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Je suis devenu fou à cause de mes punaises de lit

Mon combat quotidien avec les créatures les plus infâmes que la Terre ait portées – et les séquelles qu'elles m'ont laissées.

Tout a commencé quand j'ai trouvé une punaise. Après avoir laissé une multitude de messages vocaux à mon propriétaire, la crainte et la paranoïa ont commencé à m'envahir alors que j'attendais une réponse. Mes deux colocataires ont tenté de me convaincre qu'il n'y avait pas lieu de m'inquiéter, tandis que ma petite amie entamait des recherches sur Google. Bien sûr, une fois que j'ai pu joindre mon propriétaire, je lui ai demandé de faire inspecter notre maison. À plusieurs reprises.

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C'est ainsi que mon long combat contre les punaises de lit a commencé.

Après des semaines d'incertitude et un silence radio de la part de mon proprio, je me suis réveillé avec des punaises de lit sur la poitrine. J'ai rappelé mon propriétaire jusqu'à ce qu'il daigne me répondre par mail. Il m'a expliqué que mon problème était « insignifiant » et que je pouvais tout à fait le gérer moi-même. Comme je n'avais pas croisé plus de deux punaises, j'ai naïvement cru que ce serait à ma portée.

J'ai acheté une peinture métallisée et du poison, j'ai commencé à nettoyer notre maison, pièce par pièce, et trouvé bien plus de punaises de lit que ce que je ne craignais. J'ai expliqué à mes colocataires comment préparer leurs affaires et comment terminer de nettoyer la maison en faisant exception d'une chambre – la mienne, dont je préférais m'occuper seul.

C'est l'odeur qui m'a frappé en premier : on aurait dit des fraises en décomposition. Les chiens renifleurs peuvent savoir où sont les punaises durant les premiers stades d'une infestation. Les humains ne sont pas en mesure de le faire. Je savais qu'elles étaient là, mais je ne m'attendais pas à en trouver autant. J'ai soulevé le coin du drap de mon lit, avant de constater que mon matelas était noirci par des excréments, et les coutures remplies d'œuf.

Photo via Ny State IPM Program

Des familles de monstres bien nourris qui ne font même pas la taille d'un pépin de pomme avaient donc élu domicile dans mon lit. Les punaises n'avaient même pas daigné se cacher – elles vaquaient à leurs occupations tranquillement, comme si elles se sentaient en sécurité. J'ai brandi deux aérosols et aspergé ces sales bêtes de pesticide dans un élan de rage meurtrière. Des centaines d'entre elles se sont mises à fuir, d'autres sont parties en direction des prises électriques, tandis que les dernières ont glissé sous mon sommier. Certaines se sont mises à courir dans le boîtier Wifi et à travers les fissures des murs de ma chambre.

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La guerre était déclarée. Au vu du nombre de bestioles agglutinées dans ma chambre, j'ai réalisé qu'elles avaient entamé leur colonisation il y a un bon moment. J'ai demandé à mon coloc pourquoi il ne m'avait rien dit. « Je pensais pas que c'était important, elles attaquent juste les vêtements, non ? » a-t-il répondu. Je n'avais aucun moyen de savoir où en était l'infestation. Au troisième mois, les punaises de lit jouissent d'un accès constant à la nourriture, ce qui leur permet de grandir de façon exponentielle. J'ai envoyé ma petite amie vivre chez mon patron pendant que j'essayais de sauver nos affaires.

Nous n'avions pas les moyens de nous offrir un traitement pour un si grand espace. Du coup, je suis allé voir un avocat qui m'a dit d'attendre la fin de mon bail – trois mois – et de quitter la maison. « Vous pouvez aller à la commission de conciliation locataire-propriétaire, mais ça prendra sans doute tout autant de temps » – c'est le meilleur conseil qu'il m'ait donné au cours de notre rendez-vous. Peu après, il m'a demandé si j'avais des punaises dans mes vêtements avant de fixer la chaise sur laquelle j'étais assis.

Il ne me restait plus qu'à prendre les armes. Mon premier assaut m'avait permis de parsemer la horde un peu partout dans la maison. Notre chat avait contribué à les répandre un peu partout, tel un petit bus de fourrure vaquant de chambre en chambre. Pour résumer : les punaises étaient partout. J'ai arrêté de sortir et d'éteindre les lumières, commencé à démonter tout ce que je pouvais, jeté mes meubles et mis de l'acide borique en poudre dans mon lit tous les jours. Ma lampe de poche était devenue ma meilleure amie. Avant d'aller au boulot, je m'arrêtais fréquemment dans les toilettes publiques pour me déshabiller et vérifier que je n'avais pas de bête sur moi.

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Le fait de dormir peu n'a pas vraiment aidé. Les punaises de lit aiment la nuit, mais sans doute parce que leur hôte est endormi. Si vous ne dormez pas, ils viennent vous rendre visite. Il m'était devenu impossible de faire un truc aussi trivial que chier – les punaises passaient sous la porte et défilaient près de mes pieds nus. Quand j'arrivais à trouver le sommeil, je me réveillais peu de temps après, en panique. Je suis resté éveillé tellement longtemps que j'ai fini par pleurer de manière incontrôlable. Mes propos devenaient incohérents. J'ai même arrêté d'aller en cours, et mes notes en ont vite pâti.

Des piqûres de punaises de lit. Photo via Wikimedia

J'ai fini par aller voir un médecin. En balbutiant et en grinçant des dents, je lui ai expliqué ma situation. Un examen de ma santé mentale a révélé que j'étais anxieux, insomniaque – et tout un tas de choses susceptibles d'arriver à quiconque est en guerre avec une horde d'insectes. Le médecin m'a prescrit des somnifères – l'idée d'en prendre ne me réjouissait pas, mais c'était devenu nécessaire – et donné un nouveau rendez-vous, quelques semaines plus tard.

