Accoutrements sacrés

NIÑO FUTBOLISTA (L'ENFANT JOUEUR DE FOOT) — La plupart des Mexicains sont obsédés par deux choses : le foot et la religion. Naturellement, beaucoup prient le Niño Futbolista au moment du coup d'envoi, des corners et à tous les autres instants clés nécéssitant un miracle sur le terrain. Il est si populaire qu'il est exposé toute l'année dans l'église San Miguel de Tacuta, à Mexico. Les catholiques mexicains trouvent le petit jésus tellement mignon qu'ils ne peuvent s'empêcher de lui mettre toutes sortes de petites tenues et de gentils costumes. C’est particulièrement vrai au mois de décembre, quand l’adoration du Niño Dios (l’Enfant Dieu) atteint des sommets. Le soir de Noël, les familles se retrouvent autour de la crèche et placent délicatement une figurine du Christ nouveau-né dans la mangeoire où il reposera jusqu’au 2 février, date de la Chandeleur, célébrant la purification de la Vierge Marie.

Officiellement, l’Église catholique n’approuve qu’une poignée de variantes pour le nom du Christ. Par exemple : le Niño Divino (l’Enfant Divin), le Good Shepherd (le Bon Berger) et le Petit Jésus de Nazareth. Tous désignent le même enfant sacré, habillé différemment selon le type de prière ou de vertu associée à chaque look. Mais cette pratique s’est développée jusqu’à devenir une mini-industrie. Aujourd’hui, les figurines élaborées ont différentes tailles et couleurs de peau et montrent plusieurs visages de Jésus Christ. Il n’est pas rare de le voir vêtu d’un pyjama, d’une tenue de chirurgien, d’une robe de princesse ou d’une armure de guerrier aztèque.

Introduites dans le pays par les Européens il y a plus de 400 ans, les figurines de l’Enfant Jésus sont traditionnellement offertes en cadeau. Celui qui l’offre est considéré d’office comme le parrain ou la marraine de l’enfant-figurine et doit fournir de nouveaux habits pour le Petit Jésus – en suivant un code vestimentaire très strict –, et ce pour les trois années suivant l’offrande. La première année : le bébé Christ doit porter un ensemble blanc tricoté ; la deuxième : une tenue d’ange (avec ses incontournables ailes dorées) et la troisième : le filleul doit arborer une robe céleste immaculée. Après cette étape finale, les parrains et marraines sont libérés de leurs obligations et la figurine peut enfin être habillée selon les souhaits de son propriétaire – même si cela signifie l’affubler d’un maillot de foot et d’un pantalon de survêt.

Doña Lupe est une tailleuse spécialisée dans les tenues de Petit Jésus ; elle officie à Mexico. Selon elle, le marché serait en pleine expansion. En seulement sept ans, son en- treprise est passée du statut de simple stand posé en bord de route à celui de magasin de gros bien établi. « Nous fabriquons tous les costumes et, de décembre à février, nous nous concentrons uniquement sur la vente. J’envoie les produits dans tout le pays, à Matehuala, Monterrey et Oaxaca. J’ai même un nouveau client à Denver », explique-t-elle.

Même si certains représentants de l’Église condamnent cette tradition sous prétexte que Jésus n’est pas censé être habillé comme une vulgaire poupée de fillette, beaucoup de prêtres ont fini par adopter cette pratique. À l’église de San Bartolomé, nous avons rencontré Fray Pedro, un prêtre d’environ 80 ans entré dans les ordres à l’âge de 13 ans. « Ce n’est pas l’image mais l’amour que nous donnons qui fait que tout cela continue. Puisque Dieu est omniscient et qu’Il est Amour, eh bien, nos prières vont toutes à notre vieil ami commun. La Vierge Marie est habillée et nommée de différentes façons dans de nombreux pays. Même l’image de Jésus sur la croix a été modifiée. Il a été crucifié nu ! C’est l’homme qui a ajouté un linge autour de sa taille, par pudeur. »

NIÑO ANGEL (L'ENFANT ANGE) — Le Petit Jésus âgé de 2 ans, dans une tenue appropriée au Paradis.

NIÑO CIRUJANO (L'ENFANT CHIRURGIEN) — Tout propre et prêt à opérer, Niño Cirujano reçoit les prières des patients qui subissent de grosses opérations.

NIÑO DE LA FE Y EL TRABAJO (L'ENFANT DE LA FOI ET DU TRAVAIL) — Le Petit Jésus le plus actuel en cette période économique incertaine, c'est sans doute ce petit gars en bleu. Il est vénéré par les chômeurs et les gens désireux de se poser un peu dans la vie. À ne pas confondre avec Niño de la Abundancia (le Petit Jésus de l'Abondance).

NIÑO BEBÉ TEJIDO (LE BÉBÉ EN ROBE BRODÉE) — Le Petit Jésus en tenue confort, âgé d'un an.

NIÑO DE LAS SUERTES (L'ENFANT DU DESTIN) — Les parents d'enfants disparus prient auprès de cette incarnation de l'enfant Jésus dans l'espoir qu'il se réveillera au milieu de la nuit pour patrouiller dans les rues à la recherche de leur progéniture perdue. Il est exposé toute l'année au couvent de San Bernardo à Xochimilco, un quartier de Mexico. Doña Lupe avec son Petit Jésus préféré devant sa boutique Trajes Tejidos y Bordados Lupe, dans le centre de Mexico.