The Skateroom à Luanda et en Afghanistan
Photo de gauche : Tim Moolman - Photo de droite : Hamdullah Hamdard.
Culture

Depuis Bruxelles, The Skateroom soutient des ONG à travers le monde

« Pour l’instant, on a déjà donné près de 640 000 euros à 34 projets sociaux dans le monde entier et aidé des milliers d'enfants. »
SE
Brussels, BE

Toute la culture et l'art de vivre de la scène locale du skate est à découvrir dans notre série VICE « LE SKATE EN BELGIQUE ».

À travers la vente de reproductions de Warhol ou de Magritte sur des planches de skate, la plateforme bruxelloise The Skateroom collecte des fonds pour des ONG du monde entier. Près de 640 000 euros ont déjà été récoltés pour des organisations comme Skateistan ou Make Life Skate Life qui concentrent leur énergie sur des projets sociaux liés au skate.

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Selon Charles-Antoine Bodson, fondateur de The Skateroom, le skate a impact social considérable. Bien que le projet ait maintenant une réputation internationale et que ses planches soient vendues dans les musées les plus connus du monde entier, le projet a démarré au plus près de chez nous, à Bruxelles.

On a parlé avec Charles-Antoine du fonctionnement de The Skateroom, de ce à quoi il doit sa renommée et de sa vision de l'avenir.

The Skateroom Brussels

VICE : Comment t’es venue l’idée de créer The Skateroom ?
Charles-Antoine : En fait, l'idée a démarré de façon assez organique. Il y a quelques années, je dirigeais une galerie d'art à Bruxelles et j'avais une collection privée de planches de skate. Au total, j'en avais peut-être 4 000. À un moment donné, j'ai rencontré Oliver Percovich à Paris, le fondateur de l'ONG Skateistan. Il m'a parlé de son projet et m'a dit qu'il cherchait des fonds pour ouvrir sa deuxième école de skate. J'ai décidé de vendre une partie de ma collection pour le soutenir et, grâce aux 50 000 dollars récoltés, Oliver a pu créer sa deuxième école de skate à Phnom Penh, au Cambodge.

Quelques mois plus tard, quand j'ai vu les résultats de cette action, les pièces se sont assemblées dans ma tête. J'ai été tellement impressionné par cet impact que je me suis dit : « Mon Dieu, c’est ça que je dois faire. » C'était puissant comme expérience. Après avoir assisté à ce lancement, je trouvais qu'une galerie d'art c’était plus assez et j'ai voulu me consacrer au soutien de ces asbl.

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« Pour nous, Bruxelles c’est un endroit où il fait bon vivre et on en est fier·es. »

The Skateroom est basé à Ixelles, mais vous êtes bien connus au niveau international. Comment ça se fait ?
Pour nous, Bruxelles c’est un endroit où il fait bon vivre et on en est fier·es. Le truc, c’est qu’on ne vend pas seulement un produit, c'est bien plus que ça.

Avec The Skateroom, on veut montrer que c’est aussi possible d'acheter quelque chose de physique et de faire une bonne action en même temps. Et on pense vraiment que les consommateur·ices d'aujourd'hui sont beaucoup plus conscient·es de ce qui se passe dans le monde et qu'iels sont plus attentif·ves à leurs achats. Le profit n'est pas du tout notre motivation. Je crois que c’est pour ça que des institutions internationales comme le MoMa, le Guggenheim ou même le Louvre veulent travailler avec nous : parce qu'elles croient en notre mission, peu importe l'endroit où se trouve The Skateroom.

MOMA MC Carthy x The Skateroom

Lancement de la collection « Paul McCarthy + The Skateroom » au MoMA Design Store (2015).

La base de The Skateroom c’est de « faire de l'art avec un impact social ». Beaucoup d'entreprises exploitent ce modèle commercial pour le marketing, mais ne font finalement que très peu de dons.
Cette problématique est très intéressante parce que pour de nombreuses entreprises, c’est juste un truc sexy. Beaucoup de sociétés font la promo de la responsabilité sociale uniquement pour leur image. En réalité, ça arrive souvent qu'elles ne donnent qu'un petit pourcentage de leurs bénéfices et mettent le reste dans leurs poches. Et dans de nombreux cas, il n'existe pas non plus d'organisations qui contrôlent ces dons. Pour moi, c'est pas très responsable. On pourrait même comparer ça à du green washing.

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« On donne 5 % du chiffre d'affaires ou 25 % du bénéfice. En d'autres termes, 5 % du chiffre d'affaires de chaque vente sont consacrés au soutien d'un projet et, à la fin de l'année, on évalue si les 25 % de nos bénéfices correspondent à un montant supérieur aux 5 % versés. Si c'est le cas, on complète la somme. »

À quoi ressemble votre modèle commercial ?
Notre objectif n'est pas de paraître sexy. En tant que plateforme sociale, on veut promouvoir un mode de consommation différent dans une société capitaliste. On donne 5 % du chiffre d'affaires ou 25 % du bénéfice. En d'autres termes, 5 % du chiffre d'affaires de chaque vente sont consacrés au soutien d'un projet et, à la fin de l'année, on évalue si les 25 % de nos bénéfices correspondent à un montant supérieur aux 5 % versés. Si c'est le cas, on complète la somme. Souvent, ces projets visent à donner des opportunités aux jeunes appartenant à un milieu modestes. On a aussi toute une équipe qui s'informe des besoins spécifiques des ONG et qui, après un don, suit la manière dont les problèmes sont résolus.

On travaille également avec une société d'audit externe qui calcule nos émissions de carbone et examine les meilleures matières premières écologiques possibles. Tout ça, c’est vraiment dans notre ADN. Actuellement, on a déjà donné près de 640 000 euros à 34 projets sociaux dans le monde entier et aidé des milliers d'enfants. Je suis vraiment fier de ce qu’on a réalisé jusqu'à présent.

