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Culture

« Faire la révolution est un objectif concret, pas un vieux slogan »

« Faire la révolution est un objectif concret, pas un vieux slogan »
Toutes les images ont été fournies par les militants du Parti Communiste Maoïste

Le 12 juin 1968, Georges Pompidou, alors Premier ministre, annonce la dissolution de onze organisations « révolutionnaires ». Dont deux d’influence maoïste : l’Union des Jeunes Communistes Marxistes-Léninistes et le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France. Ces deux groupes s’inspiraient de la République populaire de Chine. Concrètement, ils entendaient établir en France une « révolution culturelle » à la Mao Tsé-Toung. Et ce, par la lutte armée. Très présents dans les manifs, les « maos » étaient en vogue à l’époque : la « révolution culturelle prolétarienne » (comme ils disent) séduit une partie de cette jeunesse qui crie sa colère dans les rues de France. Des figures du monde intellectuel d’aujourd’hui comme le philosophe Alain Badiou, le journaliste Serge July ou l’écrivain Philippe Sollers sont issus de ce mouvement d’abord scindé en de nombreux groupuscules et qui s’est, ensuite, structuré autour de la Gauche prolétarienne.

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L’historien François Hourmant assure dans son livre, Les années Mao en France (éditions Odile Jacob), que l’on n’a jamais compté plus de 7 000 militants en France, mais leurs actions, souvent violentes (tabassage de sympathisants d’extrême droite ou bordélisation de manifs), ont beaucoup fait parler. Et inquiété les autorités : entre 1968 et 1972, pas moins de 1 000 activistes « maos » ont été incarcérés.

Cinquante ans après son apogée, en 1968, que reste-t-il du maoïsme ? Un parti – le Parti communiste maoïste -, un groupe Facebook, quelques centaines de « like » sur les réseaux sociaux. Et une poignée de militants dévoués corps et âmes à la cause révolutionnaire, prêts à prendre les armes pour faire triompher les principes de la dictature du prolétariat version Petit livre rouge – avec ses exécutions publiques, ses camps de travail forcé et ses banquets de chair humaine…

Refusant le jeu démocratique et le système électoral, les maoïstes français opèrent à la façon d’une organisation clandestine. Ambiance non d’emprunt et communication sur Signal. Grands ados jouant à se faire peur ou de purs révolutionnaires réellement surveillés par les services de renseignements – comme ils aiment à le rappeler ? Difficile de savoir tant leur discours est formaté. Comme leurs prédécesseurs en 68, ces moines-soldats récitent leur bréviaire sans jamais s’écarter du discours officiel. Le Petit livre rouge dans une main, c’est très clair. Reste à savoir s’ils ont une bombe artisanale dans l’autre.

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Sasha, 21 ans, marxiste-léniniste-maoïste depuis 3 ans, région parisienne

Comment êtes-vous devenu Maoïste ?
Le maoïsme est devenu une évidence quand j’ai rencontré des gens pour qui « faire la révolution » était un objectif concret, et pas un vieux slogan. Devenir maoïste, c’est se mettre au service du peuple. Et défendre son pouvoir, face à celui de l’État bourgeois. Le maoïsme, c’est le guide d’action vers la Révolution. Aujourd’hui, c’est notre stratégie pour gagner ici, dans l’État français. Et dans le monde entier.

Et mai 1968, dans tout ça ?
Nous ne laisserons pas dire que 68 a été l’œuvre de quelques étudiants en rébellion contre leurs parents ! Et nous n’oublions pas que derrière des traîtres comme Benny Lévy, Alain Geismar, Alain Badiou ou Serge July, des milliers de camarades ont continué à se battre.

En quoi votre combat diffère-t-il de celui des organisations d'extrême gauche ?
Nos pratiques ne pourraient pas être plus différentes ! L’extrême gauche en France est une usine à illusions, et à belles promesses. Celles et ceux qui s’y engagent se rendent compte que ces organisations sont désarmées, impuissantes… Le contraire de ce que doit être un Parti communiste.

Verra-t-on un jour des candidats maoïstes se présenter aux élections ?
La politique générale des maoïstes dans les pays impérialistes est très claire : boycott des élections. L’abstention monte en France. Cela montre qu’un nombre croissant de nos camarades refuse le système électoral. Nous ne voterons donc pas. Nous ferons la révolution.

