Tiga, shot by Femme de $arkozy
Photo par Femme de $arkozy

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Culture

Comment Tiga a aidé à transformer Montréal en capitale du nightlife

En prime, un mix live exclusif de la légende montréalaise, pour vous aider à vous remettre de l'afterparty.

C’est une de ces journées que même les plus téméraires ne peuvent qualifier que de « frette en tabarnac » lorsque je rencontre Tiga dans un café de la ville enclavée de Westmount, à proximité du centre-ville de Montréal. Bien qu'il soit essentiellement en tournée sans arrêt et à l'extérieur de la ville depuis deux décennies, il semble parfaitement à l’aise en marchant dans la tempête qui sévit à l'extérieur.

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Bien que je sois allé à plusieurs de ses DJ sets, c'était ma toute première rencontre avec Tiga. Je connaissais beaucoup de choses sur lui, par l’intermédiaire d’internet, d’amis qui travaillent avec lui et de DJ montréalais plus vieux qui évoquent avec des yeux embrumés l’époque de Sona, le club mythique qu’il a tenu jusqu’au milieu des années 2000. Je connaissais le magasin de disques qu'il dirigeait avec des amis et, bien sûr, Turbo Records, le label dont il est à la tête depuis 20 ans, qui fait paraître régulièrement certaines des plus grandes et distinctives œuvres de musique électronique de notre époque.

Si vous demandiez qui nous devons remercier pour l'état actuel du nightlife à quelqu'un qui est impliqué dans la vie nocturne à Montréal, la plupart répondraient Tiga. Parce que si Montréal était la deuxième ville du monde en matière de disco (après New York) dans les années 70 et 80, Tiga en a élargi les horizons grâce à Sona, à son ancien magasin de disques, à Turbo ou même à sa propre musique. Chaque phase de Tiga a eu pour résultat la création d’une faction ou d’une scène différente dans la ville, rendant les deux inextricablement liées. Et, même s’il prétend être un peu à l’écart, il a contribué à faire briller les plus grands talents de Montréal, que ce soit en faisant signer Chromeo chez Turbo ou en allant en back-to-back pour une légendaire session de trois heures avec des artistes locaux comme Jacques Greene au Piknic Électronik.

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En bref, Tiga Sonntag a contribué à faire de Montréal l’une des capitales du party les plus légendaires au monde. Il a littéralement lancé un mouvement entier en faisant appel à une débrouillardise DIY de punk. Il serait difficile d’imaginer des lieux mythiques comme Stereo ou plus récemment le Newspeak sans l’onde de choc que Sona a envoyée, ou de prévoir l'ampleur de festivals comme Igloofest ou le Piknic Électronik sans les raves qu'il organisait dans les années 90 (ou même la musique qu'il a diffusée par l’intermédiaire de Turbo).

Lorsque j’ai été affecté à cette interview, j’ai réfléchi à toutes les questions que je voulais poser, vu que ma vie découle, en quelque sorte, de son héritage. J'ai donc décidé de « garder ça simple » et de demander ce que, comme la plupart des gens, je me demandais depuis des années : comment diable a-t-il réussi à transformer une ville où il peut faire plus froid que le pôle Nord en l'une des plus grandes destinations de party du monde? On peut seulement soupçonner que les sons chauds et sélectionnés dans le mix pour son set à Stella Polaris à Copenhague l’été dernier ont aidé.

Noisey : Tu es de retour à Montréal pour quelques mois. Prends-tu encore le temps d'aller voir tes amis DJ lorsqu’ils sont en ville, ou est-ce que tu vas dîner un peu avec eux et tu rentres chez toi?
TIGA: Oui, je vais plutôt dire bonjour et rentrer à la maison. Bien que j'aime bien voir d'autres personnes jouer, ça me donne des idées. Je ne pense pas qu'il soit sain de s'écouter seulement soi-même et la personne avant et après soi. Entendre les autres DJ jouer est souvent la façon dont on entend de nouveaux sons, ou d'anciens disques joués d'une nouvelle manière.

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Je suis un peu victime des tournées, alors je ne sors pas beaucoup. Quand j'ai un week-end, je cherche la paix. Mais je vais voir mes amis jouer, surtout s’ils jouent de 8 à 10 heures du matin.

Tu poursuis ta carrière de DJ depuis près de 30 ans. Comment ça a commencé?
Ça a commencé au début des années 90, avec les raves que j’organisais avec mes amis, et c’était très le fun. Parce que j'étais très jeune et que c'était très excitant, et que je suis tout d’un coup passé d'étudiant à une carrière, et c'était vraiment sympa. C'était toute l'excitation de la jeunesse, avec un peu de révolution.