C'est stupéfiant de voir jusqu'où les gens vont pour arrêter les punaises. S'empoisonner est une technique très répandue, et je vous assure que ça peut paraître tout à fait rationnel quand on est en proie à une infestation. De nombreux pesticides prétendent pouvoir tuer les punaises – mais seuls les produits sous licence qui ont passé des contrôles antiparasitaires peuvent vraiment marcher. Je vous déconseille vivement le DDT et la phosphine – vous pourriez finir par tuer un de vos proches.

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Mes armes de choix étaient des poisons à base de pyréthrine et d'acide borique. Je dormais dans l'acide borique, ce qui me donnait de l'urticaire. De leur côté, les pyréthrines sont un peu plus sinistres – même si j'utilisais la version grand public que n'importe qui peut se procurer. Je suis incapable de me rappeler combien de sprays j'ai acheté, mais je pulvérisais ma chambre et mon lit tous les jours. Tant que je savais que ces enfoirés d'insectes ne pouvaient plus se reproduire dans ma literie, j'arrivais à supporter les vomissements, les étourdissements et les maux de tête que je subissais fréquemment. La première fois que j'ai toussé du sang dans ma main, je n'ai rien pu faire d'autre que rire nerveusement.

Une paire de punaises grassouillettes. Photo via Medill DC

J'ai essayé de trouver d'autres moyens de les ralentir, en parallèle de mes recherches de logement. Je me suis dit que ce serait une bonne idée de mettre du scotch double face autour des extrémités de mes vêtements. Certes, les punaises continuaient d'envahir mes pantalons – mais au moins, ils avaient du mal à en sortir.

Finalement, ma petite amie et moi avons trouvé un autre endroit où habiter. On a enfin abandonné cette maison de l'Enfer pour un appartement situé dans un quartier somme toute agréable. Le truc, c'est que ma galère ne s'est pas arrêtée là. Je n'avais plus besoin de pulvériser des pesticides en permanence, mais mon esprit semblait toujours en alerte. La lampe de poche restait nichée dans mon oreiller, et je devais attendre que ma partenaire se soit endormie pour ramper à travers la maison et vérifier tous les meubles.

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J'ai continué comme ça à chercher tous les jours, jusqu'à ce que je retrouve une punaise de lit. Du moins, je pensais en avoir trouvé une. Je ne pouvais pas l'attraper et ma lampe de poche n'avait plus de piles – mais j'en étais presque convaincu. Mon nouveau propriétaire avait traité notre appartement deux fois, mais j'étais assez suspicieux par rapport aux choses que j'avais ramenées de notre ancienne maison. Je continuais à vérifier mes vêtements dans la salle de bains, je sursautais dès que je voyais un amoncellement de poussière bouger, et je me grattais toujours jusqu'au sang. J'ai fini par rendre ma copine complètement tarée. Parfois, elle se réveillait au beau milieu de la nuit et me retrouvait sous la couette en train de m'inspecter avec ma lampe torche.

« Tu vas redevenir normal, un jour ? On dirait que tu es atteint de trouble de stress post-traumatique. » Elle marquait un point – il a été prouvé que les infestations pouvaient conduire à des TSPT, surtout pour les personnes ayant souffert d'une maladie mentale. J'ai continué mon suivi médical et j'ai vu un thérapeute pendant un petit moment. Je n'ai jamais été testé pour le SSPT, mais plutôt pour le spectre de l'anxiété. On m'a dit que j'étais atteint d'une phobie – même si ce mot implique que ma peur était irrationnelle. Je veux bien admettre que j'avais tort de continuer de m'enduire le corps d'acide borique, mais je trouve qu'il n'y a rien de plus rationnel que de ne pas vouloir vivre avec des punaises de lit en permanence.

Ma relation de trois ans s'est érodée au cours des mois qui ont suivi, pour une multitude de raisons. Je ne vais pas blâmer les punaises. Cela étant dit, je sais que le fait d'être devenu un type extrêmement vigilant et obsédé par une lampe de poche n'a pas vraiment aidé. J'ai arrêté d'aller à mes consultations, faute de temps. Finalement, ça m'a plus aidé qu'autre chose – j'arrivais désormais à m'asseoir dans le métro.

Deux ans plus tard, je ne suis pas tout à fait guéri. Depuis que j'ai commencé à écrire cet article, je me suis appliqué de l'acide borique sur le corps deux fois, et mon dos me gratte toujours énormément. Ma fidèle lampe de poche orne toujours ma table de chevet. Quand je vois un matelas abandonné – surtout ceux qui comportent des coups de couteau –, je change immédiatement de trottoir.

Récemment, j'ai été réveillé par des morsures. J'étais terrifié, jusqu'à ce que je trouve une toile avec de minuscules araignées dans mes rideaux. J'étais tellement heureux et soulagé que je n'ai pas pu réprimer mon fou rire, avant de jeter mes rideaux par la fenêtre.

Pour moi, il y a deux manières de vivre : celles des gens qui vivent avec des punaises et celle de ceux qui vivent sous la menace d'une infestation de punaises. Je vais devoir trouver un moyen de surmonter cette peur. Quand je pense être infecté, je vérifie tout ce que je peux, je mets en place des pièges et j'essaie de me calmer avant de m'imaginer dormir. J'essaie de prendre des risques raisonnables, comme marcher sur le bord du trottoir au lieu de changer de trottoir. Ce n'est probablement pas la meilleure façon de guérir, mais j'ai sincèrement besoin de ces petits rituels. C'est la seule chose qui me permette de gratter l'égratignure qui se trouve à l'intérieur de mon crâne.