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Tout ce qu'il faut savoir si vous voulez devenir photographe de soirée

Non, ce boulot ne se résume pas à faire des portraits de filles légèrement vêtues et à se faire payer des shots.

On a parfois l'impression que tout le monde est photographe de soirée—ou en tous cas, qu'il y a de plus en plus de gens qui se font passer pour des photographes de soirée pour griller la file à l'entrée. Mais ceux d'entre nous qui font réellement ce job occupent un rôle privilégié (même si certains diront plutôt un rôle de « petit enculé ») en fournissant un service vital dans ce monde qui a toujours peur de louper quelque chose : de belles photos. Après tout, quoi de plus universellement important que d'avoir l'air hyper-occupé sur son Instagram ?

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De l'entrée, où les videurs vous font un simple signe de tête et ne prennent même pas la peine de fouiller votre sac (profitez-en pour faire rentrer tout ce que vous voulez), à l'intérieur du club, où les barmaids vous rincent à l'oeil pour vous remercier d'être l'un des seuls consommateurs décents qu'ils ont eu de toute la nuit (un geste dont vous abuserez fatalement), être un photographe de soirée vous donne la sensation d'être un petit prince de la nuit. Et honnêtement, si vous pensez à toutes les années durant lesquelles la royauté a tenu son rang avant de se résoudre à mettre les mains dans le cambouis, c'est plutôt bien vu comme comparaison.

C'est nous qui ramassons le moins dans cet univers où le respect n'existe pas (ou tout du moins plus) et on s'en sort, en plus, avec les honneurs. Il y a cependant quelques risques à prévoir. Mis à part la possibilité de vous faire défoncer votre matériel lors d'un mouvement de foule ou d'un mosh-pit inattendu, il y a tout un tas de trucs merdiques qui vous feront très vite réaliser à quel point ce job ne ressemble à aucun autre. J'exerce cette activité depuis 2 ans à Toronto et voilà le genre de trucs qui vous arrivera certainement si vous choisissez de l'exercer chez vous.

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« Hey mec, j'ai besoin de toi mercredi soir à 8 heures tapantes. Je mixe. »

Voilà comment tout commence généralement. Un pote de pote vous envoie un message sur Facebook parce qu'il a vu vos photos sur Instagram. Ils les trouve vraiment « stylées » et se sent « 100 % en phase » avec vous. On lui a confié le warm-up dans une salle connue pour son public composé exclusivement de joggers et de gens habillés en Supreme. Et il veut que vous les photographiez. Il n'est pas du tout question d'être payé - ne soyez pas gênant en abordant le sujet via messenger, parce qu'il n'y répondra de toute façon pas. Et quand vous lui en parlerez de visu, il vous endormira avec sa fameuse formule magique : « Alors le truc, c'est que du coup… »

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« 300 euros pour 6 heures. Tu vas devenir UNE STAR. Il me faut les photos à 10 heures par contre. Merciii. »

Cette personne vous contactera également via Facebook, mais contrairement au  type de l'exemple précédent, elle tient à ce que les choses soient claires et ne veut pas vous la faire à l'envers. Elle fait partie de cette génération qui a bientôt 30 ans et dont le cerveau est régi par deux éléments : l'anxiété et la cocaïne. Ce qui fait que toutes leurs interactions se font sur le mode passif-agressif. Note importante : cette personne et celle qui vous payera sont deux personnes différentes. Ils font tous deux partie du staff du club, ou sont des potes du patron, mais ils insisteront pour que vous employez le dénominatif « orga » quand vous vous référez à eux.

On vous demandera ensuite de fournir une facture et on vous dira que l'argent sera transféré dès qu'ils auront reçu les photos. Attention : si vous ne renvoyez pas un mail juste après les photos en insistant pour être payé, vous ne verrez probablement jamais la couleur de ces 300 euros.

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Vous n'êtes finalement pas devenu une « star »

Vous entrez dans le moment le plus crucial de la carrière de photographe débutant, celui où vous allez comprendre que ce n'est pas si simple et que vous allez grave en chier. Celui où votre quotidien sera peuplé de clubbers qui ne comprennent pas pourquoi leur DJ/rappeur/pop star favori n'en a rien à cirer de leurs tronches et d'orgas qui montent une gigantesque mayonnaise de bobards pour faire croire qu'une star va débarquer en guest à tout moment, avant d'annoncer à tout le monde que la star prévue ne viendra pas, ce qui provoquera un chaos total dans le club.

En tant que photographe, vous devrez accepter ce genre de situation et rester relax. Écartez toute responsabilité - ne mentez jamais, et si on vous le demande, dites que vous étiez sincèrement persuadé que la star en question allait débarquer. Profitez de la soirée et des shots de vodka gratuits, et soyez bien sûr que votre Uber soit arrivé au moment où le DJ prendra le micro, la mine déconfite, et s'apprêtera à faire un communiqué.