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Les prix de vos planches vont de 160 à 10 000 euros ; c'est beaucoup d'argent. Qui sont vos client·es ?
On a toutes sortes de client·es. Certain·es aiment l'art, d'autres aiment le skate. Et puis entre les deux, il y a beaucoup de profils variés. En plus, les œuvres d'art sur ces planches sont également très diverses, donc les prix varient beaucoup. Certaines sont très abordables, surtout si on les compare avec d'autres œuvres d'art sur le marché, d'autres sont effectivement un peu plus chères. On essaie d’en avoir pour tout le monde. Nos client·es sont également informé·es du projet qu'iels soutiennent et peuvent suivre les évolutions.

« Le skate, c’est tout simplement un sport puissant. C’est accessible à tout le monde, personne n'est exclu·e. »

Pourquoi se concentrer sur les projets sociaux liés au skate ?
Des initiatives telles que Skateistan ont un impact direct et sont très efficaces. Cette orga donne des cours de skate à des filles en Afghanistan alors qu’elles ne sont normalement pas autorisées à faire du sport ; mais là-bas, le skate n’est pas considéré comme tel. Ça doit être incroyable pour elles.

Le skate, c’est tout simplement un sport puissant. C’est accessible à tout le monde, personne n'est exclu·e. Ce sport n’implique pas forcément la compétition non plus. La seule concurrence, c'est toi-même. Tu peux t'entraîner et t'améliorer à son propre rythme. Lorsque tu t’améliores, tu vois le monde d'une manière complètement différente. À partir de ce moment, tu ne regardes plus un rail ou un banc de la même manière. Tu te mets à rêver et c'est ce qui rend le skate si magique.

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Skateistan Afghanistan

Des jeunes skateuses de Kaboul (Photo : Hamdullah Hamdard).

Pourquoi utiliser les planches de skate comme support pour l’oeuvre ?
Parce que c’est très fortement lié à notre histoire. C'est comme ça que tout a commencé pour nous. Ce sport est synonyme de liberté et fait tomber les barrières sociales. C'est exactement ce que The Skateroom veut représenter. Le skateboard et le street art sont également deux éléments de base de la culture underground. Rapprocher les deux était, selon moi, une démarche logique. Les planches de skate sont également des supports idéaux car elles sont abordables, mobiles et réutilisables. Je pense qu’on doit aussi beaucoup notre succès au fait que le skate est maintenant mieux connu et a gagné sa place dans la culture.

« Le skate est synonyme de liberté et fait tomber les barrières sociales. C'est exactement ce que The Skateroom veut représenter. »

Quel est le projet qui t’a le plus marqué jusqu'à présent ?
Je peux te raconter beaucoup de belles histoires sur nos projets. Un bon exemple, c’est peut-être la collaboration avec l'artiste français André Saraiva. On est allé·es le rejoindre avec toute l'équipe à son hôtel à Paris, l'Hôtel Amour, pour la fête de la libération. Toute la soirée, il y avait une énergie positive et presque toutes les planches étaient épuisées. Grâce à cette soirée et au travail de l’organisation Concrete Jungle Foundation, le premier skatepark de l'Angola, à Luanda, a pu être construit.

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Aujourd'hui, plus de 150 jeunes y font du skate, dont une grande partie provient d'un orphelinat. Ces enfants peuvent désormais s'exprimer et tirer des leçons de vie et, qui sait, même se construire une vie réussie. Grâce à cette collaboration, on a également été nominé·es aux Peace & Sport Awards en tant qu'initiative Corporate Social Responsibility de l'année.

Skateroom Angola

Au skatepark de Luanda, construit grâce à la collaboration « Concrete Jungle Foundation x André Saraiva » (Photo : Ayden Stoefen).

Tu peux nous parler de votre nouveau projet à Bruxelles ?
Le Bruxsel project est né parce qu’on voulait aussi organiser quelque chose de local. On a demandé à plusieurs artistes belges s'iels voulaient participer au projet dans le but de récolter des fonds pour organiser des cours de skate pour les jeunes orphelin·es, en collaboration avec la Croix-Rouge. C'est très gratifiant de voir que tant d'artistes étaient intéressé·es et qu'une vraie communauté s'est formée autour du projet. C'était aussi un bon moyen de promouvoir certaines œuvres de ces artistes belges sur les planches. Après ce projet, j'aimerais organiser plus de choses à Bruxelles.

« L'une de mes plus grandes ambitions, c’est de construire le plus grand skatepark de Bruxelles. »

Comment tu vois l'avenir ?
Mon but ultime est très simple. Je veux que The Skateroom continue à se développer afin qu’on puisse soutenir encore plus de projets sociaux de skate et qu’on puisse travailler avec ces organisations dans encore plus d'endroits pour aider les enfants de milieux modestes. On espère élargir notre clientèle afin d'avoir encore plus d'impact sur le monde. L'une de mes plus grandes ambitions, c’est aussi de construire le plus grand skatepark de Bruxelles.

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Génial. Merci pour la discussion et bonne chance.

Skateistan Johannesburg avec Tony Hawk

Ouverture d'une école de skate à Johannesburg en présence de Tony Hawk (Photo : Tim Moolman).

Skateistan-Skate-School-Launch-Tim-Moolman

À Johannesburg (Photo : Tim Moolman).

Skateroom Angola

Photo : Ayden Stoefen.

Skatepark Luanda Angola

Avant les premières chutes (Photo : Ayden Stoefen).

THE SKATEROOM
Skatepark Luanda Angola

Photo : Ayden Stoefen.

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