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Music

Range Tes Disques : Brujeria

Le groupe le plus craint des années 90 revient avec un nouvel album. On en a profité pour demander à leur leader, Juan Brujo, de classer les disques du groupe, du moins bon au meilleur.​

Range Tes Disques est une rubrique dans laquelle nous demandons à un groupe ou un artiste de classer ses disques par ordre de préférence. Après Korn, Slipknot, Lagwagon, Hot Chip, Manic Street Preachers, Primus, Burning Heads, le label Fat Wreck Chords, New Order, Ride, Jean Michel Jarre, Blur, Mogwai, Ugly Kid Joe, Anthrax, Onyx, Christophe, Terror, Katerine, Redman, Les Thugs, Moby, Les $heriff, L7, Descendents, Teenage Fanclub, Dinosaur Jr et Kery James, c'est au tour de Juan Brujo, chanteur de Brujeria, de classer les disques de son groupe, de celui qu'il trouve le moins bon, à celui qu'il considère comme le meilleur.

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Les légendaires metalheads mexicano-américains de Brujeria se sont formés en 1989 quand Juan Brujo, Billy Gould de Faith No More et Dino « El Asesino » Cazares (qui allait bientôt fonder Fear Factory) ont décidé de monter un groupe de grindcore pour représenter la communauté latino.

Baptisé Brujeria, qui signifie « sorcellerie » en espagnol, le groupe a (sans surprise) immédiatement provoqué la controverse. Il faut dire que les gens se posent vite des questions quand vous vous présentez comme des barons mexicains de la drogue et que vous camouflez vos visages avec des bandanas. A fortiori quand vos morceaux évoquent en vrac le satanisme, le sexe et le trafic de cocaïne. Chantées en espagnol, les chansons de Brujeria défonçaient en règle les politiciens corrompus, les flics violents et les lois racistes américaines sur l'immigration.

« Quand on a commencé, on voulait se détacher. On voulait être entendus, donc c'était normal pour nous d'avoir des textes très durs », explique Brujo. « On écrivait sur des trucs qu'on connaissait. On allumait les mèches. On foutait la merde. »

Et plus de 15 ans après, le groupe met toujours le feu. Pocho Aztlan, leur premier album en 16 ans, continue de tirer à balles réelles sur la politique anti-mexicaine. Durant les années 90, le groupe avait pris pour cible le gouverneur californien Pete Wilson et son soutien au décret 187, poussant le groupe à sortir son plus gros succès en 1995, Raza Odiada, disque qui débutait par une diatribe anti-Wilson.

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On ne change pas une recette qui gagne. Ce nouvel album, qui sort chez Nuclear Blast, contient un single intitulé « Viva Presidente Trump » dont la pochette représente un Donald Trump photoshoppé, une machette plantée dans la tête, avec pour seule légende : « Fuck You Puto ». Le ton est donné. On en a profité pour contacter Juan afin qu'il nous parle de ses anciens albums, de celui qu'il trouve le moins bon, à celui qu'il considère comme le meilleur.

3. Brujerizmo (2000)

Noisey : Celui-ci marque un léger changement par rapport aux disques précédents, c'était délibéré ?

Juan Brujo : Notre premier album avait été enregistré sur un 8-pistes, le deuxième sur un 16-pistes et le temps de composer le troisième, la machine ne fonctionnait plus et on n'a donc pas pu la réutiliser. On est passé au matos digital et c'est probablement ce qui fait que le son et le style ont un peu changé.

Et vous aviez également deux batteurs à l'époque.
Ouais, Nicholas Barker s'est trouvé être à L.A. quand on était en train d'enregistrer. J'imagine que Nic avait quelques problèmes après son départ de Cradle of Filth et il avait besoin d'un endroit pour se planquer donc il a habité chez moi pendant quelques mois.

