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Music

L'histoire d'Overcome Records et du hardcore rennais par David Mancilla

Stormcore, le violent dancing, le Superbowl of Hardcore, les descriptions mythiques sur le catalogue du label : il nous dit tout.

Stormcore en 1993 dans une usine désaffectée de Rennes, « paradis des graffeurs ».

Du milieu des années 90 au début des années 2000, Rennes a été la capitale du hardcore en France, et la première scène digne de ce nom dans l'hexagone. A l'image de ce qui faisait aux Etats-Unis dans les années 80 et plus particulièrement dans le hardcore new-yorkais, les kids bretons avaient leurs propres groupes (Stormcore, Underground Society, AWOL, Right 4 Life et Slamface à Nantes), leurs fanzines (Da Hardside Report, In Da True Dpirit, Da LxB, etc), leur asso de concerts et émission de radio (la Hardside Connection) et même, un peu plus tard, leur propre label et distributeur de disques (Overcome Records). 100 % DIY. Regroupés sous la bannière KDS crew avec leur potes de Nantes, ils furent également parmi les premiers à importer le violent dancing en France et en Europe, semant le chaos et la zizanie dans la scène alternative française relativement sclérosée de l'époque.

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Après le dernier Superbowl of Hardcore en 2001 (le festival que les gars organisaient chaque année à Rennes), ce fut à Nantes de reprendre le flambeau avec l'impulsion du label/VPC The Age Of Venus. Le Furyfest connaîtra 4 édtions entre 2002 et 2005 et se transforma, vous ne le savez peut-être pas, en Hellfest dès 2006. David Mancilla, ex-leader de Stormcore et ex-boss d'Overcome, vit toujours et coule des jours paisibles au Mexique. Je lui ai rendu visite avant son déménagement il y a quelques mois pour fouiller dans ses cartons de photos et de flyers et discuter de toutes ses activités liées au hardcore. En vrac : la scène française, la découverte et la création d'un mouvement, les concerts et les festivals partout en Europe, la sale réputation, la violence, la naissance et la mort d'un label, les vicissitudes de la VPC et la flamme hardcore qui brûle toujours. C'est juste en dessous que ça se passe. Represent !

Toutes les photos sont publiées avec l'autorisation de David Mancilla. Et vous pouvez en voir d'autres sur VICE.

Noisey : Stormcore s'est formé en quelle année ?
David Mancilla : 1991. On a réellement commencé à s'y mettre mi-92. Notre première démo est sortie en janvier 93. Au début on formait un trio, Pascal, Olivier et moi. Et puis Mathieu, l'autre guitariste, un pote qui nous avait enregistré, avait envie de jouer alors il s'est joint au groupe.

Vous l'avez donné où votre premier concert ?
Au Café de Flore à Rennes, à côté du collège Jean Macé, juste après la sortie de la démo en 93. On était tout seuls sur l'affiche, et c'était super. Ça a fait l'effet d'un électrochoc pour plein de gens parce qu'il n'y avait pas de concerts comme ça, avec des groupes de Rennes, à l'époque. Dans le coin, il y avait juste les Mass Murderers qui faisaient du punk et qui étaient de Saint-Brieuc (ils s'appelaient encore les Slumlords d'ailleurs).

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Le hardcore en tant que scène était quasi inexistant en France avant les années 90. Il y avait pas mal de groupes (Oncle Slam, MST, Flitox, Final Blast, Heimat-Los, Les Gnomes, Parkinson Square, etc.) mais ils étaient éparpillés un peu partout en France sans forcément se proclamer « hardcore ».
Quand nous sommes arrivés en 1992, les groupes que tu cites n'existaient plus, sauf Oncle Slam qui avaient changé de nom en Hate Force (je recommande d’ailleurs leur excellent album Back for more !). Ces groupes étaient plus assimilés à la scène punk, voir alternative de l'époque, même si certains sonnaient carrément hardcore. C'était une scène que finalement j'ai peu connue, mais elle n'a pas laissé de traces marquantes. Mise à part Mickey, l’ex-chanteur de MST (qui bosse aujourd’hui au bar La Cantada II), je n'ai jamais fréquenté d'autres activistes de cette époque. En revanche, Mickey a été d'une très grande influence pour moi dans l'organisation de concerts et tournées, très ouvert d'esprit, il pouvait faire jouer aussi bien Madball, Neurosis, que GBH ou Gunshot ! Le label Jungle Hop a aussi eu une grosse influence sur moi que ce soit pour l'orga de concerts ou la production de disques, mais pareil, il n'existait déjà plus en 1992.

