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Shane Embury nous raconte comment il a rejoint Napalm Death

Pour les 97 % d’entre nous qui se réveillent avec des envies de meurtres, une pinte de café noir et une rafale de grindcore restent le seul petit-déjeuner valable.

J’aime l'odeur du Napalm Death au petit matin. Pour les 97 % d’entre nous qui se réveillent avec des envies de meurtres et de sévères tendances à l’asociabilité, une pinte de café noir et une rafale de grindcore restent le seul petit-déjeuner valable. Le grindcore vous protège des petits matins de printemps, et facilite la transition de grizzly et/ou psychopathe à personne socialement acceptable. Si, si, essayez. De toute façon, vous n'avez rien à perdre. Au pire, commencer la journée en écoutant Napalm Death vous permettra au moins d'étouffer les sifflotis de votre colloc’ et de tenir vos voisins à bonne distance.

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Shane Embury est l’un des pères fondateurs du grindcore et le plus ancien membre de Napalm Death. Ni grizzly, ni psychopathe, il vit avec sa femme et sa fille à Birmingham, en Grande-Bretagne, le berceau-même du heavy metal, qui a notamment vu naître des groupes comme Black Sabbath, Judas Priest et Godflesh. Je l'ai appellé au moment où il tentait de faire cesser les pleurs de sa fille, à l'aide de son batteur.

Noisey : Hey Shane, comment ça va ? Je te dérange, peut-être ?
Shane Embury : Ça va, mec. Je suis chez Danny, notre batteur, là. C’est un peu dingue en ce moment. On prend quelques jours de vacances au milieu de la tournée, et je suis avec mon bébé de quatre mois. Danny lui donne le biberon pour la première fois et c’est une expérience assez intéressante. On revient tout juste du marché et elle a l’air plutôt contente pour l’instant, donc ça va.

C’est ton premier enfant ?
Ouais. Elle est née en décembre, donc l’aide de tout le monde est la bienvenue. J’ai été absent pendant un bout de temps. Ma femme est japonaise, du coup elle l’a emmenée voir ses parents, il y a deux mois. Maintenant on entre dans la période où elle fait ses dents, comme on dit. Elle devrait commencer à ramper, donc ça va être, eh bien, oh mon dieu… On verra bien !

Est-ce que tu lui fais écouter de la musique ?
Je chante un peu pour elle. Je chante de tout, sauf des trucs heavy. Je suis intrigué, elle a de longs doigts, du coup je me dis, hum, pianiste ? Guitariste ? Je lui mets un peu de heavy metal et je bouge ses pieds en rythme avec la batterie. Tu vois, pied droit, pied gauche. Ce genre de truc. Je ne sais pas si elle y fait attention. Mais peut-être qu’à un niveau relativement primitif, je lui apprends une espèce de coordination, sans qu’elle ne s’en rende compte.

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Quel genre de musique tu lui passes ?
Et bien, l’autre jour, j’avais la démo de At The Gates, parce que je suis pote avec ces gars. On l’a écoutée et elle gigotait sur mes genoux et bougeait ses bras. C’était en quelque sorte sa première expérience heavy metal, ce nouveau disque de At the Gates, dont je ne devrais d’ailleurs pas parler, mais voilà.

Donc, tu es à Birmingham en ce moment. Tu peux me dire pourquoi tant de groupes de heavy metal viennent de cette région d’Angleterre ?
Les gens disent que c’est parce que c’est une zone industrielle. Mais il y a un tas de zones industrielles. Avant tout, je crois que c’est comme l'a dit Tony Iommi, une région hyper misérable ici, et que tout le monde veut foutre le camp d'ici. Je pense que c’est ça le point de départ. Mais quand tu as tout ce background, c’est inévitable que tu te mettes un jour où l’autre à essayer de créer toi-même quelque chose. Certains de ces groupes se sont formés à un pâté de maisons de là où j’ai grandi. Mais je ne m’en rendais pas vraiment compte quand j'étais plus jeune.

J’ai entendu dire qu’avec ton groupe, vous étiez les meilleurs dans de mauvaises conditions, et vice versa.
Tu as deux options, tu peux soit te plaindre de ce qui arrive, ce que certaines personnes font, ou tu peux juste attendre et voir ce qu'il va se passer. Parfois, alors que les conditions avaient l’air vraiment mauvaises au début, les concerts finissent par être vraiment bons.

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Vous êtes passés dans un épisode de Skins il y a quelques temps.
Oui, c’est assez bizarre. C’était il y a un an et demi. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est une série que je regarde tout le temps. En fait, je ne la regarde presque jamais. Mais un des gars qui a créé la série est un grand fan de metal extrême.

On dirait que passé un certain stade, un groupe dépasse le point où il peut se séparer et devient une sorte d'institution. Et Napalm Death existe techniquement depuis 1982.
Les deux premières années, avant que Barney, Mitch, Jesse, et Danny n'arrivent dans le groupe, c’était assez tendu, parce qu’on vivait tous à différents endroits. On était très jeunes, on faisait quelques concerts ici et là, la scène en était encore à ses débuts… Et puis aux alentours de 89 ou 90, quand les autres ont rejoint le groupe, on a tous habité ensemble dans une maison pendant je ne sais combien d’années, et on est devenus très proches. C’est en partie grâce à ça qu'on est toujours ensemble aujourd'hui. Je veux dire, il y a eu quelques fois au cours des années où on aurait pu péter un câble et se séparer, parce qu’on a tous nos différents. C’est un peu comme un mariage, en quelque sorte. On s’engueule une fois de temps en temps, mais il faut savoir prendre un peu de recul et se dire : hey, j’ai la chance de faire le tour du monde, de rencontrer des tas de personnes intéressantes, de visiter plein de pays et de jouer la musique que j’aime vraiment. Tu dois mettre ton égo de côté de temps en temps et réaliser qu’il y a des choses pour lesquelles il ne sert à rien de se battre. Et tout le monde n’en est pas capable.

