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LE NUMÉRO PHOTO 2009

Harri Peccinotti

Tout photographe qui a choisi de faire carrière en prenant de belles femmes en photo devrait prêter allégeance à Harri Peccinotti.

Tout photographe qui a choisi de faire carrière en prenant de belles femmes en photo devrait prêter allégeance à Harri Peccinotti. Il a été le premier à capturer sur pellicule le côté sexy de la vie de tous les jours : des filles suçant langoureusement un bâtonnet de glace, des gros plans sur des paires de fesses à vélo ou encore des playmates de plages californiennes prises au téléobjectif. Harri est né à Londres en 1935. À 14 ans, il décide d’arrêter l’école pour créer les illustrations des pochettes du label de jazz Esquire Records. Au cours des années 1950, il travaille comme photographe publicitaire, puis collabore en tant que directeur artistique avec des monstres du papier glacé comme Rolling Stone, Vogue et Vanity Fair UK. Mais Harri est avant tout reconnu comme le cerveau de Nova, magazine anglais publié pour la première fois en 1965, qui a établi de nouveaux standards en termes d’édito et de maquette en intégrant les codes importés de la culture psychédélique et de la presse underground de l’époque. En 1968, au retour d’un reportage au Vietnam, il est engagé pour s’occuper du légendaire calendrier Pirelli, les pin-up photographiées illustrant les poèmes romantiques publiés dans l’almanach : de sublimes photos de femmes flânant sur l’île de Djerba, en Tunisie. Pirelli a tellement aimé les ­clichés qu’ils l’ont réinvité l’année d’après, et Harri a poussé le facteur cul plus loin, en faisant intervenir les playmates californiennes susmentionnées à divers stades de nudité. Récemment, Harri s’est concentré sur les reportages ethnographiques, la réalisation de films ainsi que la publication de bouquins retraçant ses travaux passés. Il continue aussi à faire des photos pour la pub et la mode, et travaille comme photo editor pour Le Nouvel Observateur. On l’a rencontré à Paris, on espérait glaner une once de la sagesse d’un des hommes les plus talentueux à avoir jamais tenu un appareil photo.

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Vice: Bonjour Harri. Comment êtes-vous devenu l’un des plus grands photographes érotiques de tous les temps ?
Harri Peccinotti: Franchement, je n’en ai aucune idée. Je pense que c’est arrivé par accident, en prenant des photos de femmes sans vêtements. C’est ce que j’ai fait en 1968 pour le calendrier Pirelli. Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu un seul téton à l’air dans ces calendriers avant le mien, et encore, on n’en voyait qu’un seul. De nos jours, on voit des entrejambes et je ne sais quoi encore absolument partout. J’ai toujours fait beaucoup de gros plans, parce que c’est graphique, ça va au plus près. Je suppose que c’est ce côté graphique de mes photos qui les rend érotiques, pas le sujet. Beaucoup de gens citent Nova comme l’un des magazines les plus influents de l’histoire. Qu’est-ce qui vous a poussé à lancer le magazine ?
Quand on a commencé, c’était une sorte de test pour un marché bien parti­culier. On voulait voir s’il y avait un créneau pour un magazine qui considérait les femmes comme des intellectuelles, et c’est pourquoi j’ai eu une telle liberté de mouvement. Je crois qu’au début il y avait une sorte de sous-titre immonde, du genre Nova : pour un nouveau genre de femme. La libération de la femme était un des sujets les plus en vogue à l’époque. C’est pas un peu pervers de publier des photos de femmes nues dans un magazine pour femmes, surtout à cette époque ?
Eh bien, toutes les femmes qui travaillaient au magazine (beaucoup de brillants écrivains, comme Germaine Greer) étaient féministes, mais pas antisexe. Elles étaient plutôt ouvertes. Par exemple, je me souviens d’une sorte de hippie américain qui avait mitraillé sa femme en train d’accoucher. Il avait tout pris de manière très explicite du début à la fin. J’ai apporté la série au rédacteur en chef qui a été d’accord pour la publier. Quand c’est sorti, le magazine a été sold out en l’espace de dix minutes. Personne n’était habitué à voir de telles choses, surtout les hommes. Vous avez aussi été l’un des premiers photographes à publier des photos de modèles noirs.
Je suppose que oui. C’est arrivé assez naturellement. Je pense que toutes les femmes sont séduisantes. Je ne comprenais pas pourquoi on ne voyait jamais de modèles noirs à l’époque. Vos femmes n’avaient pas l’air « parfaites » comme les modèles d’aujourd’hui.
En effet, je préfère quand elles ne le sont pas. Je pense qu’elles sont parfaites, mais je ne conçois pas les standards de taille ou de forme. Comme je l’ai dit, je trouve toutes les femmes attirantes. La photo de la fille japonaise que vous avez choisie était destinée à un shoot pour du maquillage au Japon. C’était très difficile de trouver des modèles japonais au Japon ; à l’époque, les modèles japonais étaient soit moitié coréens, soit moitié blancs. Cette fille n’était pas modèle, elle travaillait auprès d’Issey Miyake. Une fois dans Nova, il y a eu un article du genre « Laissez pousser vos poils » ou quelque chose comme ça. Vous aimez réellement que les femmes s’abstiennent de raser leurs aisselles ?
Ouais bien sûr, j’adore les dessous de bras naturels et les poils pubiens. J’aime plutôt l’idée d’être poilu. J’aimais bien ce type de femmes italiennes ou espagnoles très charnelles, qui refusaient de se raser. C’est compliqué pour moi de photographier des filles aujourd’hui parce qu’elles ont toutes des tatouages, des nombrils percés et des pubis épilés en forme de cœur. Avant de finir, je veux savoir si vous voulez bien divulguer votre plus grand secret : comment faisiez-vous pour que vos modèles se sentent tellement à ­l’aise ? Elles auraient pu faire n’importe quoi pour vous du moment que vous teniez un appareil photo.
Je ne sais pas. Je n’aime pas me montrer dirigiste. Je suis juste silencieux. En ce temps-là, j’avais à peu près le même âge que les modèles – du moins, nous étions connectés sexuellement, et parfois il arrivait que ça dérape. À présent je pourrais être leur grand-père, mais c’est toujours aussi agréable. Le nouveau livre d’Harri Peccinotti, H.P., qui retrace les meilleurs travaux de ses quarante ans de ­carrière, est disponible aux éditions Damiani.