Quels sont les groupes hardcore qui t'ont donné envie d’en faire ?
En fait, les premiers trucs hardcore que j'ai entendu, je les assimilais au metal. Suicidal Tendencies, Cro-Mags… J'écoutais beaucoup de metal dans les années 80, du thrash et du death. Parallèlement à ça, j'ai toujours écouté du hip-hop, j'avais déjà cette culture urbaine. Je faisais un fanzine avec des potes métalleux, Notes [qui s’est esnuite appelé Rock Blast], et on recevait de plus en plus de démos, c'est comme ça que j'ai découvert le truc. Mais ce qui a vraiment tout déclenché, c'est quand j'ai vu le clip de Cro-Mags dans Les Enfants du Rock sur la 2, vers 1988 je crois. Là je me suis dit : « putain… ça déchire. » Donc je cherchais des groupes dans le même style que Cro-Mags mais j'en trouvais aucun. C'était difficile, j'étais pas dans le mouv', je connaissais personne.

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Puis un jour, toujours à Rennes, lors d’une braderie, j'ai rencontré une sorte d'ancien skin, plus âgé que moi. Il m'avait vendu un 45 tours de GO! et des magazines Maximum Rock'n'Roll. A partir de là, j'ai commencé à écrire et à découvrir plein de groupes. Très rapidement aussi par le biais du hardcore new-yorkais, j'ai découvert Agnostic Front, S.O.D., Anthrax, tout ça. Les mecs avaient des T-shirts d'autres groupes, je regardais, et c'est comme ça que je suis tombé sur tout le reste, au fur et à mesure. Une fois que j'ai compris vraiment ce que c'était, j'ai fait beaucoup de tape trading avec d'autres mecs, en France déjà, malgré le peu qu'on avait, on échangeait tous nos cassettes, nos vidéos… Dès qu'un nouveau groupe sortait on achetait les démos, les T-shirts, etc. Voilà comment tout est parti.

C'est quoi le premier concert hardcore auquel t'as assisté ?
Alors, j’en voyais des groupes de hardcore, mais uniquement dans des concerts de metal. Le premier ça a été Nomed, à Rennes. Après Anthrax. Ensuite il y a eu Suicidal Tendencies pendant la tournée Clash of the Titans. Et ça, c'était énorme. Mais je pense que le concert qui a vraiment marqué beaucoup de monde, c'était Sick Of It All à l'Espace Ornano, à Paris, en 1992. Là, t'avais tout, un groupe hardcore et un public hardcore. Avant ça, dans la plupart des concerts que je faisais, t'avais un groupe de thrash, un groupe de hard rock, un groupe de hardcore, du punk… Tu mettais deux ou trois mecs branchés hardcore dans le pit et ça s'arrêtait là. Mais le concert de Sick Of It All, il a été déclencheur. Quand on est rentré à Rennes ensuite, c'était fini : « c'est ça qu'il faut faire ! » Quand tu parles aux vieux de la vieille, il y a toute une génération qui a été marquée par ce concert-là.

