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Music

L'exposition David Bowie déménage à Berlin

Pour quelques documents secrets de la Stasi de plus.

Le 20 mai prochain, l'exposition David Bowie qui se tenait à Londres depuis le mois de mars, déménagera à Berlin, ce qui lui permettra de s'enrichir de nouvelles pièces. Le Martin Gropius Bau Museum exposera en effet la correspondance entre Bowie et Marlene Dietrich, dont les cartes postales datées de 1978 n’avaient encore jamais été montrées auparavant, des œuvres originales de l’expressionniste allemand Erich Heckel, et des documents secrets de la Stasi sur les émeutes qui ont entouré les concerts de Bowie.

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C'est durant son séjour à Berlin que le Thin White Duke a écrit et enregistré certains de ses meilleurs disques, et dévoilé l'aspect le plus avant-gardiste de son travail, stimulé et influencé par le minimalisme allemand, les musées de la ville et les nombreux amis et artistes qu’il y a rencontré. L’exposition compte plus de 300 objets tirés des archives de Bowie : des paroles écrites à la main, des coupures de presse, des photographies, et des dizaines de costumes originaux. On y retrouve notamment la combinaison de Ziggy Stardust, créée par Freddie Burretti, le costume ligné imaginé par Kansai Yamamoto pour la tournée d’Aladdin Sane de 1973 (qui ressemble à s’y méprendre à une peinture de Frank Stella), ou encore la veste Union Jack signée Alexander McQueen, portée par Bowie sur la pochette d’Earthling. L’exposition retrace la carrière de la légende et inclut des décors de ses concerts, des vidéos live, des artworks d’albums et des instruments.

On a rencontré Christine Heidemann, la commissaire d’exposition du musée, pour discuter de Bowie, de Berlin, et du défi que représentait une telle exposition.

Planche contact pour Heroes.

David Bowie et William Burroughs.

Noisey : Pour cette version berlinoise, vous avez ajouté une pièce entière à l'exposition, c’est ça ?
Christine Heidemann : Oui. Quand il a été décidé que l’exposition déménagerait ici après une première présentation à Londres, les organisateurs ont demandé à ce que la section consacrée aux années berlinoises de Bowie soit étendue, parce qu’elles ont été cruciales pour lui. Et ils m’ont confié cette tâche. Il y avait déjà une partie dédiée à Bowie à Berlin dans l'exposition d'origine, mais elle est désormais beaucoup plus importante. Il y a tout un tas de nouvelles choses qui y ont été ajoutées.

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Que pourra-t-on y voir ?
L'exposition de Londres s’était focalisée sur les trois albums berlinois de Bowie ; Low, Lodger et Heroes. Je me suis dit que ça pouvait être intéressant de lier davantage l’exposition avec la ville de Berlin, où elle va désormais avoir lieu. Quand on arrive au Martin Gropius Bau Museum, qui est tout près de la Potsdamer Platz, on n’est vraiment pas loin des Studios Hansa, où Bowie a enregistré, et qui étaient totalement différents à l’époque. J’ai essayé de me focaliser là-dessus, ainsi que sur les motivations et l’inspiration qui l’ont amené ici, tout comme les lieux qui étaient importants pour lui à Berlin.

Par exemple, Bowie adorait l'expressionnisme allemand, et on est extrêmement fiers de pouvoir exposer deux œuvres du Brücke Museum. Ce sont des sources d'inspiration incontestables. Bowie allait souvent au Brücke Museum. Il peignait et dessinait quand il était ici. Il y a beaucoup de peintures et de dessins inspirés par Bowie ici, et on en retrouve d'ailleurs quelques traces sur la pochette de Heroes. On présente aussi une gravure sur bois de Erich Heckel, appelée Portrait of a Man. Toutes ces relations deviendront évidentes quand vous verrez les peintures à côté des pochettes d’albums.

Carnets de paroles.

Bowie était ami avec Marlene Dietrich, est-ce que vous avez quelque chose qui montre leur amitié ?
Bowie et Dietrich avaient tous les deux joué dans un film, Just a Gigolo, qui a été tourné en 1978, entre Berlin et Paris. Mais, en réalité, ils ne se sont jamais croisés pendant le tournage. Bowie était à Berlin, Dietrich à Paris. Ils se sont envoyés des cartes postales et on en a quelques-unes. Elles n’ont encore jamais été exposées.

