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Music

Witxes déplore le manque de respect généralisé et les VJ qui ne servent à rien

Le musicien lyonnais signé sur le label berlinois Denovali fait de l'ambient/drone depuis 6 ans, et il le fait bien.

« Drone » : on a l'impression que les gens n'ont plus que ce mot à la bouche. Pourtant, les projets qui jouent sur ce tableau musical et parviennent à sortir du lot sans nous faire ronfler ne sont pas légions. Si clairement, certains ont choisi de piller ce nappage bruitiste pour se donner un petit vernis arty (no offense Daniel Avery), d'autres sont tombés dedans un peu par hasard, comme le lyonnais Witxes. Sa mixture electronica, shoegaze, noise et ambient se fait peu à peu une petite place dans le cœur des plus exigeants d'entre vous depuis quelques années, notamment grâce au coup de projecteur du label allemand Denovali qui sort ses disques et lui booke des tournées à l'est du Rhin . Véritable loner de la musique expé pas chiante, Maxime Vavasseur navigue sur le styx de l'ambient drone sans se soucier de ce qu'on pense de lui et il a bien raison.

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Noisey : Qu'est ce qui ta mené à faire WITXES ?
Witxes : J'avais plusieurs groupes dans différents styles, de la pop en passant par le post-hardcore ou la folk. Tous ces groupes se sont arrêtés presque en même temps. J'en avais un peu marre de l'énergie du groupe, sur le plan humain et musical. Je n'avais pas la force de remonter une nouvelle formation. Ma première idée était de faire quelque chose sans chant, instrumental mais sans pré-requis. J'ai acheté un peu de matériel et j'ai commencé à enregistrer tout ce qui me venait. Petit à petit ça s'est resserré autour d'un truc ambient drone… J'étais peut-être influencé par des disques de 2009, l'album de Ben Frost ou The Sight Below par exemple, des disques ambient mais ouverts sur l'extérieur.

Tu as des collaborateurs attitrés ou tu fais tout toi-même ?
Je fais principalement les choses seul mais je bosse régulièrement avec les mêmes personnes, dont Benoit Bel qui dirige le studio Mikrokosm à Lyon et que je connais depuis que j'ai 16 ans. Et puis je fais intervenir différents musiciens pour le studio. Je veux que le projet reste ouvert et que d'autres gens puissent amener leur regard et faire un peu évoluer le projet. Notamment pas mal de mes anciens collaborateurs.

On te voit plus à l’étranger qu'en France. C'est grâce à ton label, Denovali ?
Oui carrément, ils ont un nom qui fait déplacer les gens, même s'ils ne connaissent pas le projet. Je le sens notamment quand je tourne en Allemagne, il y a des gens qui reviennent un peu plus nombreux. Ca devient plus confortable au niveau des conditions aussi. En France, ça ne se passe pas comme ça, sauf peut-être à Paris ou à Lyon. Je ne fais que 2/3 dates par an ici, j'aimerais en faire plus. Je me sens un peu seul ici par rapport à ce que je fais alors que ce n'est pas le cas à l'étranger. J'aime bien le principe de scène mais en France, j'ai pas trop l'impression d'appartenir à quelque chose. Même à Lyon, à l'exception de Pierre/Blackthread, avec qui on est devenu assez proche, je me sens pas mal isolé.

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Tu as peur parfois que ta musique soit trop abstraite pour le public ?
J'y pense oui. Je me faisais déjà la réflexion quand j'étais dans d'autres groupes. Je n'appartiens à aucune scène : ce n'est pas assez expérimental pour certains, trop mélodique pour d'autres, trop abstrait ou pas assez électronique. Au début je le vivais mal mais maintenant je n'en ai plus rien à foutre. Ca veut dire que je fais quelque chose de personnel et que je ne façonne pas ma musique pour rentrer dans une scène ou plaire à tel ou tel public. Et c'est plutôt cool au final. L'année dernière j'ai joué dans un festival de jazz, un festival de metal, là j’ai été invité par Ben Klock aux Nuits Sonores. C'est bien de naviguer entre différents publics. Après c'est clairement plus dur pour moi pour faire connaître mon projet.