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Tu la fixais où toi la différence entre hardcore et metal, puisque tu as surtout baigné dans ce dernier plus jeune ?
La limite est dans l'attitude. Le hardcore a très vite flirté avec le metal, du simple fait que, très souvent, les hardcoreux ont commencé par écouter du metal et/ou du punk et se sont ensuite dirigé vers le hardcore. C'est pour ça que certains groupes sonnent metal et d'autres punk. Pour moi, le hardcore n’est pas qu’un style musical, c’est très ouvert, c'est l'attitude, le discours et les actions du groupe qui font qu'il est hardcore ou pas, peu importe l’étiquette. Au fil du temps, des styles ont émergé avec un son très spécifique et tu ne les trouves que dans la scène hardcore.

Je suis tombé sur la vidéo ci-dessous filmée à l'Espace, une discothèque de Rennes.
Alors ça, c'était la première tournée de 25 Ta Life en Europe (1996) qu'on avait organisé avec Da Hardside Connection, notre asso qui a existé de 1994 et 1997. C'était l'époque où Rennes portait vraiment le flambeau du hardcore et on n'avait pas voulu que la date ait lieu à Paris, « c'est à Rennes qu'on avait lancé le brutal NYHC, alors c'est à Rennes que ça devait se passer ! » Nous, on était déjà à fond dedans, mais pour toute une génération, c'est le concert qui a amené beaucoup de gens dans une nouvelle phase. D'autant plus que c'était blindé, 1000 tickets vendus, du jamais vu !

Le concert avait eu lieu à l'Espace, une boîte du centre-ville, et il y avait également la clientèle habituelle qui se rendait compte de ce qui se passait seulement une fois à l'intérieur. Et puis surtout : toute la scène française était là, parce qu'au milieu des années 90, 25 Ta Life représentait le renouveau du hardcore new-yorkais. Tous les gens qui se sentaient impliqués sont venus. Et ça a donné un concert de ouf. C'était vraiment cool. Même Kickback pendant très longtemps ont dit que c'était leur meilleur concert. Nous aussi avec Stormcore c'était énorme et puis bon, 25 Ta Life, c'était un bordel monstre, on se serait tous crus à New York quoi. C'est la période où on matait déjà pas mal de vidéo avec des stage dives, des moulinets, c'était tout nouveau à l'époque. »

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D’ailleurs, question à 1000 points : qui ont été les premiers à mosher en France ?
Bah c'est nous hein. Le KDS crew [pour Karate Dance Style]. On est les premiers à l'avoir fait. Puis très rapidement les Parisiens s'y sont mis, Dablin [chanteur de Grapeshot puis de Drowning, les mecs de Kickback. Moi quand j'allais à Paris, je passais souvent à London Styl voir Patrick et Jean-Marc. Je passais une journée facile dans le magasin, ils me faisaient découvrir plein de trucs. Et le violent dancing, c'était Rennes, je dirais même à l'échelle de l'Europe. Parce que quand on allait en Belgique, au Ieperfest par exemple, personne ne moshait encore.

Il y a une édition du Ieperfest qui est mythique, au milieu des années 90, on y avait tous bougé, Rennes/Paris, et on avait tout défoncé ! Dès qu'un groupe jouait, tout le monde hallucinait. Ce qui est marrant c'est que dans la bande, on fumait de la beuh etc, et le Ieperfest à cette époque c'était ultra straight edge. J'y étais allé deux fois avant, quand tu buvais une bière on te regardait de travers, c'était ça l'ambiance. Donc quand ils ont vu le topo : on déboulait, on défonçait tout dans le pit et en plus on picolait… Je te raconte pas. Ça me fait marrer quand je remate des vidéos, tu vois plein de gars d'aujourd'hui, tout jeunots, qui sont au milieu du pit et qui comprennent rien, et maintenant ce sont devenus des pit masters ! Les mecs auraient halluciné en nous voyant à ce concert. Bruno [Genet, le boss du fest] avait même affiché des pancartes « No KDS dancing » dans la salle. Mais c'était toujours dans la bonne humeur hein, on n'a jamais pité pur taper des gens, nous on pitait pour danser et se marrer. On n'était pas les seuls en Europe à avoir accès aux vidéos ricaines hein, mais il fallait bien qu'il y en ait qui commencent à le faire.

