FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Dans les coulisses du clip « 1960’s Horror » de The Shoes

Le duo rémois et le réalisateur Émile Sornin nous parlent de poulet, de poulet et encore de poulet.

Le début 2016 a de toute évidence été placé sous le signe de la protection des animaux. Entre la venue à Paris de Pamela Anderson et son discours à l’Assemblée et

la vidéo dénonçant les mauvais traitements infligés dans un abattoir du Gard,

le phénomène a été omniprésent. À se demander si le clip de The Shoes pour « 1960’s Horror » ne relève, du coup, pas plus de la mise en garde que du film d’anticipation. Pour élucider cette question, je suis allée à la rencontre de Benjamin et Guillaume (The Shoes), de leur manager Pierre Le Ny et du réalisateur du clip, Emile Sornin, également leader de Forever Pavot.

Publicité

Noisey : Comment en êtes-vous arrivés à travailler ensemble ?

Guillaume :

C’est Pierre qui est à nos côtés depuis 6 ans qui nous propose des réalisateurs car c’est un véritable esthète. Grâce à lui on a accès à des réalisateurs qu'on admire, comme Emile, Daniel Wolfe, Yoan Lemoine ou encore Karim Huu Do. On n’a jamais essayé de faire nos clips. On a totale confiance en Pierre et aux réalisateurs. Nous sommes juste musiciens. Si un mec débarquait en studio en me disant « joue un

fa mineur

plutôt qu’un

sol dièse

» ça me casserait les couilles.

Emile :

Les Shoes cherchaient une idée débile pour un clip débile, du coup Pierre a pensé à moi. On s'était rencontré plusieurs fois et je sais qu'il adorait les clips que j'avais fait pour Dizzee Rascal.

Benjamin :

Ce qui est drôle c’est que, moi, j’adorais l’album de Forever Pavot que j’écoutais en boucle. Je ne savais même pas qu’Emile faisait des clips alors que j’adorais sa musique. C’est un peu comme Woodkid, le genre de mec qui sait tout faire. On n’est pas jaloux mais c’est quand même énervant.

Pierre :

J’aime beaucoup le travail d’Emile, sous toutes ses formes. Ça fait longtemps que je voulais bosser avec lui mais j’attendais juste un projet qui pouvait lui correspondre, pour ce clip je voulais un réal avec un humour particulier. Emile est le seul réalisateur que je connaisse, peut être avec les Daniels, qui a un humour à « l’américaine » mais avec de la distance et le vrai recul nécessaire pour ne pas tomber dans la comédie pathos. J’adore son travail pour Dizzee Rascal, particulièrement ce clip « I Don’t Need A Reason » basé sur le « comique de répétition ». C’est brillant !

Publicité

Comment se passe le processus de création entre le réalisateur, le groupe et le DA ?

Pierre :

De manière générale je réfléchis autour d’une idée. Ensuite je cherche le réalisateur qui soit le plus à même d ela matérialiser. Toujours avec l’accord du groupe. Pour « 1960's Horror », je suis parti de la pochette de l’album. C’est une photo de Roger Ballen, où un gamin tiens un sac avec un poulet dessiné dessus. Ce dessin naïf de poulet, avec son côté Basquiat, m’a beaucoup inspiré et je me suis dit qu’il fallait faire un film sur le culte du poulet. Ensuite j’ai tapé poulet dans Google et je suis tombé sur des images d’abattoir, de KFC, de mecs déguisés… On a continué à chercher et creuser avec Roman Pichon Herrera (producteur chez Division) et Emile, et puis la liste s’est étendue au vaudou, aux émissions de cuisine… C’est fou tout ce que l’on peut faire autour du poulet.

Emile :

Pierre m’a envoyé un dossier avec des photos de référence avec toutes ces photos de poulets. C'est quelque chose qui ne m'arrive jamais, généralement je pars de zéro sur ce type de projet. J'ai tout de suite eu l'idée d'un poulet géant qui se venge contre les humains. Je leur ai soumis l'idée et je crois si on en est là, c’est que ça a plu. Ensuite on est partis 15 jours au Canada avec Roman. On leur envoyait des photos au fur et à mesure pour les faire saliver, mais ils m'ont fait confiance du début jusqu'à la fin.

Publicité

Benjamin :

On a vachement aimé le clip quand on l’a découvert. On a appelé Emile directement pour en parler. Maintenant on l’appelle tous les jours d’ailleurs.

Du coup c’est un mélange de vidéos d’archives et de vidéos de tournage ? D’où viennent les vidéos d’archives ?

Emile :

C'est top secret.

Pierre :

Allez, moi je balance. Il n'y a pas beaucoup de vidéos d’archives, seulement des choses qu’on ne pouvait pas shooter faute d’autorisations, comme les abattoirs. Division (la société de production) a complètement géré cette partie. On a juste choisi les moments qui nous plaisaient. À la base on ne voulait pas de vidéos d’archives mais leur intégration marche super bien avec le traitement des images et on n’avait pas le choix pour certaines séquences.

Guillaume :

Là où Emile a été très fort je trouve c’est avec cette trame narrative. Ça commence sur quelque chose de très documentaire mais ça termine sur quelque chose de plus science-fictionnel. La transition se fait de façon très évidente grâce à ce mélange justement. Je trouve que c’est une prouesse incroyable qu’Emile a réussie sur un morceau pourtant très court. J’adore aussi ce Chickenzilla à la fois très cheap comme les Power Rangers et assez réaliste.

Benjamin :

Tout ce qui a été tourné a été tourné au Canada. Mais nous on n'y était pas, on n'apparaît jamais dans nos clips.

Guillaume : Le costume du Chickenzilla est trop petit pour moi de toute façon. On peut voir dans ce clip une critique assez évidente de la société de consommation.
Pierre : On voulait surtout faire un clip drôle et puissant autour du poulet. On n’est pas végétariens, ni militants sinon on aurait sorti le clip pendant la COP21, mais c’est sur qu’il y a un vrai problème de malbouffe aujourd’hui et c’était drôle d’en parler à travers ce clip. Et tant mieux si ça on en a fait réfléchir quelques uns. Emile : J'avais envie de pousser la surconsommation au maximum, comme si le poulet prenait une place gigantesque dans la société, au point d'en devenir absurde. Pour l'anecdote, les premiers jours on a commencé à derusher et monter le film dans des locaux situés au-dessus d'une chaîne de fast food dont je tairais le nom. C'était horrible, on avait les odeurs dès le matin. Avec les images en plus, c'était vraiment écœurant. À 1’53 on peut entendre le cri Wilhelm ? Qui a eu cette idée et pourquoi ?
Emile : Je ne sais plus qui a eu l'idée du cri Wilhelm, pour être tout a fait sincère. J'avais même complètement oublié son existence… Mais en tout cas il est là et il est magnifique. Guillaume : Le cri quoi ? Benjamin : Christophe Willem ? [Le cri Wilhelm est un effet sonore utilisé depuis les années 50, dont les réalisateurs, monteurs et ingé-sons se servent comme d'un clin d'oeil] Quels sont vos projets à venir ?
Emile : Faire d'autres films, voyager, faire des disques, voyager, fonder une famille, voyager puis dormir jusqu'à la fin des temps. Benjamin : Refaire des clips, si on trouve de quoi les faire. Et un nouvel album, aussi. Mais pas en 5 ans cette fois, plutôt en 5 semaines.

Guillaume : Aussi, je voulais dédicacer cette interview à Pascal, c’est un copain à moi qui est poulet.