2. Raza Odiada (1995)

Raza Odiada qu'on peut traduire par « race haïe » montre assez bien où vous en étiez en 1995, politiquement parlant.
Ouais, c'était juste après la soirée des Grammys à Hollywood, quand un de nos membres a été nominé pour son boulot dans son autre groupe. On ne savait pas que c'était une cérémonie où tout le monde était en costard donc moi j'étais en veste en cuir et tout. Et à un moment, j'ai bousculé le gouverneur Pete Wilson sans faire gaffe et ses yeux ont littéralement pris feu. Il s'est aussitôt retourné vers sa femme pour la protéger, croyant que j'allais la poignarder ou un truc du genre. La situation était plutôt embarrassante. Donc je me suis mis sur le côté pour les laisser passer et la sécurité m'a ensuite sauté dessus et m'a jeté dehors. J'étais le seul Mexicain de la fête.

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Une anecdote qui traduit plutôt bien l'ambiance de l'époque et ce que vous racontez sur le disque.
Ouais, six mois plus tard, Wilson a promulgué toutes ces lois délirantes qui étaient très anti-Mexicains et anti-immigration. Elles ont ensuite été retirées par le gouvernement quand ils se sont rendus compte qu'elles étaient illégales. Voilà pourquoi le premier morceau du disque, « Razia odidia (Pito Wilson) » est sorti aussi vite. Je me disais « Il faut qu'on sorte ce titre maintenant avant que ce mec ne se présente à la présidence. Il faut avertir tout le monde ! »

1. Matando Güeros (1993)

J'imagine que vous saviez que cette pochette allait poser problème ? 
Moi oui, mais pas notre label. Je crois qu'ils pensaient que c'était juste un disque en espagnol et que tout le monde allait s'en foutre. Le lendemain de la sortie, le label m'a appelé et j'ai répondu : « Qu'est ce qui se passe ? On en a déjà vendu un million ?! » Et ils ont dit : « Non, il a été interdit dans 25 pays. »

Il y a eu beaucoup de spéculation autour du propriétaire de cette tête.
Elle appartenait à un type lambda qui s'est laissée embarquer dans un truc qui le dépassait, et quelqu'un l'a abandonnée sur la voie, comme ça. La photo provenait d'un magazine de Mexico qui publiait tout le temps des trucs de type « regardez, les flics ont tué tous ces mecs ». On a appelé l'éditeur en lui demandant si on pouvait utiliser l'image. Il a refusé puis a fini par nous demander combien on était prêts à payer. J'ai dit que je lui en donnerai 300 dollars et il a répondu « Ok, j'envoie un coursier illico ».

L'image était terrible, mais ce qui faisait aussi flipper, c'était votre anonymat. Les gens ont toujours peur de ce qu'ils ne peuvent pas voir. Si on ajoute ça à votre style, votre musique et votre message, l'angoisse était totale.
Tout a parfaitement fonctionné. Pas de noms, un groupe qui ressemblait à un gang, et le titre qu'on pouvait traduire par « Tue l'enfant blanc ». Les gens ont aussitôt été choqués. Donc ouais, tout le concept était superbe.

Si on se penche sur l'année 1993, en Amérique et particulièrement en Californie, les relations interraciales étaient dans un état déplorable. Certains diraient que ça n'a pas beaucoup évolué depuis.
Tout le monde détestait tout le monde à l'époque. Quand t'étais Mexicain, ils ne voulaient pas te voir à certains endroits, et si t'étais un Mexicain né aux Etats-Unis et que tu retournais au pays, les locaux disaient que tu étais différent et te traitaient de tous les noms. En 93, le climat était aussi pourri que ça. La haine était partout. Et ce truc est en train de revenir avec Donald Trump. Il a réussi à nouveau à monter les gens les uns contre les autres.

Pour un jeune garçon qui tombait sur votre disque en 1993, l'expérience devait être mortelle. Vous étiez les bad boys et en même temps vous disiez la vérité et vous aviez un vrai message.
Ouais, c'est pourquoi Matando Güeros est mon album préféré de Brujeria. Tout fonctionne sur ce disque. Dès que j'ai appris qu'il avait été interdit, je me suis dit : « C'est bon, on a fait du bon boulot. »