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Le Karate Dance Style en action.

Ça a dû encore plus faire scission avec le « hardcore d'avant ».
Ah bah oui là, la guerre était déclarée. On était « des fachos, des machos et des machins ». T'avais beau leur expliquer que pas du tout, c'était même pas la peine. Ils voulaient leur tête de turc, ils l'ont eu. D'ailleurs, quand je rencontre des gars de cette époque-là, plus âgés, tu vois que tout le monde a grandi, les gens se rendent compte que c'était un délire, que c'était bon enfant, ça nous permettait de lâcher toute l'énergie qu'on avait plutôt que de la dépenser à taper sur d'autres pour des convictions politiques, ce qu'ils auraient aimé nous voir faire finalement.

Au début d'ailleurs, on traînait pas mal avec les mecs du SCALP et puis à un moment un mec a dit « ouais, Mathieu il traîne avec des mecs chelous », et ils nous ont mis l’étiquette fafs. On était devenus « ambigus » quoi. Ils le savaient très bien qu'on n'était pas des fafs, mais ils étaient le cul entre deux chaises… « Ouaiis, mais le mec peut pas être facho, il est réfugié politique chilien », ils étaient perdus ! Les mecs intelligents sont restés nos potes et les nervis abrutis qui sont passés par quarante phases on ne les a jamais revus.

Tu peux me parler un peu de karate, du vrai ? Tu en fais en compète je crois.
J'en faisais étant ado, mais j'ai arrêté à mes 18 ans pour reprendre à mes 33 ans ! Depuis, je fais des compétitions de Kata, en catégorie Vétéran 1 (35-45 ans) ! Je fais les championnats de France, et suis vice-champion de Paris ! Sinon, j’entraîne et coache des athlètes plus jeunes au niveau national et international. J'adore ça. Maintenant que je suis au Mexique, j'ai trouvé un super club, je vais faire ma première compétition en kata et je continue à entraîner de jeunes ici !

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Il y a qui sur cette photo ?
C'était nos potes de Nantes. Toujours la même bande. L'embryon du KDS Crew c'était ça. Deux bandes de potes qui bougeaient ensemble à Paris, en Belgique, à Limoges, parfois à Bordeaux, etc.

Aucune des deux villes ne revendiquait la paternité du truc ?
En fait, les mecs venaient surtout à Rennes parce qu'à Nantes il ne se passait rien. Et nous quand on allait à Nantes, c'était nul, on s'ennuyait ! D'ailleurs, il faut dire ce qui est, les groupes nantais étaient bien pourris quand même ! Les débuts de Right For Life et Slamface, putain, ça ramait quoi. Mais en même temps, il y avait l'énergie et ils le faisaient, c'est ça qui était cool.

C'étaient quoi les groupes rennais importants ?
Stormcore, Underground Society, un peu plus tard A.W.O.L., State Of Injustice, Galahad… A côté il y avait les Mass Murderers, Tagada Jones quand ils ont viré punk, au début c'était plutôt du rock alternatif…

« Le premier festival 100 % hardcore en France ».
Backfire et Right Direction étaient les groupes européens qui étaient dans le même délire NYHC que nous, donc on s'écrivait. On n'a jamais été vraiment fans de leur muisque mais on échangeait. Par contre, on avait rencontré Richie, le batteur de Backfire!, pendant la tournée de Warzone en Europe et il nous avait filé son 45 tours, on avait bien kiffé. On les avait ensuite fait venir tous ensemble à Rennes, puisqu'ils faisaient partis de la même bande. On avait fait presque le plein dès le premier fest.

