Le carton d'ouverture de Star Wars, une des rares choses auxquelles George Lucas n'a pas touché dans ses diverses Editions Spéciales.
Ce souci d'une certaine forme de réalisme a donné naissance dans la seconde moitié du 20e siècle à un courant important de la SF : la hard science. Un pied dans l'imaginaire, un autre dans la prospective, celle-ci se veut absolument irréprochable à la fois sur les plans physique et technique. Une approche qui n'a guère les faveurs de Lucas. Dans une interview publiée dans le magazine American Film un mois avant la sortie en salles du premier volet (et reproduite intégralement ici), celui-ci raconte : "Quand j'étais gamin, je lisais beaucoup de SF, mais pas vraiment les romans techniques à la Isaac Asimov. J'étais plus intéressé par l'approche fantastique, irréelle d'un Harry Harrison. C'est avec ça que j'ai grandi". Il cite également Le Cycle de Mars d'Edgar Rice Burroughs ou le comic strip Flash Gordon d'Alex Raymond, "le genre de choses qu'on lisait avant que le mot science prenne le dessus sur le mot fiction et que tout devienne si sérieux". Naturellement, son film a hérité de ce manque d'affinité initial avec la science-fiction moderne : "Star Wars se contrefiche de la science. Ça se passe dans une autre galaxie avec d'autres règles. Je ne voulais pas que le film montre des choses susceptibles de se dérouler dans notre réalité"."Star Wars se contrefiche de la science. Ça se passe dans une autre galaxie avec d'autres règles. Je ne voulais pas que le film montre des choses susceptibles de se dérouler dans notre réalité."
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Tout le monde ou presque a remarqué que l'Empire Galactique avait de méchants airs de régime nazi, mais les analogies avec la Seconde Guerre Mondiale trouvent très vite leurs limites. La lutte entre les forces impériales et rebelles n'est pas non plus une métaphore de la guerre du Vietnam (bon sauf peut-être quand les Ewoks mettent la pâtée aux Stormtroopers surarmés sur la lune forestière Endor à la fin du Retour du Jedi) ni de l'affrontement entre les blocs américain et soviétique. À ce titre, George Lucas n'hésitera pas à pousser une gueulante en 1983 quand les médias US auront l'idée de baptiser "Star Wars" le projet de défense anti-missiles IDS du président Ronald Reagan.*George Lucas n'hésitera pas à pousser une gueulante en 1983 quand les médias US auront l'idée de baptiser "Star Wars" le projet de défense anti-missiles du président Ronald Reagan.
Si vous êtes toujours sceptiques, on va tenter une petite expérience. Mettons un instant de côté l'espace. Oublions les vaisseaux qui font piou-piou, les droïdes et tout le décorum SF. De quoi parle vraiment le premier Star Wars ? Quel est le cœur du récit ? Il s'agit de l'histoire d'un jeune fermier sans expérience qui se retrouve brusquement appelé par le destin. Avec l'aide d'un brigand et d'un vieux magicien, il va s'engager dans un dangereux périple dont dépend l'avenir du monde. Sa première épreuve consistera à aller sauver une belle princesse, retenue captive dans une forteresse par un méchant chevalier noir. Franchement, présenté ainsi, ça ne vous replonge pas tout de suite dans de vieux souvenirs d'enfance ? Et le carton « il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine… », ne vous rappelle-t-il pas le fameux « il était une fois » des contes merveilleux ? Eh oui, même simplicité enfantine et, surtout, même fonction. Dans les deux cas, nous avons affaire à une formule sacrée qui scelle un pacte entre l'auteur et son audience. Celle-ci est invitée à mettre en route sa suspension volontaire d'incrédulité. En échange, le storyteller s'engage à lui offrir un récit à la fois enchanteur et chargé de sens.Les histoires qu'on se raconte au coin du feu sont en fait des variations autour d'un même récit fondamental. Un récit répété inlassablement à toutes les époques et sur tous les continents.
Le monomythe de Cambell. Image : Wikimédia
Il n’est pas impossible qu’on tienne là l'une des clefs essentielles du succès hors normes de Star Wars. En transposant dans un univers galactique et high tech l’histoire immémoriale de la transformation d’un jeune homme en adulte, et en rajoutant par-dessus tout un réseau d’influences parfaitement digérées allant du western au film de samouraï, le cinéaste est parvenu à créer une espèce de bouillon de culture à la fois complètement dépaysant et étrangement familier. Pas étonnant que le public soit devenu complètement maboul.Par la suite, Lucas tentera plusieurs fois de reproduire cette formule miracle … et s’y cassera méchamment les dents, que ce soit avec Willow (qui raconte peu ou prou la même histoire que Star Wars mais sans les oripeaux de science-fiction) ou la prélogie. En revanche, quelques semaines avant la sortie de La menace fantôme, une oeuvre va provoquer contre toute attente le même choc esthétique que Star Wars en son temps. Une oeuvre qui, sous couvert de SF cyberpunk, s’abreuve elle aussi au fameux récit de Joseph Campbell, et opère la même fusion quasi alchimique entre Orient et Occident, entre l'ancien et le nouveau.Par la suite, Lucas tentera plusieurs fois de reproduire cette formule miracle, et s’y cassera méchamment les dents.