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Music

On a rencontré Lance Scott Walker, l’auteur du livre Houston Rap Tapes

« Pour nous, DJ Screw était aussi célèbre que Tupac ou Biggie. »

Le livre Houston Rap lève le voile sur les zones les plus dangereuses de la capitale du Texas, illustré par les incroyables clichés du photographe Peter Beste. Des extraits des nombreuses interviews de l'auteur, Lance Scott Walker, balisent le récit. Le bouquin a pris près de dix ans à sortir, et durant sa conception, Walker a accumulé une quantité de conversations avec les acteurs de la gigantesque scène hip-hop de Houston. Ces interviews sont compilées sur Houston Rap Tapes, un recueil qui complète donc Houston Rap. Et le livre est fascinant, il nous plonge dans les profondeurs du rap texan, raconté par ses propres membres. Au lieu de ressasser les même trucs que dans Can't Stop Won't Stop de Jeff Chang, les gangsters tarés, les rappeurs célèbres et les nouveaux venus rencontrés par Walker, dressent le portrait d'une ville au passé mythique et pourtant inconnu, voilée par la fumée des blunts et la codéine. On a rencontré Walker pour parler de son livre, de l'histoire du rap made in Houston et des griffes du mainstream. Noisey : Le rap texan était assez auto-centré à l'époque. Je veux dire, vous étiez au courant des tendances mais les Geto Boys étaient bien plus importants que Tupac pour vous, non ?
Lance Scott Walker : DJ Screw l'était. Les Geto Boys ont toujours été un truc énorme à Houston, parce qu'ils ont été disque de platine avant n'importe qui d'autre et à une époque qui n'avait rien à voir avec aujourd'hui. DJ Screw mettait Biggie et Tupac dans ses mixtapes et des gars faisaient des freestyles par dessus. Ce que tu entendais le plus à Houston dans les années 90, avant et après sa mort, c'était Screw. Ce n'était pas quelque chose que tu entendais à la radio ou en boite, c'était un son que tu ne trouvais que dans la rue. Donc, tout entrait au Texas par DJ Screw, les gens devaient entendre Mr. 3-2 et Screwed Up Click autant que Tupac, Biggie, E-40, et tous les autres qui régnaient sur le pays à ce moment-là.
Oui, ça les mettait tous au même niveau. Screwed Up Click, South Park Coalition, Geto Boys – tous les artistes de Houston. Quand tant de personnes les écoutent et que ça a un tel impact sur la culture, tes influences sont obligatoirement plus locales. À Houston, Fat Pat était une star de la même pointure que Biggie et Tupac. C'est une ville énorme, la quatrième plus grande ville des Etats-Unis… Si on l'élargit à la zone qui l'entoure, c'est plus grand que Chicago. Et il y a toutes ces petites villes qui entourent Houston, comme celle d'où je viens, Galveston… Les mecs venaient à Galveston pour la Kappa Beach Party annuelle et ils vendaient des tonnes de cassettes. S'ils en sortaient une juste avant la fête, elle devenait instantanément un classique.

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Jusqu'où s'étendait l'influence de Screw en dehors de Houston ?

Il y a ce bon vieux circuit qui traverse le Sud, et il y a aussi une route que pas mal de gars ont suivi, à travers le Texas, la Louisiane et l'Arkansas. Des petites villes où, par exemple, SUC se ramenait pour donner des concerts. Les gens roulaient jusqu'à Houston pour acheter les cassettes de Screw et les ramenaient en Louisiane, ou partaient à l'armée et les faisaient passer à leurs régiments. Le son de Screw s'est développé de plein de manières différentes.

Donc, les tubes qui passaient pendant des saisons entières étaient principalement des freestyles et des mixes ?

C'était au cas par cas. « June 27th » par exemple est devenu LE morceau du 4 juillet. Ils l'ont enregistré un 27 juin et une semaine plus tard, pour la fête de l'Indépendance, tout le monde s'éclatait sur cette chanson. Alors qu'elle durait 27 minutes ! C'était audacieux, même pour Screw. Mais ça faisait partie du truc… c'est un titre de 27 minutes, où rappe ce gars, appelé Youngsta, qu'on n'avait jamais entendu avant. C'est déjà pas mal fatiguant, les morceaux de huit ou neuf minutes… Mais c'est comme ça à Houston, tes chansons ont intérêt à être sacrément longues.

Quelqu'un devrait écrire un papier qui compare la musique de Screw aux jam bands.
Sauf qu'au lieu de tripper, tu apprends.

Loin de moi l'envie d'opposer les deux camps, mais est-ce qu'on peut dire que Swishahouse a repris les choses où Screw les avait laissées à sa mort ?
En termes de popularité, ouais. Les mixes de Swishahouse, tout comme ceux de Screw, ont pas mal voyagé. Surtout si tu tiens compte de la guerre qui a commencé en 2003 ou 2004 ; pas mal de gars du Texas sont partis et ont pris les sons de Screw et les mixes de Swishahouse avec eux… peut-être même davantage ceux de Swishahouse, parce qu'à ce moment-là, tout était déjà digital. Mais le label faisait son propre truc. Je pense que ce n'était qu'une question de temps avant que le mainstream ne s'empare de Houston. Il y avait juste trop de choses qui s'y passaient. Une fois que tous les facteurs se sont alignés, les gens ont commencé à empilé les disques… ils ont pillé le genre. Mike Jones, Slim Thug, Paul Wall… Chamillionaire ou Bun B. Tous ces disques se sont classés dans le top 10 en l'espace d'un an. En partie parce que Swishahouse était vraiment en train de construire quelque chose. Ca s'était étendu dans tout le pays, pas à cause du mainstream, mais parce que ces artistes travaillaient vraiment dur.

C'est dingue de voir à quel point le rap à Houston était déjà énorme, avant même qu'on ne commence à voir des artistes du Texas à la télévision.
Ils se foutaient juste de savoir ce qui se passait ici. Le mainstream, ça sera toujours quelque chose qui se focalisera sur une zone précise, pour un court moment. Pas que dans le rap… regarde le grunge, le punk rock, le hair metal ; il y a toujours eu un moment où une ville en particulier a brillé pour ce qui s'y passait. La durée d'attention du mainstream est ultra limitée. Il trouve quelque chose, s'y accroche vraiment fort, puis se tire. Les mecs de Houston qui ont signé des contrats ont été assez malins pour ne rien accepter qui foutrait en l'air le reste de leur carrière. Combien de fois ç'est déjà arrivé ?

Et c'est à ce moment que tu construis ton propre truc.
Tu traces ta route, et quand les feux des projecteurs se posent sur toi, tu les fais payer. Tu gardes ton système bien en place, de manière à ce que quand ils s'en vont – ce qu'ils feront inévitablement, l'industrie n'allait jamais prendre racine à Houston –, tu aies conservé ce que tu possédais avant, et que tu puisses continuer ton truc. C'est ce qu'ont fait beaucoup de gars à Houston. Quand les majors les ont lâche, ils avaient de quoi retomber sur leurs pieds. Skinny Friedman est DJ et producteur. Il est sur Twitter - @skinny412