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Et les Tontons Flingueurs dans tout ça ?
Le club a fermé vers 1999/2000 je crois. Ce n'était pas gagné au départ, parce qu'ils ne voulaient vraiment pas de nous. Ils voyaient qu'on faisait des concerts à La Fontaine, un bar à 50 bornes de Rennes, en pleine forêt de Brocéliande, et qu'on rameutait plein de monde. Les mecs de la salle se sont dit, « attends y'a un truc qui se passe là ». Et donc voilà. Ça arrivait qu'on ait des articles dans Ouest France et on le disait clairement : « à Rennes on est banni, on est obligé d'organiser nos trucs à la campagne » et donc tous les mecs de l'Ubu, des Tontons Flingueurs, ont été un peu obligés de nous écouter, de nous donner notre chance. Et quand on a fait le premier concert chez eux, les mecs étaient ravis. Ils ne savaient pas du tout à quoi s'attendre, ils pensaient qu'on était des fafs ou je sais pas quoi, et finalement tout s'est hyper bien passé, les gars étaient étonnés. C'était bon enfant, tout le monde picolait, etc. Enfin, « tout le monde picolait », il n'y avait pas de straight edge à cette époque à Rennes, à part Yann Boislève, ahah.

T'as un souvenir d'un concert qui s'est mal passé ?
Il y a un Superbowl où il y a eu une bagarre ouais, avec le SDR, le Syndicat Des Relous. Des mecs qui étaient tout le temps aux concerts hardcore. Ils avaient des barbes, ils descendaient de Paris, des mecs plus âgés que nous, des gros branleurs. Au deuxième Superbowl, l’un deux s'amusait à tirer les cheveux des métalleux dans le pit… Tous ces gars, on les connaissait parce qu'on les voyait aux concerts, ils faisaient même la route jusqu'à Brocéliande pour un concert, hyper motivés. Ce coup-là, ils étaient une dizaine, avec des mecs qu'on ne connaissait pas, donc c'est parti en baston générale. La sécu a dû sortir les types. On a discuté dehors pour se rendre compte qu'on en connaissait certains dans le tas, on a calmé le truc puis tout le monde est revenu dans la salle. 15 jours plus tard, on jouait avec notre autre groupe, Straight Up, à Maisons-Alfort et les mecs se sont tous pointés. Et nous on était que six, ahah. On n'a chié dans notre froc. Puis finalement, y'a pas eu d'embrouille. Ce sont des vieux copains maintenant, on est toujours content de se voir quand on se croise.

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Selon toi, pourquoi Madball a autant marqué la scène française ?
Quand t'écoutes les deux premiers 45T, c'était vraiment du NYHC classique des 80's. Mais quand ils ont sorti Droppin' Many Suckers, là, il y avait une vibe différente, plus groovy, un truc qui nous plaisait plus en fait, plus racaille, tout ça. Je pense que tout le monde a vachement été impressionné par ce 45 tours. Moi je les avais vu une première fois lors de la tournée d'adieu d'Agnostic Front, en 1992, à l'Elysée Montmartre. Et j'avais trouvé ça ultra efficace. Des morceaux hyper courts, de l'explosivité, des mosh parts imparables. Et puis évidemment, le côté chicanos qui me parlait.

Parle-moi de cette photo.
Alors ça ce sont les tout débuts d'Overcome, avec Loïc et Sonia. Ils étaient ensemble à l'époque et s'occupaient de l'asso Mosh Bart à Bordeaux. Ils organisaient des concerts au Jimmy's et tout. Quand j'ai lancé le projet Overcome, je cherchais des gens avec qui le faire et comme on s'entendait hyper bien, qu'on kiffait les mêmes trucs, avec la même vision de la scène en général, pas uniquement hardcore, on a décidé de monter le projet ensemble. J'ai dû créer Overcome en avril/mai 1997, et eux sont arrivés à Rennes vers septembre/octobre 97. On était dans les locaux des Productions du Fer, le label de Billy Ze Kick. Benoît Careil, qui était le boss, m'employait à l'époque comme attaché de presse et quand il a arrêté le label il m'a proposé de reprendre les murs pour monter une structure de distribution et de production de groupes hardcore. Il m'avait filé 2000 francs cash à l'époque. C'était sa contribution avant qu'on reprenne tout en charge. Et on était les premiers emploi-jeunes de Rennes ! »