J'avais environ 17 ou 18 ans et j'étais un peu immature pour mon âge : j'étais encore comme un enfant à bien des égards, alors ça me faisait du bien. La chose la plus excitante de l’époque – et c’est quelque chose d’incroyable si vous ressentez ce sentiment un jour. Mais vous avez ce sentiment lorsque vous êtes 100 % certain que vous êtes sur le point d’atteindre un objectif important. Vous sentez dans votre cœur que vous êtes au bon endroit, au bon moment. Si vous sentez que vous faites quelque chose de cool ou que vous gagnez de l'argent, ces choses ne sont même pas proches. Quand vous savez qu'il se passe quelque chose de révolutionnaire et que vous êtes là… C'est ce que je ressentais au début des années 90.

Ça semble un peu arrogant, mais à cette époque, je savais que j'étais le roi du monde et tout le monde voulait ce que nous avions. Même si on était des enfants et qu’on n’avait pas de voitures de luxe, ça importait peu.

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Tiga shot by Femme de $arkozy

Tiga, par Femme de $arkozy

Et puis Sona est arrivé?
Sona a été le début de ce qui n’a pas été, pour moi, une expérience particulièrement positive. Ça contrastait avec ma vision adulte des choses, c’était le début de certaines de ces choses qui se glissent dans votre vie, comme les affaires contre l’art, ou la politique. C'était le début d'une période moins amusante. Ça a marqué la fin de mon adolescence.

La période rave était encore assez sauvage : on ne savait pas quand la prochaine soirée allait arriver, et tout était basé sur des projets. Soudain, Sona était une institution. C'était un peu comme un travail. Avoir un club, c’est chiant! De toutes les choses que j'ai faites, c'est celle que je recommande le moins. Il y a des avantages très minimes, il vaut mieux que vous soyez un promoteur ou un DJ. Je ne suis pas sûr de ce que c’est maintenant, mais à l'époque, il était difficile de posséder et de faire tourner une grande discothèque au centre-ville de Montréal.

As-tu quand même le sentiment d'avoir pu apprécier l’importance de Sona?
Non, je pense que j'ai moins aimé Sona que les gens qui venaient une fois par semaine ou par mois. Pour moi, certains projets qu’on réalise sont parfois très utiles, et parfois, de l'extérieur, ça semble incroyable, et certaines choses semblent meilleures ou pires qu'elles ne le sont réellement. Perso, Sona ne me convenait pas tout à fait.

Il est difficile pour moi d'être totalement objectif à propos de Sona en tant qu'expérience de party, parce que je travaillais tout le temps. Mais je pense que c’est juste que c’était une première introduction au nightlife à Montréal pour beaucoup de gens. Parce qu'il y avait déjà beaucoup de raves et de soirées dans des entrepôts qui se déroulaient avant et dont je ne faisais pas partie. Lorsque Sona a ouvert ses portes en février 1996, beaucoup de gens étaient déjà allés à une ou deux soirées, mais pour la plupart du monde, c'était la première exposition à la culture de club, et c'était amusant. C'était un bon club, avec un grand espace. Et tout le monde tombe amoureux de son premier party.

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Parfois, je pense aux fêtes que, dans mon esprit, j’ai romancées et dont je me souviens comme de quelque chose de vraiment spécial, mais ensuite, je vois une photo de la fête et je réalise que la salle était à moitié vide! Et c’est parce que ça dépend des personnes avec qui vous êtes, de votre état d’esprit et de l’adéquation avec votre vie.

Tiga at a DJ set. Photo courtesy of the artist.

Photo gracieuseté de l'artiste

Est-ce que c’est pour ça que tu as lancé Turbo?
Turbo est né en réaction à Sona, deux ans après, car je commençais à en avoir assez des affaires de club. Je ne pense pas que Turbo aurait été pareil sans Sona. Parce que je cherchais ce que je n’avais pas, côté créatif, avec une boîte de nuit. Donc, ça m'a appris beaucoup de choses sur la politique et la gestion de différents types et groupes de personnes, un peu comme Game of Thrones! J'ai appris à gérer une entreprise assez féroce, parce que je devais négocier avec la police, avec les Hell's Angels… donc il y avait une courbe d'apprentissage.

Ça m'a appris beaucoup de choses, comme la façon dont les affaires sont différentes de ce qu’on pense d'une entreprise. C’est l’une de ces choses que les gens regardent de l’extérieur en se disant : « Waouh, c’est ça, c’est trop cool! » Donc, il faut apprendre à séparer l’idéalisation des chiffres.

Et comment Turbo a-t-il réellement commencé?
La première sortie était la mienne, Montréal Mix Session Vol.1 . Mais la première sortie vinyle a été celle d’Alexi Delano, un gars de New York.