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« Je peux voir la photo ? »

La phrase que les photographes —qu'ils soient à l'intérieur ou à l'extérieur d'un club—ne veulent JAMAIS entendre. Même si on vit à une époque où les filtres VSCO et les masques Snapchat peuvent complètement altérer une image avec de simples changements de température et de lumière, la plupart des gens pensent encore que ce qu'ils verront sur l'écran de votre appareil correspond au résultat final. Ce qui nous conduit fatalement à la situation suivante…

« OMG, je suis horrible ! Prends en une autre. »

Y'a pas 36 solutions : soit t'as une bonne gueule, soit t'as pas une bonne gueule. Si t'es dans la première catégorie, félicitations ! J'espère que ça va marcher pour toi ce soir. Si tu fais partie de la seconde, pas de problème, j'ai des logiciels de retouche que j'utilise sur des centaines de personnes comme toi. Et comme tu me l'as demandé, je vais faire semblant de prendre une autre photo de toi, et je vais même lever le pouce pour te signifier que cette nouvelle photo est bien meilleure que la précédente, alors que je n'ai évidemment rien pris, après quoi je me fonderai dans la foule pour t'éviter jusqu'à la fin de la nuit et des temps.

« OK, mais, comment je fais pour retrouver la photo demain ? »

Situation compréhensible. Les gens acceptent de se faire prendre en photo, la moindre des choses c'est qu'ils puissent avoir le .jpg dès que possible. Bien sûr, la plupart des gens ne comprennent pas que je ne vais probablement pas éditer tout ce que j'ai pris dès le lendemain, et si je le fais, c'est uniquement pour le client - pas pour eux. Pour les amis, les gens que j'apprécie, ou les célébrités, cette règle est flexible, mais la plupart du temps, je laisse mon Instagram aux gens qui me le demandent et je déguerpis dès qu'ils commencent à faire défiler mon feed. C'est mieux comme ça.

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« Tu bosses pour qui ? »

Un des exemples les plus irritants de fils-de-puterie : quand un clubber avec un sens aigu de l'e-reputation vous demande pour qui vous bossez. Si vous leur citez un nom qu'ils ne connaissent pas, ils vous regarderont avec un dédain non dissimulé. Si vous bossez pour un gros média ou que vous suivez un artiste ou une célébrité, cette personne se collera à vous telle une sangsue. Pourquoi ? Parce qu'ils ont déjà posé la question à 26 personnes avant vous et qu'ils sont là dans l'unique but de s'incruster à l'after. Ou de choper un stage. Coupez court à cet espoir. Immédiatement.

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« T'en veux ? »

Certaines personnes ont tendance à croire que tous les photographes de soirée sont  The Cobrasnake. Alors certes, la plupart des photographes apprécient ce genre de proposition (parce que ça rend leur boulot plus supportable) et apprécient également de photographier des gens très légèrement vêtus (parce que ce sont des sujets intéressants). Ce qui ne veut pas dire non plus que ce sont des impératifs et que chacun suit cette voie de débauche. Quoiqu'il arrive, acquiescez et vous suivez cette personne—elle vous donnera, comme promis, de la drogue gratuite. Evitez juste de passer trop de temps avec elle si vous voulez finir la soirée, et continuer à ne rien payer.

« Attends, je vais te prendre en photo, en fait je suis *discours incompréhensible* »

À ce stade, tout va se jouer sur votre taux d'alcoolémie. Si vous êtes bien éméché, vous laisserez peut-être cette personne utiliser votre appareil à 3000 balles pour prendre une photo de vous. Si vous faites ça, il faudra vous assurer que cette personne sait s'en servir, et vous ne devrez de toute façon pas lui laisser l'appareil en main plus de dix secondes, parce qu'elle est sans doute aussi bourrée que vous. Mais comme vous êtes bourré, vous vous en foutez. Bonne chance.

Si vous êtes sobre, comme un vrai professionnel doit l'être, vous pouvez en profiter pour raconter cette anecdote où vous avez vu un type prêter son appareil et se le faire défoncer (d'ailleurs, ce type c'était vous et c'est pour ça que vous faites désormais en sorte de rester toujours sobre). Attention : ne dites JAMAIS que vous ne prêtez pas votre appareil aux tocards alcooliques. Philosophez juste sur les dangers de l'inhibition ou endormez-les avec du baratin technique.

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« Tu sors d'où, beau gosse ? »

Laissez-vous faire. Répondez avec la voix la plus râpeuse possible. Faites-la voyager. Après ça, demandez-lui si elle veut une photo. Elle pensera que vous cédez à ses avances. Prenez la photo, éloignez-vous et supprimez-la. Bravo, vous venez d'échapper à un tas d'emmerdes.

« Je te paie un verre. »

Là encore, ne compliquez pas la tâche. Acceptez. Souvenez-vous : ne faites pas le difficile, prenez ce verre. Si vous n'en voulez pas, renversez-le par terre ou laissez-le sur une table. On s'en fout. Mais ne soyez pas cette personne qui va abandonner une bière pleine devant une autre personne qui vient de la payer 10 euros.

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« Tu as pris une photo de moi hier soir. Envoie-la moi maintenant. »

Tu m'as filé du blé ? On se connait ? Je n'ai même pas ton nom dans mon répertoire et tu me demandes de t'envoyer une photo de toi 8 heures après que le club ait fermé ? Ok, dis moi à quoi tu ressembles que je supprime ta tronche à tout jamais de ma pellicule.

« Tu peux me mettre sur la liste ? »

Oui, bien sûr, mais uniquement sous le nom « Adolf Hipster ». À prendre ou à laisser.

Toutes les photos sont de l'auteur. Jake Kivanç est sur Twitter.