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Anthony, 20 ans, sympathisant maoïste depuis peu, Grenoble

Qu'est ce qui t'a poussé à devenir Maoïste ?
Quand j'ai commencé à bosser, je me suis rendu compte que je n'avais rien à proposer pour changer les choses. J'ai rencontré des maos, et je les ai trouvés sérieux. J’ai compris que les vrais communistes voulaient vraiment tout changer dans la société. Et ça, je l'ai trouvé dans le maoïsme.

Que t'inspire mai 1968 ?
C'est d'abord un grand mouvement ouvrier, un mouvement de masse. En mai 68 des comités de grève ont géré la vie courante, des affrontements ont eu lieu et la société s’est remise en question. Mai 1968, pour moi, c'est la preuve que les masses peuvent repousser l’État - et faire la Révolution.

Comment le maoïsme compte-t-il changer la société ?
J'ai confiance dans la capacité des prolétaires à se révolter et à prendre le pouvoir, à changer le système et à se changer eux-mêmes. A se mobiliser sur les grandes questions de société et à détruire chaque élément de la société capitaliste, l'un après l'autre

Eva, 30 ans, maoïste depuis 2 ans, Saint-Etienne

Que signifie être maoïste en 2018 ?
Etre du côté du peuple, sans restriction. Apprendre de ses luttes, de ses résistances, et les appuyer dans nos quartiers comme au boulot. De plus en plus de gens partagent nos constats sur ce qui ne va pas dans notre société. Le rôle des maoïstes est de guider ces révoltes pour les transformer en force révolutionnaire.

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Que reste-il des luttes de mai 1968 ?
Pas grand-chose… Mais c’est à nous de reprendre le flambeau. La société a changé, pas toujours en bien, donc on ne peut pas copier-coller les recettes de mai 1968. Le travail des révolutionnaires n'est pas d’attendre le grand soir - qui ne viendra jamais. Mais de construire un contre-pouvoir, ici et maintenant.

Comment vous situez-vous par rapport à l'extrême gauche française ?
Leurs militants sont déprimants. Ce sont souvent des gens extérieurs à notre classe, qui militent par habitude, sans trop y croire. Impossible de faire la Révolution avec des débris pareils ! Même s’il y a aussi des personnes honnêtes, dans le tas.

Sam, 24 ans, militant maoïste depuis 7 ans, itinérant

Comment êtes-vous devenu maoïste ?
À l’origine, je n’avais aucun intérêt particulier pour la révolution chinoise. C’est par le biais de rencontres que j’ai changé d’avis. Peu à peu, j’ai découvert les luttes des années 60 et 70 : la Gauche prolétarienne, les combats des travailleurs immigrés du Mouvement des Travailleurs Arabes, et à l’international, les guerres populaires en Inde ou au Pérou… Tout cela m’a poussé à me rapprocher du maoïsme.

Que signifie être maoïste en France, en 2018 ?
D’une part, c’est porter cet héritage international de luttes pour une société libérée de l’exploitation. D’autre part, c’est le faire vivre dans la réalité concrète de notre époque. En tant que maoïste, mes préoccupations restent tournées vers le prolétariat.

Pourtant, le communisme à l'ancienne n'a plus vraiment la côte ?
Tous les analystes ont jugé le communisme mort et enterré dans les années 90 : notre but, n'est rien de moins que prouver qu'ils ont eu tort. A notre modeste niveau, nous organisons différents secteurs de la société dans une perspective révolutionnaire – femmes prolétaires, jeunesse dans les quartiers et les facs…

Et mai 1968, dans tout ça ?
Mai 1968 représente un tournant pour les « maos » français. Ce sont eux qui ont contribué à déclencher ces événements, lorsque l’Union des Jeunes Communistes Marxistes-Léninistes a attaqué une exposition fasciste rue de Rennes, fin avril 68. Au-delà de belles images, les luttes de cette période constituent un très riche héritage en termes d’analyses, de pratiques, d’idées, de parcours de vie… Mais la classe dominante a réécrit l’histoire pour en faire une révolte étudiante inoffensive.