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Avant ça, j’avais démarré un magasin de disques appelé DNA Records, qui, avec le recul, est un super nom des années 90, ce serait un peu à la mode maintenant. Je l'ai géré jusqu'à 99 ou 2000, et c'était beaucoup de travail. C’était un peu mon travail quotidien, et il y avait deux ou trois années où il y a eu un chevauchement avec Sona, alors je travaillais tout le temps. Mais c’était amusant et c’est quelque chose que je suis vraiment heureux d’avoir fait. Parce qu'il n'y a rien de tel, c'est une époque différente maintenant, c’est une époque révolue. C'est une existence pré-internet qui ne reviendra jamais. C'était un vrai club-house : tout le monde était là tous les jours, parlait de choses, partageait des disques, achetait des billets pour des événements. C'était un centre. Une montagne de travail, pas d'argent, mais c'était amusant.

Tiga live. Photo courtesy of the artist

Tiga live. Photo gracieuseté de l'artiste

Donc, entre le magasin de disques, le label et le club, as-tu eu le sentiment que tu étais bien placé pour faire face à la révolution internet à venir?
Je pense que beaucoup de gens dans la musique électronique étaient à l’affût, dans un sens. Ceux qui possédaient un magasin de disques dans les années 90 ont été parmi les premiers à ressentir certains des grands changements. En gros, tout a commencé quand les gens ont cessé d’acheter des CD, puis finalement, quand ils ont tout arrêté. On était donc un genre de canari dans la mine de charbon, pour ça.

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Mais je pense que si j'avais eu plus de connaissances en technologie, ou si j’avais été plus visionnaire dans ce domaine, j'aurais vraiment tout raflé. Parce que j'étais là pour voir certains de ces changements au fur et à mesure qu'ils se produisaient. Pour moi, cette période a en quelque sorte coïncidé avec le fait de devenir artiste, alors j'étais un peu aveugle face aux grands changements qui se produisaient. Par exemple, on m'a demandé d'investir dans Beatport, dès le début, et j’ai dit : « Pas intéressé », ou quelque chose du genre.

Checke, c’est une idée très simple et évidente aujourd’hui, voulant que tous les supports physiques allaient passer au numérique et être accessibles 24 heures sur 24, et que la vente serait rationalisée, ainsi que tout le reste, mais ça n’était pas si évident pour moi à l'époque, et ça aurait dû l’être. Ce l'était certainement pour certaines personnes.

Raconte-moi l'histoire derrière le mix que tu publies avec nous.
C'est un mix d’ambiance. C’était la première fois depuis un million d’années que l’on me demandait de faire un set beatless lors d’un festival, à Copenhague l’été dernier. J'ai adoré, c'était mon show préféré de tout l'été. 25 000 personnes assises dans un parc de Copenhague sans danser. Je me sentais tellement libéré : c'était tellement amusant d'échapper à la musique dance pendant quelques heures. J'ai joué de la musique que j'aime beaucoup, et c’est arrivé à un moment de ma vie où je croyais un peu que l’herbe était plus verte ailleurs. Ça bouge beaucoup, il y a du Bob Marley, Kate Bush, Zomby, Aphex. Je l’avoue, et c’est quelque chose qu’on réalise quand on est DJ : parfois on joue des sets ennuyeux. Il y a des moments où on joue et on pense trop, ou on a perdu le contact avec son esprit, et ce n'est pas si amusant. C'est cool parce que j'étais temporairement dans un état dans lequel je suppose que je devrais toujours être, où chaque chanson que j'ai jouée était ce que j'aimais.

C'était émouvant et je ne peux pas dire pourquoi.

Tracklisting :
1. Zomby - Trapdoor2. Jai Paul - All Night (plage 15)
3. Zarate Fix & DJ Sotofett - Solar Mix
4. Kraftwerk - néons
5. Le XX - Shelter (Tiga inédit DUB)
6. Invisible Conga People - Dazed par câble
7. The Pool - Jamaica Running
8. Gentillesse - Soirée Swingin
9. Osborne - Hold Up (exploit de Joe's Dub avec Joe Goddard)
10. Le joueur de ligne KLF- Wichita était une chanson que j'ai entendue une fois
11. Enterrement - refuge pour chiens
12. James Blake - Prendre un automne pour moi
13. Invisible Conga People - Dans un trou
14. Sano - La Grua (Entretien Rmx Toulouse Low Trax)
15. Bob Marley & The Wailers - Selassie est la chapelle
15. This Mortal Coil - La chanson de la sirène
16. Les Smiths V Lana Del Rey - Ce charmant jeu vidéo (bootleg)
17. Harold Budd et Brian Eno - À contre-courant
18. Daft Punk - Make Love
19. Le couteau - Cri silencieux
20. Mathew Jonson - Marionette (le début)
21. Réfracté - Charge en profondeur
22. Zomby - Un diable étendu ici
23. AFX - tous les jours
24. Kate Bush - sous le lierre

Billy Eff est sur internet ici et .