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Quel type de photos pourra-t-on voir ?
Il y a notamment un grand collage de photos qui provient des archives personnelles de David Bowie, qui ont été prises par des amis tels que Coco Schwab, quand il était ici. Elles montrent Bowie à Berlin, dans des lieux qu’il aimait particulièrement. C’est comme une carte de son esprit. Les visiteurs peuvent ainsi facilement faire des liens avec ces endroits qu’ils voient sur les photos. Ils peuvent aussi les découvrir dès qu’ils sortent du musée.

En quoi Berlin a-t-elle influencé la personnalité de Bowie ?
Bowie vivait à Los Angeles avant de déménager ici. C’était difficile. Il était épuisé, et c’était l’époque où il prenait beaucoup de drogues. Ce n’est pas quelque chose sur lequel on insiste dans l’exposition, mais c’était une période compliquée pour lui. Il avait besoin d’un endroit où se reposer. Et cet endroit, c’était Berlin. Il avait un intérêt tout particulier pour l’expressionisme allemand et les années 20. Il s’intéressait à Berlin dans un contexte spécial, à la fois historique et politique, après la guerre. Il imaginait l’ouest de Berlin comme une île calme, où il pouvait se relaxer et où il pouvait vivre plus anonymement, ou du moins pas comme une superstar, comme c'était le cas à L.A.

Qu’est-ce qui rend vraiment unique la période de Bowie à Berlin ?
L'exemple que l'on cite souvent, c'est ce concert en 1987, en face du Reichstag, avec différents groupes comme Genesis. David Bowie y a chanté « Heroes » et les gens l’écoutaient de l’autre côté du Mur. C’était vraiment un concert énorme. C’était le 750ème anniversaire de Berlin, qui était particulièrement fêté dans l’ouest de la ville, mais beaucoup de personnes se sont aussi réunies à la Porte de Brandebourg du côté Est. Il y a eu des émeutes de ce côté-là ; ça montre à quel point Berlin restait une ville importante pour Bowie, même après qu'il l'ait quittée. C’était un événement impressionnant dans l’histoire de Berlin. On a des archives de la Stasi, la police secrète. Ce n’est pas directement lié à Bowie, mais plutôt à tout ce qui s’est passé lors du concert, du côté Est. Des journaux télévisés qui parlaient du show, ce genre de choses. La relation entre Bowie et Berlin va va bien plus loin que les années 70.

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Bowie a toujours été lié à la mode, qu’est-ce qui a fait de lui une icône ?
Il y a beaucoup de costumes, celui du Thin White Duke, entre autres choses. On s’est beaucoup focalisé sur la mode et sur Bowie en tant que personnage et figure en évolution constante.

Pour ceux qui n’ont pas encore visité l’exposition, quelle est sa particularité ?
On reste principalement dans les années 70 et 80. C’est une exposition vraiment spéciale, où l’on entend autant que l’on voit. On s’y promène avec des écouteurs. On écoute des interviews, des explications à propos de certains objets, des chansons, des films, notamment Where Are We Now ?

Quel a été le plus gros défi de cette exposition ?
Pour moi, ça a été de ne pas seulement ajouter des objets, mais d’ajouter du dialogue à ce qui était déjà ici. C’est une extension de l’exposition, plus spécifique à Berlin, donc la ville est un aspect important. Elle est principalement centrée sur Bowie en tant que personne, mais je voulais que le contexte berlinois soit plus visible, que l’explosition soit davantage connectée à la ville.

Les documents de la Stasi sont incroyables !
Oui, même s'ils ont l'air plus ennuyeux que le reste, dans un style très bureaucratique. C’était deux ans à peine avant que la chute du Mur. Le concert de Bowie a eu lieu une semaine avant que Ronald Reagan ne dise à Gorbachev, « Monsieur Gorbachef, vous devez faire tomber ce Mur. » C’était une période durant laquelle beaucoup de choses changeaient.

Une maquette de la scène pour la tournée Diamond Dogs, 1974.

L’exposition David Bowie se tiendra au Martin Gropius Bau Museum de Berlin, du 20 mai au 10 août 2014. Vous pouvez acheter vos billets ici. Elle déménagera ensuite à Chicago et à Paris, en 2015. Nadja est sur Twitter - @nadjasayej