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N'importe quoi

J’étais un con et ma petite ville s’assure que je ne l’oublie pas

Causer du tort est une drogue. Et le meilleur passe-temps. Les autres étudiants applaudissaient mes mauvais coups.

Je pensais que j'avais aimé l'école secondaire. En fin de compte, c'était juste une aventure. C'était un endroit rempli d'ados qui se laissent facilement influencer et impressionner, qui ont contribué à me bâtir une réputation et, à ce moment-là, j'en étais fier. Aujourd'hui, je ferais n'importe quoi pour m'en débarrasser. Normalement, si quelqu'un pisse dans ses pantalons dans un cours d'éducation physique ou bouffe des dizaines de sachets de ketchup pour dîner, il est libéré de cette gênante partie de sa vie au bal des finissants. Le monde a mieux à faire que de s'en souvenir et passe à autre chose. Mais dans la plus petite province canadienne, l'Île-du-Prince-Édouard, il traînera sa réputation à vie. J'étais un con. Ça a commencé à un moment où la liste de choses à faire à Charlottetown était épuisée. Ce qui arrive vite. Mon école de Charlottetown était un mélange d'étudiants de la campagne et de la banlieue qui avaient en commun une belle pauvreté culturelle. Où la stupidité était cool. Les profs nous fichaient la paix, les corridors étaient toujours vides, tout était possible. L'idéal pour causer des dommages à la propriété, humilier les étudiants moins populaires et se bâtir une belle réputation. Comme dans n'importe quelle autre école, ton groupe, c'est ton identité. Il y avait les fumeurs, les skaters, les musiciens, les nerds… Moi, j'étais dans un groupe spécial : ceux qui sont accros aux mauvais coups.

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On a arrosé un étudiant (qu'on aimait bien pourtant) avec un extincteur, rempli à craquer un radiateur de pâte à biscuit, déclenché des batailles de bouffe assez régulièrement. J'ai passé beaucoup de temps en retenue pour m'être moqué de mon professeur, qui avait selon moi une démarche « trop efféminée ». J'ai marché sur son chargeur de caméra neuf, qui a été ensuite bon pour la poubelle. J'ai filmé en secret un vieil homme qui boitait pour mon projet de fin d'année intitulé Vieux fou — et je n'ai même pas coulé le cours. J'allais faire des numéros deux dans des entrepôts du Home Depot. J'ai lancé un arbre de Noël du haut des escaliers. J'ai ouvert une borne-fontaine pour inonder un parc. Un jour, j'ai coupé les tuyaux de tous les urinoirs. La parade d'étudiants qui devaient pisser dehors a été un événement monumental. Malgré tout, je n'ai jamais été suspendu. Ce qui m'a donné un sentiment d'invincibilité.

Causer du tort est une drogue. Et le meilleur passe-temps. Les autres étudiants applaudissaient mes mauvais coups. Mon ego s'élargissait à la même vitesse que ma réputation. Puis, un peu après mes 18 ans, je me suis fait arrêter sur le toit du centre commercial. C'est là que votre humble narrateur a entrevu les conséquences qui m'attendaient plus tard. J'aimerais bien vous dire que j'ai enfin compris que j'aurais pu blesser quelqu'un, mais ce n'est pas le cas. À ce moment-là, j'ai pensé que je pourrais me retrouver en prison. Et que la prison, c'était le début de la fin. Après mon arrestation, ce n'était plus le fun d'être con. Ma mauvaise réputation a fait le tour de la ville. Je n'étais plus admis au party de fin d'année. Les gens avaient une opinion à mon sujet avant même de me rencontrer. Aujourd'hui, mes amis savent ce que je suis devenu, dix ans plus tard. Mais l'opinion des autres, qui n'ont connu qu'une partie de mon ancien moi, reste figée dans le temps. Ils définissent une personne à partir de ce qu'ils entendent, et ce qu'ils ont entendu à mon sujet, ce n'est pas le meilleur. En fait, c'est presque toujours le pire. Les gens parlent, et les autres parlent de ce qu'ils ont entendu. Votre vie personnelle devient le jeu du téléphone arabe sans fin. J'ai toujours aimé divertir, mais aujourd'hui je ne le fais plus aux dépens des autres. J'ai noué des relations profondes basées sur le respect mutuel, je suis là mes proches et je me contrôle. On dit sans doute de moi que je suis un bon gars. Mais ça n'a pas été facile. J'ai dû travailler dur chaque jour pour devenir un adulte presque décent. Quand on vient d'une magnifique petite île, on a envie d'y retourner l'été (je vis maintenant à l'autre bout du pays). Tous ceux qui ont grandi à l'Île-du-Prince-Édouard vous le diront : les gens là-bas adorent commérer. Quand j'y retourne, ce sont les rencontres en personne qui piquent au vif. Les regards, le ton condescendant, mon immaturité présumée sont habituels quand je tombe sur d'anciens « amis ». Comme si les gens étaient fiers de savoir qui je suis ou d'avoir été témoins de mes « exploits légendaires ». Quand je retourne à la maison, ma réputation me précède. Je serai toujours celui qui a lancé des ballounes d'eau aux gens qui sortaient du spectacle d'Anne… la maison au pignon vert. On dirait que les gens sont coincés dans une machine à voyager dans le temps confuse : ils ont vieilli, mais ne peuvent voir que la personne que j'étais il y a dix ans.

Leurs commérages ne s'arrêtent pas. Alors, quand je retourne à la maison, je n'écoute personne et je me fiche de ce que les gens disent, comme le petit con que j'étais.

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