L'esthétique drone est pourtant assez à la mode en ce moment, à la fois dans le metal et dans la techno d'ailleurs. On pourrait dire que tu te trouves un peu à la croisée des deux…
Pour les gens qui font du drone, je ne suis pas assez drone, trop mélodique. Mais moi je viens d'un truc où tu écris des morceaux, des mélodies. J'ai toujours l'impression d'être dans la même démarche. Après, la musique que je crée est anti-live, elle ne peut vraiment exister que sur disque. C'est mon vrai but : créer quelque chose que tu ne peux pas entendre en live dans la vraie vie.

Ton impression sur ta performance aux Nuits Sonores ?
C'est bien que ce genre de musique soit représenté dans un gros festival comme ça. Le public a été assez réceptif mais je ne sais pas trop s'il s'attendait à ça. Il y a un certain risque à faire jouer dans ce cadre un mec qui ne met que 4 minutes de kick dans un set d'une heure [rires].

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Ca t'a inspiré quoi l'émeute qu'a créé hier le concert de Saaad ? [plusieurs membres du public sont montés sur scène pendant le set du groupe ambient toulousain pensant que c'était un DJ set et leur demandant de changer de morceau et de mettre « du kick » avant de se faire refouler par successivement l'ingé son, le guitariste du groupe et votre serviteur…]
Le mec qui pense que c'est un DJ set prouve déjà le degré de bêtise et de ridicule. Que quelqu'un se permette ce genre de comportements, ça met la lumière sur un truc courant dans notre société actuelle : l'individualisme et le manque de respect général. Ca fait un peu vieux con de dire ça mais on a l'impression que tu as le droit de chier sur quelqu'un à partir du moment où ça ne te plaît pas. Je suis vieux jeu mais je crois quand même au respect dans le cadre artistique.

C'est aussi le souci de la satisfaction immédiate et garantie : une certaine frange du public veut que tu appuies sur un bouton et bim, c'est l'éclate totale et le « para » rentabilisé.
Oui c'est la même chose que quand on m'emmerde pour que je mette de la vidéo dans mon set. 90% des lives que je vois avec de la vidéo ne me plaisent pas. C'est devenu une sorte de cache misère. Peut-être que je le ferai un jour. C'est clair qu'il y a pas grand chose à voir quand je joue sur scène, mais je fais de la guitare, je chante, il y a au moins autant à regarder qu'un DJ [rires]. Je préfère que les gens apprécient la musique.

Par rapport à certains musiciens qui se cachent derrière la vidéo ou la scéno ou qui jouent carrément dans le noir (comme Tim Hecker), toi tu as justement cette approche du live assez brute, tu ne te caches pas.
Ce qui m'importe le plus c'est la qualité du son. Les promoteurs te poussent à te mettre en avant, ça reste la culture du concert. C'est aussi sur scène que tu auras le meilleur son. Je ne me vois pas jouer au milieu du public. Je ne suis pas pour l'agression mais le son doit être assez fort dans mon projet pour qu'on capte toutes les strates. Ma musique en live est très différente du disque. Il faut trouver un équilibre, j'ai pas envie de monter sur scène et d'appuyer sur play. Donc le volume sonore est une part importante de l'expérience.

Qu'est ce qui influence ta vision artistique : ce que doit être Witxes ?
J'essaie de ne pas trop conceptualiser mais pour chaque album, je suis une idée directrice. Le premier était lié à la géographie, je suis obsédé par les cartes, j'ai toujours besoin de mémoriser le plan du lieu où je me trouve comme un autiste. J'aime beaucoup l'idée de différence entre la photo que tu vois d'un lieu, et la réalité. Mais c'est vraiment un truc très personnel. L'auditeur peut totalement ne rien en avoir à faire. C'est juste un fil conducteur. Sur Fabric of Beliefs, c'était plutôt les contradictions liées aux croyances, aux religions, à la mythologie. La fabrique c'est aussi le tissu, le tissu de mensonges… Mais bon ce ne sont surtout pas des concept-albums.

Et le prochain ?
J'ai déjà enregistré deux heures de musique mais je cherche la bonne direction. Je veux intégrer d'autres gens, que ce soit encore plus cohérent et ouvert, peut-être avec des sonorités acoustiques moins mises en opposition avec l'électronique. J'ai deux idées qui luttent, on va voir celle qui va l'emporter. Adrien Durand est sur Twitxer.