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Il y avait quoi comme autres VPC à l'époque ?
Au lancement d'Overcome il y en avait pas mal : Boislève, Stonehenge, Panx, Mosh Bart, et d'autres encore, mais qui ne fonctionnaient que par l'échange de leur productions, donc un catalogue limité. Il y avait aussi des pros tels que Tripsichord et Sugar & Spice, mais qui n'avaient pas forcément en stock ce qu'ils proposaient et leurs prix étaient relativement chers pour l'époque… Personnellement, j'étais encore obligé d'acheter mes disques aux USA ou en Allemagne. Notre VPC répondait à une demande de disques plus pointus en matière de hardcore brutal, straight edge, metal, etc.

Cette réputation de « vendus » que vous aviez, elle vient d'où à ton avis ?
Elle venait essentiellement de personnes jalouses de ce que nous étions en train d'entreprendre à l'époque, surtout que nous vendions les disques relativement bon marché pour du dépôt vente ou achat direct chez des fournisseurs américains, allemands et belges. Le fait que nous cherchions à vivre de notre travail en dérangeait certains… On nous sortait souvent comme argument les prix pratiqués par les distros DIY, qui n'étant pas du tout dans la même démarche (échanges et bénévolat), ils pouvaient se permettre de vendre des disques moins cher que nous, mais ils n'avaient pas la même offre. Enfin, ce qui était marrant, c'était de voir l'évolution de ces personnes, qui ont pour la plupart changé d'avis ou alors carrément quitté la scène pour devenir tout ce qu'ils critiquaient…

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Bon, puisqu'il y a prescription maintenant, peux-tu révéler l'identité de la personne qui écrivait les descriptifs des catalogues ?
Hahaha ! Pour l'essentiel des catalogues Overcome c'était moi et Loïc, sinon il y a eu Olivier (de Right For Life) et Pascal (de Stormcore/Underground Society) qui ont également bossé à Overcome et qui ont été en charge de la VPC. C'était un truc que j'adorais faire ! Le premier « Da » que j'ai lu c'était dans le fanzine de Rick Ta Life, Back Ta Basics, on l'a repris ensuite, ça nous faisait marrer tous ces « da », « ta » et consorts !

Ça a duré combien de temps en tout Overcome ?
Dix ans. Ça s'est terminé en avril 2007.

Dans la tristesse ?
Non, non non. Ça m'a fait chié d'arrêter de travailler dans la musique, etc… mais parallèlement, ça m'a enlevé un poids tellement lourd, que je traînais depuis des années, que ça a aussi été un soulagement. Chef d'entreprise c'est dur hein, quand t'as des mecs qui bouffent grâce à ton boulot, et que tu ne peux pas les payer, ça fait chier quoi. T'es dans un état de stress permanent. On était presque dix personnes donc c'était difficile. Le fait que ça ne s'est pas arrêté dans la douleur, je veux dire d'un point de vue social, c'est bien aussi. Il n'y avait pas d'alternative de toue façon, c'est pas « on a merdé », le marché s'est cassé la gueule, point.

D'ailleurs, notre avant-dernière année avait été notre meilleure année. Depuis 3 ou 4 ans ça allait de mieux en mieux, on avait tout restructuré depuis le début, c'était plus pro. Mais les disques ne se vendaient plus, alors qu'est ce que tu veux faire ? Les magasins ne voulaient plus rien acheter et 80 % de notre chiffre d'affaire tenait dans la distrib, pas dans le label. Avec le label, on cherchait surtout à se faire plaisir, pas à gagner de l'argent. On cherchait à faire les choses bien par contre, pas à sortir tout et n'importe quoi. Je sortais les groupes que j'aimais et voilà. Donc la seule solution rentable c'était d'arrêter, ce qui permettait à tous les salariés d'avoir des indemnités, du chômage, des formations payées, etc. et qui leur a permis à tous de retrouver un boulot derrière.

