j’ai dit au barman que j’avais embauché : « Il est possible que je te demande de me servir quinze cocktails ce soir, mais arrange-toi pour me servir uniquement de l’eau gazeuse avec une petite goutte de vodka dedans. »

Et pour les invités ?

Du moment qu’ils ne se mettent pas à vomir. Je ne sers plus de vin rouge parce qu’il y a toujours quelqu’un qui finit par le renverser et je devais repeindre mon salon tous les ans. Boire jusqu’à en vomir, ça devrait être interdit – sauf si vous avez 20 ans et que vous êtes dans une soirée étudiante.

Et pas de drogues douces non plus ?

Il y a toujours quelques hommes politiques qui traînent dans mes réceptions donc je fais en sorte que personne ne fume de pétards – ce serait cruel de leur infliger ça. Mais je suppose que je n’ai rien contre quelqu’un qui se grillerait un joint au petit matin, le lendemain, à l’étage. Mais pour répondre à votre question : non, vous ne pouvez pas vous faire une ligne ou un shoot dans ma salle de bain.

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Je ne dis pas que je n’ai jamais fait des soirées de Noël où les gens se faisaient des rails et hallucinaient complètement, mais arrivé à ce stade de ma vie, je doute qu’il y ait beaucoup d’accros au LSD parmi mes invités.

Comment est-ce que vous gérez les gens qui s’incrustent ou qui n’ont pas été invités ?

Si quelqu’un ne donne aucune réponse à mon invitation, je vais lui en vouloir et il ne recevra plus jamais aucune invitation de ma part. Les gens à L.A. ont l’habitude de dire : « On ne R.S.V.P. que pour prévenir si l’on ne peut pas venir. » Ils ne savent même pas ce que ces initiales veulent dire (Répondez S’il Vous Plaît, N.D.L.R). Ils ne comprennent pas que j’ai envoyé un certain nombre d’invitations et que, pour mon organisation, je dois absolument savoir combien viendront. Et, s’il vous plaît, n’appelez jamais pour dire : « J’ai cet ami chez moi en ce moment et… » Bravo, maintenant grâce à ça vous ne serez plus jamais invité.

Et si ces pique-assiette se trouvent être vegans ou gluten free ?

Tant pis pour eux. Qu’ils ramènent leur propre nourriture et ils pourront aller la manger à la cave.

Et si des invités pensent que c’est un buffet et qu’ils apportent leurs plats ?

Vous voulez dire : si quelqu’un débarque avec une plâtrée de coquillettes au gruyère ? Eh bien je suppose que je la mettrais au frigo et que je la mangerais un autre jour. Je dirais : « Ce n’est pas ce qu’on va manger ce soir », ou bien « Laissez ça dehors ! Il y a bien quelqu’un qui va la ramasser. »

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Quels sont les sujets que l’on peut aborder à la table du dîner ?

Parler politique est une entreprise effroyablement difficile. Les libéraux sont de vrais fascistes – je le sais vu que j’en suis un – et aucun d’eux ne tolère que les autres puissent penser autrement. Je suppose que les Républicains sont comme cela aussi, quand ils sont entre eux. Il faut toujours se rappeler que tout le monde ne partage pas vos opinions – c’est pour ça qu’il vaut mieux éviter de parler de politique à table. Tout le monde finit par crier au lieu de manger. En plus, les politiques qui font campagne en ce moment sont tous d’une bêtise incroyable – donc qui voudrait en parler ?

Je vais vous donner un scénario bizarre. Quatre invités imprévus se pointent chez vous : Hitler mais enfant, Kim Davis ( une Américaine bigote qui refuse absolument de marier les homosexuels), et Leopold et Loeb (un duo de psychopathes apparemment gays et en tout cas particulièrement sadiques qui ont inspiré pas mal de films comme, par exemple, les Funny Games de Haneke). Vous pouvez tuer l’un d’eux mais vous devez servir à manger aux autres.

Que faites-vous ?

Oh, je pense que je n’aurais pas de problème avec Leopold et Loeb. Et quant à Kim Davis, elle a tellement énervé tout le monde qu’au final, elle a aidé la cause des gays. Après qu’elle ait croisé le Pape, il a fait un communiqué pour dire qu’il ne la soutenait pas, histoire de bien montrer à quel point elle était ridicule. Et si elle était de notre côté ? On saurait sans doute apprécier son côté très « désobéissance civile ». Je déteste vraiment tout ce qu’elle représente mais je pense que le pape est encore pire. Il fait vraiment du mal à la communauté gay parce qu’il va venir nous tapoter dans le dos en disant « bonnes petites tapettes » – alors que des gens comme Kim Davis ou Anita Bryant renforcent l’unité de la communauté gay. Et en plus elles perdent tous leurs procès.

Mais je n’en veux aucun. Leopold et Loeb seraient les seuls à être invités.

Merci de m’avoir parlé John !

Pour plus de Vice, c’est par ici.