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Comment es-tu entré en contact avec le groupe pour la première fois ?
Je les ai rencontré en mars 86, littéralement en bas de la rue où je me trouve en ce moment. Et je suis devenu très bon pote avec ces gars. À l’époque, j’avais un job à temps partiel, j’allais avoir 18 ou 19 ans. Je jouais dans deux groupes et je commençais à être très attiré par cette musique ultra-agressive, ce mélange hardcore/death metal que faisait Celtic Frost. C’était fabuleux. On est donc devenus bons amis et je les ai un peu suivi. Je les accompagnais en tournée, ce genre de choses. J'étais avec eux en studio, à traîner, quand ils enregistraient la face A de Scum, qui était sensé être un maxi à la base. Ils m’ont demandé de rejoindre le groupe, mais je ne l’ai pas fait tout de suite. C’est mon plus grand regret, vraiment. Ne pas l’avoir fait tout de suite.

Ça veut dire que tu aurais pû enregistrer la face B de Scum avec eux ?
Ouais. C’était un peu dingue. Nick Bullen, l'un des fondateurs du groupe, était parti jouer de la batterie avec Head Of David. Il y a avait un concert punk à Coventry, et Nick m’a demandé, « Est-ce que tu veux jouer de la guitare » ? Bon, je sais jouer de la guitare, mais je suis quand même plus à l’aise à la batterie ou à la basse. Mais j’ai quand même accepté. On a joué quelques morceaux, qui sont apparus plus tard, sur le second album. Tout s’est bien passé, mais je ne sais pas, tout ça m'a un peu dépassé. Je crois que j'ai eu peur et j’ai dit que ce n'était pas assez bon. Du coup, Nick a filé le plan à Frank Healy, avec qui ils ont enregistré la face B de Scum, et le reste fait désormais partie de l’histoire.

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Comment as-tu fini par intégrer le groupe ?
Quand Jimmy est parti, ils m'ont dit qu’ils avaient besoin d’un bassiste. C'était pendant une période assez creuse, en 1987. J’ai accepté parce que je me sentais plus à l'aide à la basse. Tout le monde a des regrets. Le seul que j’ai, c’est de ne pas avoir sauté le pas plus tôt. Mais je préfère vraiment la basse. Tu as plus de liberté pour bouger sur scène. Avec la guitare, il fait être plus concentré, plus précis. Quand j’ai débarqué dans le groupe, la première chose qu’on a fait, c’est les Peel Sessions.

C’était comment de rencontrer John Peel ?
Je me souviens qu’il y avait tout ce matos vintage aux studios de la BBC. C’était un gars vraiment sympa. Vraiment terre-à-terre. Il avait un faible pour Napalm Death et les autres groupes de cette scène. Il passait de tout, de Napalm Death aux Smiths, de The Cure à de la musique tribale africaine underground. Les Peel Sessions de cette époque étaient géniales. Tu pouvais écouter Slayer juste après Dinosaur Jr, et j’aimais ça. On se mélangeait tous.

Est-ce que la politique était aussi présente qu’on le dit aux débuts du punk et du métal ?
Certaines personnes nous pointaient du doigt, moi et mes amis, pour des conneries comme le simple fait de boire une canette de Coca. À l’époque de Scum, tout le monde était assez radical. Je venais du metal, qui était un peu moins politisé que le punk. Je buvais du Coca-Cola et un mec qui portait des chaussures à 200 £ me faisait une remarque, et il fallait laisser passer. Un peu hypocrite, non ? Quand le CD a débarqué et que le deuxième album de Napalm est sorti sur CD, on nous a traités de vendus. C'est assez drôle, quand j’y repense. J’aimais l’attitude et l’agressivité du punk, mais il y avait énormément d'hypocrisie dans la scène. Tu prêches pour l’unité, la liberté de pensée et l’individualité. Mais si tu ne peux pas jouer dans certains festivals pour je ne sais quelle raison politique et que ça t’empêche donc de faire passer ton message à un public différent, à quoi bon ? Quel intérêt y'a-t-il à jouer pour les mêmes personnes encore et encore ?

Cette attitude est désormais visible chaque jour sur Internet. Un mot malheureux suffit à te faire lyncher sur les réseaux sociaux.
Aujourd'hui, tu peux être observé et jugé 24h/24, 7j/7. Si une phrase est placée hors de son contexte, quelqu’un peut avoir l’impression que tu es ceci ou cela. C’est vraiment très compliqué. Tout le monde a une opinion, la différence c'est qu'aujourd'hui tout le monde peut diffuser cette opinion. Tout le monde peut tweeter, tout le monde peut répondre, tout le monde peut poster. J’essaye juste de rester droit. Il y a un tas de choses qui déconnent dans ce monde, mais quand ça touche à la politique et à ce que je suis, j’essaye juste de rester sincère, honnête et intègre.

Greg Pike est sur Twitter - @GGRPike. Plus de Napalm Death
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