Par contre, un truc important à dire, c'est que parmi toute l'hypocrisie de la scène, les copinages et tout, quand Overcome a arrêté, très peu de personnes m'ont contacté pour savoir pourquoi, comment ça se passait ou juste pour prendre des nouvelles. Ceux qui l'ont fait se comptent sur les doigts d'une main. Alors qu'avant, j'étais sollicité en permanence, « t'es mon meilleur pote, tatati tatata ». Quand ça se casse la gueule, tout le monde t'oublie.

Bravo l'unité…
Les groupes qu'on avait signés par exemple, quasiment aucun ne nous ont contacté. Le discours dominant c'était plutôt « ouais ce label, c'est des enculés, tant mieux ». Pour d'autres c'était « les vendus d'Overcome ont enfin fait faillite »… Les envieux, tous ces gens-là. Ça a fait plaisir à certains, mais bon, c'est comme ça hein.

Stormcore s’est « reformé » en juin dernier pour la renaissance du Superbowl of Hardcore à Rennes. Alors, ça s’est passé comment ?
On s’est d’abord reformé pour les 15 ans de Garmonbozia (Fred, qui gère l’asso, est un très bon pote à nous). Il avait demandé à AWOL de se reformer, qui ont accepté et nous ont demandés à Pascal et à moi de monter sur scène pour rejouer un ou deux morceaux de Stormcore avec eux. Dès que Fred a appris qu'on allait remonter sur scène il a annoncé ça comme une reformation de Stormcore, alors pour pas passer pour des baltringues et ne jouer qu'un ou deux titres on s'est dit qu’on allait faire un mini set de 4-5 morceaux pour l’occase. Ça a été très dur pour moi, pendant 15 ans je n'avais pas touché une guitare, mais ça l’a fait et ça nous a tous filé la banane de se retrouver en répète !

Parallèlement, les gars du Superbowl nous ont aussi branché, ça avait du sens de le faire : c’est le festival que nous avions impulsé en France et surtout à l'Antipode, où nous avions fait nos meilleurs concerts à l'époque. On a donc accepté. Entre temps, on a également fait une apparition à la release-party de Machette, nos potes de Nantes. On a eu d'autres propositions, en France et à l'étranger, mais on a décidé de s'arrêter là. C'était super cool de se retrouver, de le faire, de le vivre, mais finalement, nous n'avions pas vraiment envie de nous relancer dans Stormcore. C'était très bien comme ça.

Bon et sinon, la flamme hardcore brûle toujours en toi ?
Ah ouais ouais, toujours. Le problème c'est qu'il y a très peu de groupes qui me mettent une claque. Turnstile par exemple, ça m'a parlé, ça m'a touché, dommage qu'ils aient joué dans une cave avec un son pourri mais bon… C'est le genre de groupes qui peut me faire danser tu vois. Après, je suis moins passionné qu'avant, c'est sûr, mais je suis toujours le truc. Dès que je vois des choses bien, je prends, j'achète, j'y vais. En même temps j'écoute tellement de trucs, en hardcore j'suis un peu largué maintenant. Ça marche par période. Là pendant un an j'ai écouté que du thrash. En hardcore, vu que c'est le truc que j'écoute le plus, je n'ai pas trop à me replonger dedans. Le thrash j'avais vraiment lâché l'affaire, fallait une remise à niveau. En hardcore, je rate toujours quelques groupes mais dans l'ensemble ça va. Power Trip, Fire & Ice, tous ces trucs-là, c'est relativement nouveau, et j'suis pas contre, au contraire !

Rod Glacial a conservé tous ses catalogues Overcome. Il est sur Twitter @FluoGlacial